Après 8 ans chez Fairtrade Belgium, Lily Deforce quitte son poste de CEO: bilan

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Lily Deforce a saisi l’opportunité de la présentation des résultats annuels pour annoncer son départ de la direction de Fairtrade Belgium, où elle a exercé la fonction de CEO pendant huit bonnes années. Elle fait le bilan.

Les conséquences de la crise économique se faisaient juste sentir lorsque Lily Deforce est devenue le CEO de Fairtrade Belgium en 2008. L’ONG rencontrait en outre des difficultés financières. Sous sa direction, Fairtrade Belgium a connu une solide métamorphose et un changement de nom, et la part de marché du commerce équitable a commencé à croître. En 2007, 24% des familles belges achetaient des produits dotés du label Fairtrade Belgium, en 2015 ce pourcentage avait grimpé jusqu’à 53%. Non seulement plus de familles achètent aujourd’hui des produits avec le label durable, mais ces familles achètent également plus souvent de tels produits qu’auparavant. Le volume de bananes a doublé et celui du sucre a même triplé au cours de cette période. Depuis 2007, le marché des biens de consommation a peu progressé. “Sur ce marché stable, nous avons une belle croissance”, dit Lily Deforce. L’année dernière aussi, le commerce équitable a continué à croître dans notre pays. Le chiffre d’affaires a augmenté de 10,9% en 2015 par rapport à 2014. La croissance en valeur de 34,2% pour le café équitable est remarquable, maintenant que des capsules de café équitable ont également fait leur entrée sur le marché.

Avant que Lily Deforce vienne à la tête de l’ONG, Fairtrade Belgium misait surtout sur des campagnes de conscientisation du public de l’intérêt du commerce équitable. C’était certainement nécessaire au début et l’ONG continue encore à le faire, par exemple via des sessions de formation dans les écoles et l’action ‘Communes du commerce équitable’. “Mais sans produits dans les rayons, vous n’obtenez pas grand-chose d’une croissance de la demande. Depuis 2008, Fairtrade Belgium a commencé à soutenir les sociétés dans leur stratégie durable. Cela a mené à un plus grand assortiment. Aujourd’hui, on trouve par exemple des bananes avec le label Fairtrade dans tous les supermarchés.”

Demande

Ce n’était pas suffisant, car l’offre augmente beaucoup plus vite que ce que le marché peut supporter. De plus en plus de coopératives désirent en effet vendre leurs produits via le commerce équitable. C’est pourquoi il faut que la demande de ces produits augmente en Occident. Fairtrade International travaille avec 1,6 million de petits exploitants agricoles et d’ouvriers dans les plantations du sud. Les principales catégories de produits sont encore et toujours les bananes, le café, le thé et le cacao, mais l’offre s’est entre-temps considérablement élargie – vers les roses, le gingembre et la vanille par exemple. Étant donné que la croissance indispensable ne proviendrait pas des consommateurs, l’ONG a voulu miser sur les entreprises qui ont adopté le Fairtrade dans leurs gammes.

C’est pourquoi Lily Deforce, qui a travaillé pour Procter & Gamble, Vredeseilanden et Somers Seeds au cours de sa carrière, a attiré davantage de collaborateurs qui n’avaient pas de background dans les ONG, mais qui disposaient d’une expérience dans des entreprises privées. L’organisation a opté pour une approche plus business pour convaincre les entreprises. Fairtrade Belgium conseille par exemple maintenant les entreprises sur la manière de rendre leurs processus de production plus durables.

“Quand j’ai commencé, il y avait 39 sociétés qui travaillaient avec Fairtrade au niveau de leurs chaînes de production”, dit Deforce. “Maintenant, nous avons des contrats avec 95 sociétés belges et 65 sociétés étrangères, qui viennent vendre leurs produits sur notre marché.”

Lily Deforce, ingénieure agronome de formation et docteur en biologie moléculaire, voit un rôle crucial à jouer par les supermarchés. Si on additionne tous les produits dotés du label de Fairtrade Belgium vendus dans les supermarchés belges, on arrive à un chiffre d’affaires de 61,4 millions d’euros. Si vous ajoutez à cela les produits du commerce équitable que le client n’a pas achetés au supermarché, mais dans des lieux comme des restaurants ou des cafés, on arrive alors à un chiffre d’affaires de 115,5 millions d’euros pour 2015. “Nous ne sommes plus intéressés de mettre un seul petit produit dans les rayons du supermarché, mais bien de rendre des segments entiers durables. S’il y a une chose dans laquelle je crois, c’est que le grand levier pour le durable se situe dans le secteur privé et les supermarchés. Pour des catégories entières, ils décideront de ne plus mettre que des produits durables dans les rayons. Ils vont, c’est mon souhait le plus fervent, ne plus laisser le choix au consommateur.”

Nom

Une autre rupture avec le passé a été le changement de nom en Fairtrade Belgium en 2014. Le label s’appelait jusqu’alors Max Havelaar, mais ce nom a connu trop d’inconvénients au cours du temps. En dehors des Pays-Bas, personne ne comprenait la référence au célèbre travail littéraire au sujet du fabricant de café, et chez nous, beaucoup de personnes pensaient erronément que Max Havelaar était une marque de café au lieu d’un label. Fairtrade Belgium n’achète et ne vend notamment aucun produit. Il contrôle si les producteurs en Amérique Latine, en Afrique et en Asie, ainsi que toutes les parties à l’oeuvre dans les chaînes d’approvisionnement, respectent les critères de durabilité convenus. Si c’est bien le cas, les produits peuvent être vendus via le commerce équitable. Les avantages pour les coopératives sont qu’elles obtiennent un prix minimum garanti et qu’elles reçoivent une partie du bénéfice sous forme de prime. Cette prime, elles peuvent l’investir dans leur coopérative et communauté. Les exploitants agricoles ont obtenu près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2014 avec leurs produits équitables. De ce chiffre, 106,2 millions sont allés vers la prime de bénéfice, soit plus de 100.000 euros par organisation agricole.

La collaboration entre les pays en développement du sud et les marchés de débouchés dans le nord prospère n’est plus à sens unique depuis longtemps déjà. “En 2012, nous avons mis 50% des parts de notre organisation mondiale, Fairtrade International, dans les mains des exploitants agricoles”, dit Deforce. Dans les grandes villes d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, une classe moyenne s’est en outre constituée, de telle sorte que les produits issus du commerce équitable sont maintenant depuis peu également vendus au supermarché là-bas.

Le 1er juin, Lily Deforce passe sa fonction à son successeur, bien qu’elle restera encore un mois pour l’introduction de cette personne. Elle désire ensuite prendre le temps pour étudier pendant une demi-année, avant de partir à la recherche d’un nouvel emploi. Le nom de son successeur à la tête de Fairtrade Belgium n’est pas encore connu, si ce n’est que, au lieu d’une femme flamande, il s’agira maintenant d’un homme de Wallonie parfaitement bilingue, qui fait la transition du secteur privé vers le non-profit. Maintenant que Lily Deforce a transformé Faitrade Belgium, il pourra tirer profit du potentiel. “Je pense que nous n’en sommes qu’au début”, conclut Lily Deforce. “Il y a encore de beaux deals à venir, avec des grandes entreprises qui font de grands pas. Une forte croissance est en perspective. Les négociations sont déjà en cours.Tant pour moi que pour l’organisation, il est temps pour une nouvelle phase.”

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