Dans le monde de la photographie, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, le rétro est résolument tendance. Portée par la curiosité d’une jeune génération née avec le numérique, la photographie argentique, et instantanée, revient sur le devant de la scène.
Avec l’avènement du numérique, on aurait pu penser que c’était la mort des appareils photos instantanés et de l’argentique en général. Mais c’est sans compter sur l’éternel retour des choses et la créativité des genres. Et si aujourd’hui, on assiste à un retour de la photo de (grand-)papa, faite de films argentiques fragiles et autres instantanés hors de prix, c’est peut-être un peu au numérique qu’on le doit. En effet, l’engouement pour le vintage photographique a bel et bien été amorcé par Instagram et ses fameux filtres aux couleurs passées ou criardes. Ironie du sort, ces photos brûlées, passées, solarisées, etc., auraient été considérées comme ratées par nos aînés. Quand on sait que plus de 55 millions de photos Instagram sont partagées sur les réseaux sociaux par jour dans le monde, il est indéniable qu’une douce nostalgie s’est immiscée dans l’oeil et le coeur des photographes amateurs. Pas étonnant de voir les fabricants d’appareils photos s’engouffrer dans la brèche.
Instants magiques
Inventé en 1948 par Polaroid, considéré comme révolutionnaire à l’époque puis relégué aux oubliettes par le numérique, l’instantané revient donc sur le devant de la scène, avec des appareils comme l’Instax, le Polaroid P300, le Belair ou le Lomo’Instant, dont le financement s’est fait via Kickstarter en récoltant plus d’un million de dollars au lieu des 100.000 exigés.
En rachetant l’ancienne usine Polaroid d’Enschede au Pays-Bas, 11 salariés de la firme, menés par l’entrepreneur Florian Kaps et André Bosman, directeur technique de l’ancienne usine, ont permis le renouveau de la production sous le nom de société The Impossible Project. Les premiers films (noir et blanc pour SX70) sont sortis le 25 mars 2010. L’objectif était alors de produire un million de cartouches de pellicules cette année-là (contre 120 millions dans les grandes années de Polaroid).
De son côté, Fujifilm n’a jamais vraiment arrêté la production de films et d’appareils photos. Ces derniers temps, l’entreprise se positionne, avec sa marque Instax, comme un incontournable de la photo instantanée. La marque fournit d’autres constructeurs en licences pour fabriquer des appareils compatibles avec ses cartouches de films, et surtout, Fujifilm a décliné sa gamme de pellicules dans d’autres formats, dont l’Instax mini, de la taille d’une carte de crédit, qui permet de descendre le prix de la photographie à un euro environ. Dans cette même optique, le très trendy Lomography proposera en fin d’année un modèle compatible avec ces mêmes cartouches, et à objectifs interchangeables. Surfer sur la vague vintage permet aussi d’adopter des positions tarifaires plus confortables. Ainsi, un Instax Mini 90 au look rétro vous coûtera tout de même 150 euros, soit le prix d’un petit appareil numérique compact.
Réapprendre
Et bien évidemment, pour le prix, ces appareils n’offrent ni zoom, ni autofocus, ni même aucune indication sur l’exposition du cliché. En revanche, d’un point de vue matériel, la mécanique de l’appareil le rend à la fois robuste, infatigable et réparable, ce qui le différencie évidemment énormément de ses acolytes numériques. Difficile d’acheter un appareil numérique sur une brocante alors qu’un argentique, pourquoi pas.
Apprivoiser l’argentique est une façon d’alimenter sa curiosité, de découvrir la photo d’un point de vue chimique et mécanique. Et même au jour le jour, on voit bien que la culture de la photographie argentique s’estompe peu à peu. Essayez par exemple d’expliquer que, non, vous ne pouvez pas faire passer votre appareil dans le tunnel à rayon X de l’aéroport à un jeune responsable de la sécurité qui n’a connu que le numérique…
Difficile de dire si cette tendance va perdurer. Mais pour l’heure, il suffit d’aller faire un tour sur le site de Lomography, grand prêtre de l’argentique branché, pour se rendre compte qu’il y a pléthore de modèles à une époque où les grands noms du numérique essaient de rationaliser leurs gammes. Toujours est-il que si vous voulez vous faire plaisir avec un appareil photo instantané tout simple, c’est le bon moment et malgré les progrès de la photo, disposer de son cliché entre les mains reste quelque chose de magique, même pour les enfants élevés dès le plus jeune âge à la tablette numérique. Sensation garantie !
BENOIT DUPONT