Bientôt tous locataires de sa voiture ?

Un constructeur automobile qui se lance dans la location de voitures, n’est-ce pas paradoxal ? Citroën, qui vient de dévoiler sa propre offre en France, assure que non. Le groupe espère en fait surfer sur un phénomène de société, l'”autopartage”. Explications.

Un constructeur automobiles – en l’occurrence Citroën – qui se lance dans location de voitures à la carte, voilà qui ressemble de prime abord à du sabordage. Révélée mardi par Le Parisien, cette information a été confirmée par le groupe à L’Expansion.com.

Le 20 septembre prochain, Citroën proposera donc aux résidents parisiens, lyonnais, bordelais ou encore marseillais de louer des voitures par téléphone. Le concept est assez simple. Avec un simple coup de fil, le véhicule est livré à l’adresse souhaitée, et ce, dans un délai de trois heures maximum suivant la demande. Pour le retour des clés, même topo : elles sont récupérées à l’adresse indiquée par le client. Question prix, pas de grande nouveauté, si ce n’est que la location sera un peu plus chère, avec 14 euros de frais de livraison.

Louer des véhicules directement chez le constructeur n’est pas nouveau. En 2001, Renault a créé le service Renault Rent qui, à l’instar d’un loueur traditionnel, propose à ses clients de louer un véhicule auprès de l’un de ses concessionnaires. Par ailleurs, les constructeurs sont depuis très longtemps présents sur les marchés de la location aux entreprises. “Les constructeurs ont un intérêt financier à internaliser la location de véhicules, estime Rémy Cornubert, consultant chez Oliver Wyman. Cela leur permet d’intégrer les marges de la location dans la chaîne de valeurs et de lutter contre la pression que les loueurs font peser sur les prix.”

La location à la place de la propriété

Avec son service Facility, Citroën va cependant plus loin, puisqu’il s’agit de donner à la location une nouvelle dimension. “Une personne qui aura un besoin ponctuel d’une voiture pour aller faire une course pourra aller louer une voiture pendant une heure”, avance Citroën au Parisien.

Le constructeur espère surfer sur un phénomène de société en pleine expansion : la location de véhicules plutôt que la propriété. Né dans les années 1980 en Allemagne, il s’agit de répondre à la demande des automobilistes qui ne veulent plus être propriétaires. “Etre automobiliste aujourd’hui ne recoupe pas la même réalité qu’il y a 20 ans, analyse Rémi Cornubert. Les galères de stationnement, le prix des assurances et de l’essence refroidissent de plus en plus les candidats à l’accession à la propriété.”

C’est aussi une question d’époque. Avec les nouvelles normes environnementales, les limitations de vitesse ou encore les spectres réguliers de péages urbains, la voiture a perdu en sensualité et est de plus en plus perçue comme un moyen de transport comme un autre. “Avec des déplacements toujours plus multimodaux, les ménages veulent de moins en moins être emprisonnés par un véhicule unique qu’ils posséderaient”, développe Bernard Jullien, directeur du Groupe d’études et de recherches permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa).

La voiture électrique, un accélérateur de tendance

En plus des nouveaux comportements, l’avènement de nouvelles technologies accélère cette transformation. La voiture électrique, surtout, pose un véritable casse-tête pour les constructeurs qui ne savent pas comment commercialiser ces véhicules chers, expérimentaux et n’ayant pas l’autonomie des automobiles traditionnelles. Ils ont donc dû réfléchir à des solutions pour couvrir l’ensemble des déplacements de leurs clients.

Réfléchir en fait à vendre non plus seulement des voitures, mais de la mobilité. “Pour ce faire, les constructeurs sont en train d’inventer des modèles comme la location mensuelle et la vente associée à la location”, illustre Bernard Jullien. Les constructeurs allemands notamment sont très avancés sur le sujet, à l’image de Daimler et Mercedes. Les Français s’y mettent également. Voici quelques jours, le groupe PSA Peugeot Citroen présentait sa Citroen C-Zéro électrique, avec une formule de location-vente longue durée tout compris pour 499 euros par mois sur cinq ans.

Attention, cependant. “Cette tendance, si elle se ressent dans les comportements, reste assez lente à se développer, nuance Rémi Cornubert. Et il y a peu de chances qu’à terme, l’ensemble du marché français bascule sur de la location.” En 2009, la location de voitures pour particuliers à certes augmenté, mais pas de manière spectaculaire : 6,4 % des français ont loué une voiture en 2009, contre 6,1 % en 2008.

Sur le marché de la location courte durée, les prévisions, elles, sont particulièrement optimistes. L’expérience hautement médiatique d’Autolib pourrait aussi contribuer à cet élan. Selon une étude de 2009 du cabinet Oliver Wyman, l’autopartage (la location à la demande), qui représente seulement 5 millions d’euros en France, est voué à un avenir radieux. Pour les prochaines années, le cabinet estime que le marché pourrait concerner 20.000 voitures, représentant plus de 700.000 utilisateurs.

Dans les autres pays européens, d’ailleurs, cette pratique s’est déjà largement répandue. En Europe, il représentait 150 millions d’euros en 2008, et pas moins de 130 millions d’euros aux Etats-Unis.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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