Avec le lancement de son nouveau média “ilico”, Nethys mise enfin sur la convergence

Jos Donvil, CEO du pôle médias & télécoms de Nethys. © PG

Grand patron du pôle médias & télécoms de Nethys, Jos Donvil a fait de la transversalité son cheval de bataille. La preuve avec “ilico”, une nouvelle plateforme numérique poussée par l’opérateur Voo et qui sert de vitrine aux différentes marques médias du groupe. Objectif : séduire les “digital actives”. Explications.

Le lancement est plutôt passé inaperçu. Pas de campagne de pub, ni de conférence de presse : le nouveau média ilico a débarqué discrètement sur le Web, il y a trois semaines à peine, dans l’indifférence quasi générale. L’enjeu, pourtant, est de taille. Derrière ce nom qui veut ” répondre aux besoins de la génération numérique ” ( sic) – en référence à l’expression illico presto – se cache en fait l’opérateur télécom Voo, propriété du groupe Nethys qui possède aussi plusieurs titres de presse.

Depuis le rachat des Editions de l’Avenir par l’intercommunale liégeoise en septembre 2013, on attendait vainement les premiers signes tangibles d’une véritable stratégie de convergence ” contenant-contenu ” pourtant évoquée à l’époque par Tecteo (l’ancien nom de Nethys). Le communiqué sur l’acquisition du groupe de presse namurois stipulait en effet que les contenus étaient devenus ” un enjeu majeur du secteur ” et que ce rachat était dès lors ” une formidable opportunité pour Tecteo de les valoriser au mieux “. Mais en cinq années de cohabitation au sein de la même entité, on ne peut pas vraiment dire que des synergies ont réellement émergé entre l’opérateur Voo, les Editions de l’Avenir et les autres titres de presse qui appartiennent aussi à Nethys, comme Moustique, Télé Pocket ou encore Pub Magazine.

Le déclic Donvil

Il aura fallu attendre l’arrivée d’un certain Jos Donvil chez Nethys fin 2016 et surtout sa nomination comme CEO du pôle médias & télécoms pour que les lignes commencent enfin à bouger. Flamand de pure souche, l’homme fut le patron de l’opérateur mobile Base de 2012 à 2016 et sa double casquette de directeur général de Voo et d’administrateur délégué des Editions de l’Avenir – une nomination qui remonte à un peu plus d’un an – facilite désormais l’intégration d’un contenant (l’opérateur télécom) et d’un contenu (les articles de presse) au coeur de projets inédits.

ilico est un agrégateur de contenus et nous sommes ouverts à des collaborations avec d’autres médias.” Jos Donvil

” J’ai fait ce que j’avais dit que je ferais lorsque je suis arrivé chez Nethys, rappelle d’emblée Jos Donvil. En 2013, Tecteo était précurseur et même visionnaire en rachetant L’Avenir car aujourd’hui, dans le monde entier, les convergences entre télécoms et médias ne cessent de se multiplier. Mais le gros problème, c’est qu’il n’existait pas de structure unique à l’époque et ça, c’était une erreur. Chaque société évoluait de son côté de manière très cloisonnée. Il y avait une certaine lourdeur et aucune transversalité. En 2017, j’ai donc créé le pôle médias & télécoms pour enclencher un changement chez Nethys. Cela a pris un peu de temps, mais cette structure a permis d’installer un environnement favorable au développement d’une nouvelle culture au sein du groupe et de mettre en place des synergies qui ont donné naissance à des projets concrets. ”

Avec le lancement de son nouveau média
© PG

Une vitrine marketing

Lentement mais sûrement, Jos Donvil a insufflé un vent nouveau au sein de Nethys, favorisant les ponts entre les différentes sociétés du groupe. L’intranet a, par exemple, été repensé pour implanter ce désir de transversalité auprès des employés avec une interface unique destinée à favoriser les échanges entre les forces vives de l’opérateur télécom, des différents titres de presse et des chaînes de télévision BeTV et VooSport. Mais l’initiative la plus concrète a émergé le mois dernier avec le lancement du média ilico. Gratuite et 100% numérique, cette plateforme s’articule autour de quatre thématiques – Actu, Sport, Santé et Tendances – avec des contenus qui proviennent de L’Avenir, Moustique, TéléPocket ou encore Pub Magazine, mais aussi des chaînes de télévision de Nethys. L’idée est de mélanger articles, vidéos, infographies et podcasts non seulement sur le site www.ilico.be, mais aussi sur une application mobile spécifique et sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram.

Cornaquée par la rédactrice en chef Laura Cerrada Crespo (ex- La Dernière Heure/Les Sports et 7sur7. be), ilico veut épouser les codes de médias plus modernes comme les sites français Brut et Konbini en visant clairement la tranche des 20-35 ans. ” L’objectif premier d’ ilico est d’être une vitrine pour nos marques, détaille Jos Donvil. La plateforme est un agrégateur de contenus qui doit toucher en priorité les digital actives sur lesquels nous sommes en retard en termes de parts de marché. L’âge moyen du lecteur de L’Avenir est de 57 ans et celui des clients de BeTV et de Moustique n’est pas beaucoup plus jeune. En réalité, nos parts de marché sont assez élevées pour toutes nos marques médias chez les plus de 40 ans. Mais en dessous de cet âge, nous sommes ‘sous-développés’ et ilico représente donc un levier important pour faire connaître justement nos marques aux digital actives. ”

Sur cette nouvelle plateforme, chaque article repris dans le pot commun des contenus de Nethys porte ainsi la mention spotted on (” repéré sur “) qui en indique la source, même si cet article est réécrit selon les codes de la jeune génération. L’équipe de cinq personnes qui anime ilico dispose aussi d’un abonnement à l’agence de presse Belga pour créer son propre contenu selon une identité éditoriale définie par un comité de rédaction transversal. ” Ce comité se réunit physiquement deux fois par mois et intègre tous les rédacteurs en chef des médias du groupe, ainsi que leurs adjoints, explique Charlène Renier, group innovation manager du pôle médias & télécoms de Nethys qui est à l’origine du projet. Mais ce qui caractérise ilico, c’est surtout son approche agile qui favorise la réactivité. On teste, on voit ce qui fonctionne et on réagit en conséquence. Le modèle est donc évolutif avec un outil qui se veut, pour l’utilisateur, simple et intuitif. ”

Charlène Renier,
Charlène Renier, “group innovation manager” du pôle médias & télécoms de Nethys© PG

La bataille de l’accès primaire

Développée en cinq mois à peine, la plateforme espère attirer 50.000 visiteurs uniques par jour d’ici un an, sans chercher pour autant la rentabilité. ” L’offre ilico est gratuite, il n’y a pas de publicité sur le site et il n’y en aura peut-être jamais, détaille Jos Donvil. Contrairement à d’autres acteurs qui émergent dans les médias, comme la chaîne d’infos LN24, nous n’avons aucune pression financière. Sur ce projet spécifique, nous ne devons pas être rentables et c’est le modèle low cost qui prévaut puisque nous utilisons les forces en interne pour faire quelque chose de nouveau. Aujourd’hui, le message clé est le suivant : nous travaillons sur la digitalisation et sur la convergence car la bataille qui se joue désormais est celle de l’accès primaire. Nous devons toucher le consommateur en premier et tout faire pour qu’il utilise cet accès en permanence en rendant notre offre la plus riche possible.

Dans cette optique, le CEO du pôle médias & télécoms de Nethys ne considère pas ilico comme un écosystème construit uniquement sur les contenus du groupe, mais plutôt comme la vitrine d’un magasin qui s’approvisionnerait aussi chez d’autres fournisseurs. Pour lui, il ne serait d’ailleurs pas saugrenu que d’autres grands éditeurs comme Rossel ou Roularta rejoignent la plateforme pour toucher aussi cette cible des digital actives difficile à atteindre. “Je rappelle qu’ ilico est un agrégateur de contenus et nous sommes ouverts à des collaborations avec d’autres médias, confirme Jos Donvil. Bien sûr, nous avons nos propres marques et nous devons capitaliser là-dessus, mais c’est exactement comme dans un magasin. On ne peut pas se contenter de garnir sa vitrine et de ne rien avoir dans les rayons. Notre offre doit être en effet la plus complète possible pour devenir ce fameux point d’entrée pour le consommateur sur tout type de contenu.”

Echange de compétences

Ambitieux, le projet ilico n’est pas la seule démarche transversale que Nethys a entreprise cette année. Dans les tout prochains mois, le groupe officialisera le lancement d’une autre initiative, cette fois ancrée dans le secteur télécom et qui est aussi placée sous le signe de la convergence. “Il est encore trop tôt pour en parler, mais nous y travaillons activement, enchaîne Jos Donvil. Nous allons créer quelque chose qui n’existe pas sur le marché belge des télécoms et où la transversalité sera très importante. Nous devrions être prêts avant la fin de l’année.”

Tant pour ce nouveau projet que pour la réflexion menée sur le média ilico, l’accent est toutefois mis sur l’échange des compétences et le bénéfice de l’expérience. “Tous les développements digitaux et les acquis engrangés pour la plateforme sont mis à la disposition du groupe, insiste la responsable de l’innovation Charlène Renier. Chaque élément est, si j’ose dire, ‘copiable-collable’ dans toute la société. ”

Dans ce grand désir de transversalité, on notera toutefois l’absence des journaux français dont Nethys est partiellement actionnaire. Ni les titres du groupe de presse La Provence, ni ceux de la société Nice-Matin n’ont en effet été invités à rejoindre l’aventure ilico. Un signe qui pourrait laisser sous-entendre que l’intercommunale liégeoise vendrait bientôt ses participations dans le sud de la France ? “Ce n’est pas à l’ordre du jour, répond le CEO du pôle médias & télécoms de Nethys. Des synergies restent possibles de ce côté-là aussi, mais l’implantation est difficile dans la mesure où nous ne sommes pas actionnaires de ces sociétés à 100%. Dans la structure actuelle, la France n’est donc pas incluse, mais je reste convaincu du réel potentiel qu’il y a là-bas et que cela peut donc être financièrement intéressant pour nous.”

“Voo n’est pas à vendre”

En attendant cette éventuelle opportunité, Jos Donvil reste concentré sur la Belgique et réfute également les rumeurs qui prétendent que Voo serait à vendre : “Il ne faudrait pas être très malin pour avoir l’envie de vendre, renchérit-il. Nous connaissons une croissance gigantesque puisque nous sommes passés, en deux ans, de 60.000 à 260.000 clients, chiffre que nous atteindrons à la fin de cette année. Nous disposons d’un réseau qui est le meilleur de la Wallonie et de Bruxelles avec un avantage technologique sur nos concurrents pour les 7 à 10 prochaines années. Vendre n’aurait pas de sens, d’autant plus que l’avantage pour les actionnaires est toujours très important. Donc, non, Voo n’est pas à vendre. La question que je me pose plutôt aujourd’hui, c’est comment agrandir encore notre business ? Et dans cette réflexion, je pense que la stratégie de convergence est la bonne.”

Confiant et résolument optimiste, l’homme n’en reste pas moins prudent. Jos Donvil sort d’un long conflit avec les salariés des Editions de l’Avenir auxquels il a imposé un plan de restructuration. “Il serait faux de dire que tous les problèmes ont été résolus, conclut-il, mais au moins on discute et j’ai tout de même pu améliorer la relation avec les syndicats. Je ne dis pas que ça a été facile et, d’ailleurs, nous avons encore des étapes à franchir, mais cette crise ne m’a pas affaibli. Elle m’a plutôt renforcé. Avant, on se contentait de regarder vers le passé. Aujourd’hui, on est en train de construire le futur.”

Illico presto, serait-on tenté d’écrire.

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