Automobile: le moteur thermique pas encore définitivement condamné

Fin octobre 2022, les Etats membres de l’UE trouvaient un accord sur une législation européenne qui prévoit la fin de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à l’horizon 2035.

L’UE entérinait donc, le 27 octobre 2022, l’acte de décès des véhicules neufs à moteur thermique pour 2035. “Nous venons de finir les négociations sur les standards CO2 des voitures. Décision historique de l’UE pour le climat qui confirme définitivement l’objectif de 100% véhicules zéro émission en 2035 avec des étapes intermédiaires en 2025 et 2030″, avait tweeté l’eurodéputé français Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement européen. “Nous avons un accord”, avait également tweeté à l’époque un porte-parole de la présidence tchèque du Conseil de l’UE.

De son côté, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’était réjouie d’une “étape clé” pour les ambitions climatiques de l’UE, qui va “stimuler l’innovation et notre leadership industriel et technologique”.

Que prévoit cet accord ?

Le texte approuvé, qui se base sur une proposition de l’exécutif européen en juillet 2021, prévoit de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures neuves en Europe à partir de 2035. Ce qui revient à l’arrêt de facto des ventes de voitures et véhicules utilitaires légers neufs à essence et diesel dans l’UE à cette date, ainsi que des hybrides (essence-électrique), au profit de véhicules 100% électriques.

Alors que l’automobile, premier mode de déplacement des Européens, représente un peu moins de 15% des émissions de CO2 totales dans l’UE, la nouvelle règlementation doit contribuer à atteindre les objectifs climatiques, en particulier la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Des aménagements sont prévus

Les négociateurs se sont mis d’accord pour “lancer un processus vers une proposition législative en 2025 pour créer un Fonds de transition juste” pour la filière automobile, a aussi indiqué Pascal Canfin. La création d’un tel fonds était réclamée par le Parlement, pour “permettre d’assurer l’accompagnement social et la formation des équipementiers qui seront le plus fortement touchés par la transition vers la mobilité zéro-émissions”.

L’industrie automobile emploie directement ou indirectement plus de 13 millions d’Européens, soit 7% du marché de l’emploi dans l’UE, selon l’Association des constructeurs européens (ACEA).

Une proposition de la Commission est aussi attendue en 2023 pour permettre d’accélérer la décarbonation des flottes des grandes entreprises, précise M. Canfin.

Mais des objections s’élèvent…

A l’époque de l’annonce, par la voix d’Oliver Zipse, le président de l’ACEA et PDG du constructeur automobile allemand BMW, l’industrie automobile européenne se disait “prête à relever le défi” après cette “décision sans précédent”, tout en réclamant de l’UE la mise en place des “conditions” nécessaires pour remplir cet objectif: “une abondance d’énergies renouvelables, un réseau continu d’infrastructures de recharge privées et publiques, et l’accès aux matières premières”, a-t-il détaillé dans un communiqué.

Les constructeurs s’inquiétaient notamment de voir “le prix des batteries augmenter pour la première fois”. Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis, né de la fusion de PSA et Fiat-Chrysler, avait pointé du doigt le problème du coût de ces véhicules électriques. “Je ne vois pas aujourd’hui la classe moyenne capable d’acheter des voitures électriques à 30.000 euros”, a-t-il déclaré.

Une dérogation était aussi prévue pour les constructeurs “de niche” ou ceux produisant moins de 10.000 véhicules par an, leur permettant d’être équipés d’un moteur thermique jusqu’à fin 2035. Cette clause, dite parfois “amendement Ferrari”, profitera notamment aux marques de luxe.

Le thermique, pas encore définitivement condamné

Si la condamnation à mort du moteur thermique semble bel et bien prononcée, il lui reste cependant un dernier recours : une clause de revoyure en 2026. Il s’agit d’une étape suivante de l’accord qui permet de refaire le point sur l’interdiction du moteur thermique, voire les avancées qui ont été faites concernant d’autres technologies, etc.

Des politiques, notamment en France, évoquent et mettent en avant cette clause de revoyure. “Il y aura une clause de revoyure pour voir s’il y a d’autres technologies qui peuvent accompagner” la technologie électrique, assurait à l’époque Clément Beaune, le ministre français des Transports au Grand jury RTL-Le Figaro-LCI. “Pour aussi ne pas tuer notre industrie européenne, parce qu’il y a des continents qui vont un peu moins vite que nous”, a-t-il ajouté. “Et on ne va pas arrêter d’exporter des véhicules hybrides ou thermiques à l’étranger en 2035, sinon ce sont les Chinois qui vont conquérir tous les marchés en développement”, a insisté le ministre.

Un avis partagé par le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton qui, dans une interview aux Echos, a déclaré avoir “insisté pour qu’une clause de revoyure soit adoptée pour 2026”. La transition vers le tout électrique constitue “certainement la plus forte transformation industrielle qu’ait connue l’Union européenne”.

De plus sous la pression de plusieurs pays dont l’Allemagne, le texte de l’accord aborde l’éventualité d’un feu vert à l’avenir pour des technologies alternatives comme les carburants synthétiques (e-carburants) ou motorisations hybrides rechargeables si celles-ci permettent d’atteindre l’objectif de supprimer totalement les émissions de gaz à effet de serre des véhicules.

Il faut dire qu’avant même la signature de cet accord, des voix s’élevaient un peu partout en Europe afin de repousser l’ultimatum de 2035. Ainsi, une proposition de l’Italie et signée par la Bulgarie, le Portugal, la Roumanie et la Slovaquie demandait un report de 5 ans afin d’éviter “des coûts disproportionnés et inutiles pour le secteur automobile comme pour les consommateurs”. Le texte proposait d’imposer une réduction de 90% des émissions pour les ventes de voitures individuelles neuves en 2035, avant d’atteindre le “zéro émission” en 2040. “Pour parvenir à une mobilité zéro émission, il faudra surmonter des obstacles: accroître les infrastructures de recharge, développer la production de batteries, améliorer les technologies actuelles de façon rentable, introduire des mesures incitatives pour les consommateurs…”, argumente Rome dans ce document.

Un éventuel report permettrait aussi à tout l’écosystème industriel, gravitant autour du secteur de l’automobile, de s’adapter à de nouveaux composants et de nouvelles technologies.

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