Bien-être au travail: en quête du parfait équilibre entre professionnel et privé

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Selon une étude menée par le bureau d’intérim Tempo-Team, les salariés belges donnent une note de 6,5/10 en matière de satisfaction pour l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Pour plus de la moitié des sondés, ce critère entre en première place dans la recherche d’un nouveau job. Explication de bonnes pratiques avec une experte en bien-être au travail.

Pas plus tard que cette semaine, les pilotes de Brussels Airlines poursuivaient les négociations autour de leurs conditions de travail… parmi lesquelles l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle occupe une place importante. Le sujet est dans l’air du temps dans les entreprises mais peu de chiffres en Belgique donnent un état des lieux. L’étude publiée ce mois de mai par la société d’intérim Tempo-Team offre de nouvelles perspectives.

Cette étude a été réalisée auprès de 1.050 travailleurs salariés belges. ” Nous avions déjà précédemment réalisé des enquêtes en abordant ce thème mais c’est la première fois que nous consacrons une étude sur le sujet “, évoque Valérie Denis, porte- parole de Tempo-Team.

L’ensemble des personnes sondées donne une note moyenne de 6,5/10 sur leur sentiment d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Une note satisfaisante, qui contraste toutefois avec un autre résultat : 23 % des sondés se donnent 5/10 ou moins. Un résultat en hausse ? ” Ce chiffre varie en fonction de la conjoncture économique, répond Valérie Denis. L’équilibre entre vie privée et vie professionnelle est toujours dans le top 5 des préoccupations des personnes avant la signature d’un contrat, mais pas toujours à la même place. Durant les années de crise, les travailleurs accordaient plus d’importance à la stabilité financière, à la saine gestion de l’entreprise, voire à l’intérêt du poste de travail, mais l’équilibre a toujours été important ces dernières années. ” Pour 58 % des personnes sondées, l’équilibre entre vie privée et vie de famille serait aujourd’hui l’argument principal avant de poser sa candidature. C’est beaucoup et c’est surtout plus qu’en 2013, où ” seulement ” 38 % des personnes plaçaient l’équilibre en numéro 1.

“L’image positive renvoyée par les réseaux sociaux met une pression”

Le premier réflexe pour expliquer la cause de cette perte d’équilibre serait le développement du numérique. ” L’apparition du numérique a en effet dissipé la frontière entre travail et vie privée, note Sarah De Hauw, experte en bien-être au travail à l’Open Universiteit van Nederland. Il ne faut toutefois pas toujours considérer cette évolution comme négative. Le numérique s’immisce dans le privé mais il est aussi possible de régler des affaires privées dans le milieu du travail, ce qui n’était pas possible avant. Grâce à la technologie, un salarié peut également travailler ailleurs qu’au bureau, ce qui facilite aussi le télétravail. ”

En 10 ans, le télétravail aurait doublé chez nous et serait surtout l’apanage du secteur public et, dans une plus petite mesure, du secteur privé, le milieu bancaire en tête.

D’autres facteurs numériques, non directement liés à la sphère professionnelle, semblent également déforcer cet équilibre. ” L’employé se met beaucoup plus de pression qu’avant, poursuit Sarah De Hauw. Remplir les rôles demandés rend heureux : on veut être un bon collègue, aller chercher ses enfants à l’école et puis, courir 10 kilomètres pour garder la santé. Cette image parfaite est renforcée par certaines personnes sur les réseaux sociaux. Il faut accepter d’être moins productif, relativiser et savoir quand il faut appuyer sur pause. En bref, il faut davantage s’écouter. ” Un autre facteur, moins régulièrement évoqué, est le changement dans l’organisation du ménage. ” Une femme ne s’occupe plus seulement des enfants, il est plus difficile d’arranger les horaires dans la cellule familiale avec deux parents actifs alors que ce besoin est toujours aussi présent. ”

Bien-être au travail: en quête du parfait équilibre entre professionnel et privé
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“Besoin d’une délimitation moins stricte entre vie privée et professionnelle”

Comment faire pour rétablir un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle ? ” Beaucoup d’études disent que si l’on est heureux au travail, on est plus serein dans sa vie familiale, poursuit Sarah De Hauw. Un employé peut donc analyser ce qui le rend heureux et prendre des dispositions. Cela ne veut pas dire sourire toute la journée mais plutôt mettre en place des réflexes qui, à terme, deviennent des habitudes. Concrètement, l’humour au bureau permet de relativiser les choses, de véhiculer un climat plus détendu. On peut également prendre action, à savoir entamer un dialogue avec le chef pour expliquer ce qui ne va pas. Certains disent ne pas avoir le temps mais il faut d’abord savoir pourquoi avant d’envisager des solutions. A terme, l’idée est d’avoir un détachement mental quand on sort du travail. ”

Très complexe, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle diffère d’une personne à l’autre. Et un salarié peut changer son comportement par lui-même plutôt que d’attendre une mesure de sa direction. A contrario, certaines pratiques régulières dans le travail peuvent sembler efficaces mais ne le sont pas toujours, selon la personne. ” Suivre un planning, par exemple, est souvent perçu comme étant un bonne pratique ; mais pas pour tout le monde, poursuit Sarah De Hauw. Suivre un planning peut être stressant car on s’oblige à accomplir une série de tâches en une journée, au point de parfois y penser toute la nuit si tout n’a pas été fait dans la journée. ”

Les réponses révélées par l’étude de Tempo-Team ont mené à une conclusion importante: les salariés seraient plus heureux s’il y avait une délimitation moins stricte entre le cadre familial et le cadre professionnel. Cette frontière moins stricte est d’abord prônée par les employés de plus de 35 ans (42%) et ceux avec enfants (45%).

“L’apparition du numérique a en effet dissipé la frontière entre travail et vie privée.” Sarah De Hauw© PG

Un meilleur équilibre augmente la performance de l’employé

Comprenez par ” frontière moins stricte ” que les salariés aimeraient être plus écoutés par leurs employeurs et qu’ils adaptent les horaires à chaque cas. L’exemple type est la journée du mercredi, où certains employés aimeraient pouvoir chercher leurs enfants à l’école, quitte à faire plus d’heures le lendemain.

Depuis janvier 2017, une loi en France oblige les entreprises de plus de 50 travailleurs à trouver un accord d’entreprise sur la gestion de la disponibilité des employés en dehors des horaires de travail. En Belgique, le ministre fédéral de l’Emploi, Kris Peeters (CD&V), a proposé d’inciter les secteurs à financer un pool de coachs en burn-out et en stress au travail. Et une nouvelle loi, du 26 mars 2018, instaure depuis le 9 avril dernier l’obligation pour les entreprises d’organiser en leur sein une concertation en matière de déconnexion du travail et d’utilisation des moyens de communication digitaux comme un PC, un ordinateur portable, un smartphone ou une tablette ( lire ” Trends-Tendances ” du 17 mai).

D’autres mesures pourraient être discutées, dont une meilleure gestion des heures supplémentaires, sans oublier le télétravail, une des requêtes les plus souvent citées par les employés. L’augmentation du télétravail limiterait ainsi les trajets et réduirait le stress des travailleurs. En 10 ans, le télétravail aurait doublé chez nous et serait surtout l’apanage du secteur public et, dans une plus petite mesure, du secteur privé, le milieu bancaire en tête.

Ainsi, si de nouvelles mesures naissent, elles devraient augmenter la performance des employés. C’est que révèle une étude publiée voici deux ans par le secrétariat social Securex : ” Si l’équilibre optimal entre vie privée et vie professionnelle était atteint, les collaborateurs travailleraient plus et se sentiraient plus motivés “. A noter que, parmi toutes les études, c’est souvent la catégorie la plus jeune qui exige cet équilibre alors que la catégorie la plus âgée se sent davantage satisfaite.

Par Géry Brusselmans.

Laurence Nazé, entrepreneuse et mère de trois enfants

L’équilibre entre vie privée et vie professionnelle semble encore plus compliqué à gérer pour les femmes que pour les hommes, surtout quand elles sont elles-mêmes entrepreneuses.

Ainsi, une étude publiée ce mois de mai pour le compte de la marque d’eau minérale Contrex révèle qu’une mère de famille sur 10 suspendrait son projet d’entreprise à cause de la difficulté de gérer en parallèle sa vie privée. Selon cette même étude, un quart des mamans auraient pourtant envisagé un jour ou l’autre de créer leur propre entreprise. A contrario, la moitié des femmes entrepreneuses assurent parvenir à conjuguer business et famille.

Laurence Nazé, fondatrice de Didoodam, site de vente de chaussons pour enfants et par ailleurs présidente d’une association d’entrepreneuses, a trouvé cet équilibre. Cette maman énergique résidant dans la région de Gembloux, prodigue aujourd’hui des conseils et donne des conférences pour inspirer les femmes qui souhaiteraient sauter le pas. ” J’ai démarré mon activité il y a 12 ans, alors que je venais d’avoir mon troisième enfant, explique Laurence Nazé. Je mène cette activité à la maison, je gagne l’équivalent d’un salaire à temps plein mais je fais moins d’heures qu’un temps plein. J’observe dans l’entourage professionnel que les femmes se lancent avec moins de complexes qu’il y a 10 ans, notamment grâce à l’image de certaines entrepreneuses véhiculées par les médias. ”

Existe-t-il donc des bonnes pratiques pour les mères de famille qui débutent une carrière entrepreneuriale ? ” Il faut d’abord être disciplinée sur la gestion du temps, et donc couper toute activité ménagère durant sa journée de travail. Il faut également expliquer aux proches qu’on travaille depuis la maison et du coup, ne plus se rendre disponible à tout instant. Il est enfin très important de bien s’entourer, de connaître un bon réseau d’entrepreneurs et demander des conseils et des feed-back si besoin. “

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