Amazon responsable de 50% des blessures dans les entrepôts américains en 2021, selon des syndicats

Vue aérienne d'un centre d'emballage Amazon, le 18 novembre 2021 à Brieselang, en Allemagne. © iStock

Un collectif de syndicats américain a publié un rapport dénonçant les conditions de travail de l’entreprise d’e-commerce Amazon. Les blessures y sont en effet beaucoup plus fréquentes que dans les autres entrepôts, dû au rythme de production très élevé. Et l’accélération de l’activité pendant la pandémie a empiré les choses.

Dans leur rapport intitulé “The injury machine : how amazon’s production system hurts workers” (La machine à blessure: comment le système de production d’amazon blesse les travailleurs), un collectif de syndicats – Strategic Organizing Center (SOC)* – dénonce les conditions de travail du géant de l’e-commerce Amazon.

Le rapport, publié en avril 2022, s’appuie sur les données fédérales américaines relatives aux blessures au travail. Ces chiffres montrent que le travailleur moyen d’Amazon était plus susceptible de se blesser en 2021 qu’en 2020. L’entreprise a pourtant déclaré avoir dépensé 300 millions de dollars pour la sécurité des travailleurs et mis en place une série de nouveaux programmes destinés, selon elle, à réduire les blessures.

Une situation qui a empiré avec la pandémie

Depuis le début de la pandémie de Covid 19, l’activité d’Amazon a explosé, les consommateurs ayant transféré une plus grande partie de leurs achats en ligne. Les bénéfices d’Amazon au cours des douze premiers mois de la pandémie ont dépassé ceux des trois années précédentes combinées.

Les bénéfices de l’entreprise sont passés de 21,3 milliards de dollars en 2020 à 33,4 milliards de dollars en 2021. Le collectif de syndicats indique que “tandis que les actionnaires et les dirigeants ont récolté les bénéfices de l’entreprise, la croissance agressive d’Amazon a eu un coût élevé pour ses travailleurs.

Le collectif souligne que cette “mise sous pression d’Amazon” continue de provoquer des blessures chez les travailleurs et que la situation “ne cesse de s’aggraver“. Pour arriver à cette conclusion, le Strategic Organizing Center a analysé les données sur les blessures qu’Amazon a soumises à l‘Occupational Safety and Health Administration (OSHA, agence fédérale américaine pour la prévention des blessures, maladies et décès dans le cadre du travail).

Ainsi, le taux global de blessures d’Amazon a augmenté de 20% entre 2020 et 2021. L’an dernier, le taux d’accidents graves dans les entrepôts d’Amazon était de 6,8 pour 100 travailleurs, soit plus du double du taux des autres entrepôts (3,3 pour 100). Alors que le groupe employait 33% de tous les travailleurs des entrepôts américains l’an dernier, celui-ci a été responsable de 49% de toutes les blessures survenues dans le secteur.

Les syndicats pointent que “l’obsession d’Amazon pour la vitesse a joué un rôle dans l’augmentation de ses taux de blessures. Amazon utilise des systèmes de productivité et de contrôle étendus afin d’augmenter la pression exercée sur les travailleurs pour qu’ils se déplacent à des vitesses dangereuses.” Enfin, ils précisent que le Wall Street Journal a même inventé récemment le terme de “Bezosisme” (du nom de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon) pour désigner “la façon dont Amazon utilise la technologie pour pousser les travailleurs à la performance.”

Des promesses de changement qui tardent à se concrétiser

En 2020, au début de la pandémie du Covid 19, Amazon avait initialement assoupli les quotas de travail pour permettre aux employés de prendre des précautions de sécurité sanitaire. Mais en octobre 2020, alors même que le nombre de cas de Covid commençait à augmenter, Amazon a rétabli ses politiques disciplinaires axées sur la production, juste avant le Prime Day (opération commerciale réservée aux abonnés du programme fidélité Amazon Prime).

Les acteurs de défense des travailleurs ont fourni de nombreux efforts pour dénoncer ces pratiques, avec notamment le vote historique en faveur de la formation d’un syndicat à l’entrepôt JFK8 de Staten Island, et un autre dans un entrepôt d’Amazon à Bessemer, Alabama (BHM1). Des entrepôts qui ont été marqués par les accidents.

Ainsi, le taux de blessures graves à JFK8 a augmenté de 15% entre 2020 et 2021 et de 43% à BHM1. L’OSHA de l’état de Washington a cité les installations d’Amazon près de Seattle pour violation de la loi fédérale sur la santé et la sécurité. L’agence fédérale a également établi un lien direct entre d’un côté, le rythme de travail élevé de l’entreprise et les systèmes de surveillance et de discipline de contrôle de l’entreprise, et de l’autre, les taux élevés de blessures. Certains états américains ont mis en place des lois pour notamment réglementer l’utilisation des quotas de production dans les entrepôts.

En réponse à l’examen de son bilan de sécurité, Amazon a lancé une campagne pour tenter de convaincre la prise au sérieux de la sécurité dans ses entrepôts. En avril 2021, Jeff Bezos a déclaré qu’il voulait faire d’Amazon “l’endroit le plus sûr de la planète pour travailler.” L’entreprise affirme avoir investi des millions de dollars dans des initiatives destinées à promouvoir la sécurité et souhaite réduire les taux d’accidents de 50% d’ici 2025.

Pour conclure, le SOC indique que l’analyse des données relatives aux accidents d’Amazon pour 2021 montre que non seulement l’entreprise n‘a pas réussi à améliorer ses taux d’accidents, mais qu’elle a obtenu des résultats nettement moins bons que l’année précédente. Ce qui soulève “des questions importantes” sur l’engagement de la direction d’Amazon à prévenir les accidents du travail.

Aurore Dessaigne

* Le Strategic Organizing Center (SOC) est une coalition démocratique de quatre syndicats : l’Union internationale des employés de services (SEIU), la Fraternité internationale des Teamsters (IBT), les Travailleurs des communications d’Amérique (CWA) et Travailleurs agricoles unis d’Amérique (UFW). Ensemble, ces syndicats représentent plus de 4 millions de travailleurs.

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