Blecharczyk (Airbnb) : “nous sommes dans 34.000 endroits dans le monde”

© Chad Riley

Nathan Blecharczyk croit en la complémentarité entre l’hôtellerie classique et l’économie collaborative.

NATHAN BLECHARCZYK. Airbnb est solide. Nous avons une grande confiance en ce que nous avons construit. Au début, tout le monde se demandait comment on pouvait faire confiance à un étranger dans sa maison. Aujourd’hui, 80 millions de personnes l’ont fait avec succès. C’est une expérience extraordinaire.

Durant les premières années, ce sont les investisseurs qui ne vous faisaient pas confiance…

Nous avions presque arrêté. Le seul succès en 2008 a été le lancement. Ensuite, il ne s’est plus passé grand-chose. Nous avons été chômeurs pendant un an et nous avions des dettes. Nous nous donnions encore trois mois.

Les clients aussi restaient à l’écart…

Notre conseiller, l’investisseur en capital-risque Paul Graham, nous a dit : ” Allez parler avec vos utilisateurs. Il vaut mieux avoir 1.000 utilisateurs qui sont amoureux de vous qu’un million d’utilisateurs qui vous aiment bien. Constituez un coeur d’évangélistes et construisez un produit à leur intention “. Nous n’avons pas cessé d’affiner le produit. Nous avons surmonté des obstacles qui, pour d’autres, auraient justifié de ne même pas commencer.

Quelles sont les leçons que d’autres entrepreneurs peuvent tirer de votre expérience ?

Certains acteurs traditionnels de l’hôtellerie revendiquent un rôle dans l’économie collaborative.

De nombreuses personnes échouent parce qu’elles abandonnent. Paul Graham nous a expliqué que les start-up n’étaient pas assassinées, mais mourraient de blessures qu’elles s’étaient infligées à elles-mêmes, qu’elles se suicidaient. La persévérance est primordiale. Deuxièmement, il faut rester fidèle à sa vision. Nous avons vu quelque chose en quoi aucun directeur d’hôtel et peu d’investisseurs croyaient. Nous aurions aisément pu tomber dans la facilité. Et si nous l’avions fait, nous n’aurions jamais pu construire cette entreprise.

Airbnb réalise une grande partie de son chiffre d’affaires en Europe. Pourquoi les villes européennes en général et Paris en particulier sont-elles si populaires ?

Nous réalisons effectivement plus de la moitié de notre chiffre d’affaires en Europe. La récession a placé le Vieux Continent à l’avant-garde de ce mouvement. Airbnb est particulièrement populaire en Espagne, en Italie et en France, les pays qui ont été touchés le plus durement et le plus longtemps par la crise. Nous avions lancé notre entreprise aux Etats-Unis au début de la récession. A New York, les premiers loueurs utilisaient Airbnb pour pouvoir payer leurs charges. C’est aussi comme cela que nous avons commencé. Durant les premières années, nous avons essaimé dans le reste du monde à partir de New York. Les gens qui avaient loué une chambre à petit prix à New York emportaient leur expérience à Paris, Tokyo ou Amsterdam. Ils ont eux-mêmes commencé à accueillir des clients, ou donné l’idée à leurs amis. C’est ainsi qu’est né un réseau de voyageurs. D’abord essentiellement des étrangers, puis de plus en plus de nationaux.

La manière dont on voyage a-t-elle changé ?

Au début, j’utilisais uniquement Airbnb pour mes vacances à l’étranger. C’est alors qu’est apparue la ” longue traîne ” (expression qui désigne, en statistique, les données en bout de graphique, cette queue étroite qui correspond souvent à une sous-estimation des variations extrêmes, Ndlr) : une partie des voyageurs se rendent là où il n’y a aucun hôtel… Et nous nous trouvons à présent dans 34.000 endroits dans le monde, pratiquement partout. Notre business n’est pas seulement international, il présente aussi un caractère domestique : Airbnb est très populaire chez les gens qui visitent des parents sans vouloir ou pouvoir loger chez eux.

Quels sont les endroits où vous n’êtes pas encore présents ? Et où vous pouvez-vous encore croître ?

En Corée du Nord et en Iran. Pour ce qui est de la croissance, nous enregistrons une forte augmentation des voyageurs chinois au Japon. Mais aussi en Inde, à des endroits qui n’étaient pas de hauts lieux touristiques. Nous avons commencé à Cuba. Les volumes ne sont pas encore importants, mais ils sont significatifs : le pays cultive une tradition de location de chambres dans des habitations. Nous avons pu les mettre sur notre plateforme. L’impact sur les locaux est énorme. Ils nous expliquent que les clients logent trois jours, mais posent des questions pour 50 ans. Cela touche le coeur de notre vision première : favoriser les connexions personnelles et construire des ponts.

Vous êtes presque un monopole…

Nous sommes tombés sur une nouvelle manière de voyager. En tant que pionniers, nous connaissons en effet une croissance extrêmement rapide. Mais il existe encore beaucoup d’autres manières de voyager et de se loger. Les opérateurs historiques ne restent pas les bras croisés : Onefinestay (site anglais de location occasionnelle de maisons privées, Ndlr) vient ainsi d’être racheté par Accor Hotels. Certains acteurs traditionnels de l’hôtellerie revendiquent un rôle dans l’économie collaborative.

Votre histoire est typique des start-up : croître rapidement et dominer un marché mondial…

C’est la réalité du monde dans lequel nous vivons. Nous sommes hyperconnectés. Envoyer un message à l’autre côté de ce bâtiment ne coûte pas beaucoup moins cher qu’une communication avec l’autre bout du monde. Les entreprises disposent d’un terrain de jeu plus grand. Elles peuvent croître plus facilement et s’étendre sans limites. Les frontières géographiques n’existent pas sur l’Internet.

Propos recueillis par Gerben Van Der Marel.

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