Bart Steukers (Agoria) sur le Green Deal: “Il était temps d’avoir un plan”

Bart Steukers (Agoria) © Belgaimage

La réponse européenne au plan de soutien élaboré par le gouvernement américain pour soutenir son industrie est enfin sur la table. Bart Steukers, le CEO d’Agoria, s’en réjouit et appelle le Fédéral et les Régions à saisir la balle au bond.

La Commission européenne a dévoilé lundi les grandes lignes de son “Green Deal” qui prévoit d’assouplir la mécanique des aides d’Etat jusqu’à 2025, de réorienter les budgets européens (ceux des fonds) existants vers l’économie décarbonée, de simplifier les procédures d’autorisation des projets d’économie verte, de soutenir le secteur minier, de soutenir aussi le développement des compétences et d’accélérer la conclusion des accords commerciaux en rade. En discussion aussi, la création d’un fonds souverain européen destiné à soutenir les technologies émergentes. Ce n’est encore qu’une proposition de la Commission. Mais les membres du Conseil européens (les chefs d’Etat et de gouvernement) devraient s’y pencher dès la semaine prochaine. Pour l’instant, le plan n’est pas encore chiffré, mais Bart Steukers , le CEO d’Agoria, l’association qui regroupe les entreprises technologiques belges, estime que, d’après ce qu’il entend, ce plan devrait avoir grosso modo la même ampleur que l’IRA américain, dont le volet “subside aux entreprises vertes” s’élève à 390 milliards de dollars.

TRENDS TENDANCES. Ce Green Deal vous satisfait ?

BART STEUKERS. Il était temps d’avoir un plan. Si l’Europe veut devenir le champion du monde de la transition verte, le premier continent à être neutre en émission de CO2, il était temps de comprendre qu’on ne pouvait y arriver qu’avec les entreprises, leurs technologies et un plan industriel. Désormais, il est acquis en Europe qu’il nous faut un plan industriel. Je suis donc assez content qu’un momentum se crée maintenant.

Vous êtes satisfait du momentum. Du contenu également ?

Les composantes qui doivent faire partie d’un tel plan sont au nombre de trois. Primo : fait-on le nécessaire pour avoir des entreprises compétitives dans une infrastructure compétitive ? Secundo : sait-on attirer les talents et les garder sur notre territoire ? Tertio, existe-t-il assez de pôles d’innovation ou de recherche et développement à proximité des entreprises. Et ces composants sont présents dans le plan actuel.

Quels sont les points les plus importants pour vous ?

Je comprends que dans la presse on mette l’accent sur la partie financement. Mais il faut aussi porter une grande attention à la partie réglementation et à celle qui consiste à attirer les talents. C’est pour moi le plus important, car si on ne peut peut-être pas toujours battre les Etats-Unis au niveau financier, nous pouvons encore faire de gros progrès pour attirer et garder les talents chez nous en Europe. Et au niveau réglementaire on parle désormais d’un “check de la compétitivité”. Car cela revient à mesurer si cela a du sens de prendre telle ou telle réglementation. Nous sommes champions des réglementations et des législations en Europe mais il est utile de vérifier si ces textes apportent de la compétitivité à notre continent. C’est aussi une bonne idée d’intégrer cette dimension dans la réflexion.

Je suis également heureux que la proposition de la Commission européenne comporte un chapitre sur le commerce. Nous avons encore beaucoup d’accords non aboutis dans les tiroirs, avec notamment les pays d’Amérique du Sud, le Canada… Il est nécessaire de les clôturer.

Pourquoi est-ce important ?

Pour disposer des matières premières dont nous avons besoin, nous pouvons soit les extraire sur notre continent (mais en Europe c’est assez limité), soit les recycler davantage (nous avons encore du progrès à faire, mais notre industrie fait beaucoup pour augmenter le volume de matière première recyclée sur notre territoire), soit les importer sans perdre notre autonomie. Voilà pourquoi ces accords commerciaux sont très importants car ils règlent le commerce entre les différentes régions et notre accès aux matières premières.

Il y a des points qui vous rendent moins heureux ?

Nous sommes prudents sur deux points. D’abord sur le champ d’application : on parle dans le projet de certains domaines comme l’énergie, les éoliennes, l’hydrogène… Mais à mon sens il faut regarder toute la chaîne de valeur, des matières premières à la vente à l’utilisateur final. J’espère qu’il y a assez d’attention porter à tout ce qui est de l’ordre du processus industriel en dehors de ces trois quatre secteurs bien délimités. Car si nous voulons atteindre les objectifs de durabilité, il faut regarder les processus industriels de manière plus large qu’aujourd’hui.

On peut aussi se poser des questions sur le financement et la flexibilité aux aides d’État. La commission a assisté dans sa communication sur la nécessité de maintenir un “level playing field”, ce qui montre bien que la Commission est bien consciente qu’il existe un risque que les grands pays comme la France et l’Allemagne bénéficient davantage de ce plan que les autres. C’est un vrai risque.

Mais c’est pourquoi j’ai confiance dans ce fond de souveraineté. Oui on peut se poser des questions qui veulent payer qui va le financer est-ce que ça va amener à de nouveaux impôts. Néanmoins la logique est de proposer les meilleurs projets, avec la meilleure technologie, indépendamment des états et des pays d’où ils viennent. Il faudrait éviter de refaire ce que nous avons fait avec le Covid Recovery Fund, qui n’a pas été très efficient, car on a saucissonné les aides entre pays, voire entre régions.

Et ce plan implique quoi au niveau belge ?

Il faut que la Belgique et les régions comme la Wallonie le traduisent à leur manière. Il y a des opportunités mais les gouvernements doivent s’en saisir. Notre atout, en Belgique, est que nous avons beaucoup d’entreprises innovatrices dans ces secteurs. Et nous avons une très bonne fiscalité autour de la recherche et du développement. Nous sommes dans le top 3 des pays européens sur ce point. Pour chaque euro dépensé par le gouvernement belge, les entreprises en ajoutent deux. Cela fonctionne. Notre message est donc de dire qu’il ne faut pas réduire, mais au contraire faciliter ces incitants. Et de même pour les talents. Si nous voulons séduire de nombreuses personnes à venir travailler ici, il faut des mécanismes et une politique salariale pour les attirer. Or quand on voit ce que le ministre des Finances prépare comme réforme fiscale, je suis très prudent. Car ça va plutôt dans l’autre sens. Je suis d’accord pour augmenter la différence entre les revenus du travail et les autres, mais il faut veiller parallèlement à ce que les entreprises aient les atouts nécessaires pour attirer les talents.

Par exemple ?

Par exemple, il faut garder warrants et options sur action comme incitant salarial. Si des alternatives ont le même impact, je suis ouvert au débat. Mais dans l’état actuel des choses les entreprises n’ont pas beaucoup d’autres options. Des outils comme les droits d’auteur ou les options sur action sont là parce que les entreprises n’ont pas beaucoup d’instruments à leur disposition dans leur boite à outils pour faire la différence.

Il faut aussi c’est peut-être plus philosophique que les entreprises et le sentiment qu’elle soit bienvenue chez nous qu’on les stimule à entreprendre. Il faut vraiment protéger la compétitivité nos entreprises et construire au-dessus pour réaliser ce plan industriel. Donc s’il y a un message à faire passer au gouvernement fédéral et régionaux c’est de dire traduisez cela maintenant sur notre territoire. Embrayez, faites partie du mouvement, et ne traînez pas.

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