Bernard Tapie, l’homme aux mille vies
Après un combat hors norme contre un double cancer, Bernard Tapie est parti. Dans un tweet, Line Renaud a bien résumé le personnage: Bernard Tapie a “tout connu, tout vécu. Il avait tous les talents”. C’est vrai. D’ailleurs, les chaînes de télévision françaises ne s’y sont pas trompées. Flairant le bon filon, elles ont toutes modifié leur programmation. M6 lui a consacré un documentaire qui le décrit bien aussi, qualifiant l’homme de “flambeur, hâbleur, séducteur, courageux, menteur, tricheur”. Et c’est vrai qu’il était tout cela à la fois. Bref, tout le contraire d’un robinet d’eau tiède.
Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens capables d’être tour à tour pilote de course, navigateur, vendeur, chanteur, animateur de télé, redresseur d’entreprise, dirigeant de club de foot, comédien, taulard, député, ministre et patron de presse?
Tapie était ce qu’on appelle un personnage de roman. Mon métier me fait rencontrer des hommes et des femmes d’affaires, des politiques, des hommes et femmes de médias, parfois même des sportifs, mais vous en connaissez beaucoup des gens capables d’être tour à tour pilote de course, navigateur, vendeur, chanteur, animateur de télévision, redresseur d’entreprise, dirigeant de club de foot, comédien, taulard, député, ministre et patron de presse? Moi pas.
En ce sens, Bernard Tapie était un ovni. Est-ce qu’il était parfait? Non, bien entendu, et aucun personnage de roman ne l’est vraiment. Je vous donne un seul exemple de son côté obscur: en 1974, il avait fondé la société Coeur Assistance. Ladite société avait pour but de fournir aux cardiaques un boîtier portatif. En cas d’alerte, il leur suffisait de presser un bouton et une ambulance était censée arriver pour les conduire à l’hôpital. Aujourd’hui, avec nos smartphones, ça fait sourire. Mais en 1974, c’était une révolution, comme le rappelle Le Monde. Oui, sauf que le milieu médical n’y croit pas et que l’un de ses abonnés décède. Sept années plus tard, Bernard Tapie sera condamné pour publicité mensongère notamment parce qu’il prétendait avoir cinq ambulances alors qu’il n’en avait que deux!
Mais un signe ne trompe pas: même Le Monde avait lequel il a eu de nombreux démêlés et prises de tête lui a consacré plusieurs pages. L’article central était tout en nuances et l’auteur de celui-ci, qui le connaissait bien, reconnaît que Bernard Tapie a eu mille vies et qu’avec son départ, “c’est toute une époque qui vous frappe en pleine face, d’un coup, un monde d’avant s’écroule”. L’un de ses amis, l’écrivain et polémiste André Bercoff, résume la chose principale à retenir de ce personnage hors norme: “c’était un battant, issu des classes populaires, qui s’est fait lui-même (…). Il a fait rêver les Français ( et pas mal de Belges aussi, Ndlr) en leur parlant d’initiatives, en leur répétant que tout est possible pourvu qu’il y ait de l’ambition (…). Il fait rêver en montrant que le fils d’ouvrier de La Courneuve peut arriver au sommet sans forcément être énarque ou fils à papa”.
Et comme l’écrivait Le Figaro, “Nanard”, comme on le surnommait, était aussi “l’incarnation des modestes, des sans-grades, des mal nés. Il restera un diable pour les uns et un immense héros pour les autres”. Pour ma part, j’ai fini par croire que lui seul était capable de vaincre ce satané cancer, tellement son mental d’acier forçait le respect. Il a, hélas, perdu ce dernier combat. RIP.
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