Alcogroup, précurseur de solutions durables

Alco Energy Rotterdam est la bioraffinerie la plus grande d'Europe. Le groupe y transforme du maïs en bioéthanol, en protéines enrichies pour l'alimentation animale, en CO2 vert et en électricité. © PG

Actif depuis trois décennies dans la production d’éthanol et la distribution d’alcool pour tous usages, le belge Alcogroup se positionne parmi les leaders européens et mondiaux, mettant l’accent sur le caractère durable et décarboné de ses produits.

Entreprise peu connue du grand public, Alcogroup (Alco), qui affiche un chiffre d’affaires consolidé de l’ordre de 1,3 milliard d’euros, est à l’image de ces groupes dont les produits sont présents partout dans notre vie quotidienne mais dont on ne soupçonne pas l’existence et encore moins l’utilité. Dans le cas d’Alco, il s’agit plus précisément d’un produit aux usages multiples: l’alcool. On a trop souvent tendance à résumer ce dernier aux spiritueux alors que ce n’est qu’une petite partie de l’emploi que l’on réserve à cette substance connue depuis la nuit des temps. “La plus grande partie de l’alcool produit dans le monde est utilisée à des fins industrielles ou de carburants renouvelables, rappelle Charles-Albert Peers, CEO d’Alco. Et on en consomme par exemple deux fois plus afin de produire du vinaigre que de l’alcool de bouche. L’alcool dont on parle ici est plus précisément l’éthanol d’origine agricole à base de maïs ou de canne à sucre, que l’on retrouve dans différentes applications telles que le biocarburant qui réduit les émissions de CO2 dans l’essence ou la molécule de base pour l’industrie chimique, les cosmétiques ou encore la pharma. Sans oublier, l’alcool alimentaire. Autant de domaines où nous sommes présents depuis plus de 30 ans.”

La plus grande partie de l’alcool produit dans le monde est utilisée à des fins industrielles et de carburants renouvelables. Et cette palette ne cesse de croître.

Du “trading” à la production

La genèse du bruxellois Alco remonte à la fin des années 1980 avec le lancement d’une activité de trading. Administrateur délégué du groupe M.M.M. (Mines, Minerais et Métaux), Charles-Albert Peers croise en 1988 le chemin de Philippe Meeus, un trader actif au Brésil. De cette rencontre naît un an plus tard M.M.M. Alcools, filiale à 76% du groupe M.M.M., les 24% restant revenant à Philippe Meeus et son frère Bernard. Le projet? Importer de l’éthanol brésilien, mais le marché du géant sud-américain est déficitaire. L’entreprise décide dès lors d’exporter au Brésil de l’alcool industriel européen provenant de surplus de vins européens distillés en alcool. “Cette activité de négoce et de distribution se développera dans les années 1990, se souvient le CEO d’Alco. Il s’agit d’un métier extrêmement spécialisé où les acheteurs et les producteurs sont nombreux et locaux pour la plupart. Pour réussir sur ce marché, une connaissance mondiale des marchés et la qualité de l’équipe logistique sont capitales.” Basée à Bruxelles (Alcodis) et Genève (Alcotra), Alco compte alors une quinzaine de personnes.

En 1998, Charles-Albert Peers, Philippe et Bernard Meeus réalisent un MBO ( management buy-out) et commencent à racheter des sociétés dans divers pays. Clé de la réussite de cet Alco qui vient d’être porté sur les fonts baptismaux? La complémentarité des trois associés: Philippe Meeus s’occupe du trading, Bernard de la distribution et de la gestion des opérations logistiques et financières et Charles-Albert Peers du développement industriel et acquisitions/cessions de sociétés. Au fil des années, Alco s’impose doucement, devenant avec 20% de parts de marché le deuxième producteur européen de bioéthanol en Europe derrière le groupe allemand Südzucker (qui détient notamment BioWanze en Belgique ). Outre ses activités de production, Alco se révèle également un des plus gros distributeurs mondiaux d’alcool pour tous usages.

Jackpot suédois

Durant toute son histoire, Alco n’a jamais commercialisé de marques propres. A une exception près, qui lui a permis de toucher le jackpot. En 1998, un ancien cadre de LVMH, Guillaume Cuvelier, prend contact avec le groupe belge. L’homme souhaite lancer une vodka suédoise sur le marché américain pour rivaliser avec Absolut et est en quête d’un fournisseur. “A cette époque, dans l’univers des spiritueux, la mode était à la vodka comme elle l’est aujourd’hui au gin, reprend Charles-Albert Peers. Et la production d’alcool suédois était cadenassée par Absolut, qui détenait un monopole d’Etat. Or, il faut savoir que pour bénéficier du label suédois, la distillation doit être effectuée en Suède. Mais nous avions parmi nos fournisseurs une petite coopérative agricole qui bénéficiait d’une autorisation accordée par l’Etat pour produire de la vodka. Nous avons donc créé la marque Svedka Vodka, dont Guillaume Cuvelier a pris 25% des parts et Alco, 75%.”

Maïs européen - Sa culture permet de capter des quantités significatives de carbone dans l'air. Et l'usage du bioéthanol qui en découle
Maïs européen – Sa culture permet de capter des quantités significatives de carbone dans l’air. Et l’usage du bioéthanol qui en découle “génère 90% de gaz à effet de serre en moins que l’essence.”© GETTY IMAGES

Lors du lancement aux Etats-Unis, Absolut intente un procès à Svedka, sans succès. Mais l’affaire fait la une du Wall Street Journal, contribuant à la notoriété de la marque. Coup de pouce supplémentaire: lors d’un test à l’aveugle réalisé par un magazine américain spécialisé, Svedka se classe deuxième derrière Grey Goose, célèbre vodka française, mais loin devant Absolut. Ecoulée au prix de 14 dollars contre 30 dollars pour ses concurrentes, Svedka obtient par ailleurs pendant cinq années consécutives la mention meilleur achat, le best buy, qui dope ses ventes.

Le succès de la “petite” vodka suédoise aux accents belgo- français éveille évidemment rapidement l’intérêt de grands acteurs du secteur. Quand le groupe bruxellois décide de céder sa pépite au groupe américain Constellation Brands en 2007, pas moins d’une vingtaine de millions de bouteilles séduisent les amateurs… “Nous avions multiplié notre mise de départ par 400, sourit le CEO. Nous affichions alors des résultats dignes des meilleures start-up. Mais nous avons aussi eu de la chance, parce que nous avons réalisé cette vente peu de temps avant que n’éclate la crise financière.”

La réactivité d’une start-up

Après cette parenthèse suédoise, le groupe se recentre ensuite sur les activités qui constituent toujours et plus que jamais ses deux core business: la production d’éthanol pour carburant en Europe et la distribution d’alcool destiné à des usages industriels et alimentaires au niveau mondial. Le groupe compte aujourd’hui deux unités de production, construites avec des partenaires belges: Alco Bio Fuel à Gand et Alco Energy Rotterdam, cette dernière étant la bioraffinerie la plus grande en Europe. Dans ses usines, le groupe transforme du maïs non seulement en bioéthanol mais également en protéines enrichies pour l’alimentation animale, en CO2 vert et en électricité. Un maïs cultivé de manière durable, non génétiquement modifié et d’origine européenne.

En 2021, Alco aura ainsi produit quelque 950 millions de litres d’éthanol, soit 20% de la capacité européenne, mais aussi 660.000 tonnes de produits protéinés. Via cette transformation, 420.000 tonnes de CO2 biogénique ont été captées et destinées à des serres pour favoriser la croissance de fruits et légumes, ainsi qu’à des usages industriels (pour la chaîne du froid par exemple, en remplacement de CO2 d’origine fossile). Last but not least, le groupe a également produit 60 MW d’électricité. “Nous nous inscrivons pleinement dans le développement durable, souligne Charles-Albert Peers. Notre secteur est la seule industrie dont les émissions de gaz à effet de serre sont certifiées sur des cycles complets, depuis le champ de maïs jusqu’à la production d’éthanol. Nos produits génèrent 90% de gaz à effet de serre en moins que l’essence, mieux que la moyenne européenne de 72%.”

Actif dans la production, Alco l’est également dans la distribution. Dans le segment des alcools traditionnels, le groupe dispose notamment d’une unité de production en Afrique du Sud, d’une capacité de 85 millions de litres, ainsi que d’une participation minoritaire dans Omnicane Ethanol à Maurice, qui traite l’essentiel des mélasses de canne à sucre de l’île et produit 25 millions de litres par an. Pour la distribution proprement dite, Alco s’appuie sur une petite vingtaine de sociétés réparties à travers la planète. Bon an mal an, ce ne sont pas moins de 800 millions de litres d’alcool qui sont ainsi distribués sur les cinq continents. Cet éthanol est fourni à diverses industries telles que la pharma, la biochimie, les cosmétiques, l’agroalimentaire, etc. “La palette d’utilisation ne cesse de croître, ajoute le CEO. D’autant que l’on remplace de plus en plus des produits issus du pétrole par des produits d’origine naturelle quand la sub- stitution est possible. C’est le cas, par exemple, du liquide lave-glace dont nous détenons plus de 50% du marché en Europe.”

Charles-Albert Peers, CEO:
Charles-Albert Peers, CEO: “Si vous réussissez votre rôle sociétal, vous récolterez aussi des profits, qui pourront être réinvestis.”© PG

Le groupe a également apporté son aide lors de la première vague du covid avec la fourniture gratuite en un temps record de plus de 40.000 litres de gel hydroalcoolique aux hôpitaux belges. Une flexibilité digne d’une start-up. “C’est ce que nous sommes en fait, pointe Charles-Albert Peers, nous avons conservé une capacité d’adaptation et de réactivité intacte, à laquelle se sont ajoutées la maturité et l’expérience d’une société qui a aujourd’hui 30 ans d’âge. Cette réactivité s’est vue lors de la crise sanitaire où, à travers l’ensemble de nos filiales, nous avons pu compter sur le dynamisme de nos collaborateurs qui ont redoublé d’efforts pour fournir l’alcool nécessaire à la fabrication de gels au niveau mondial.”

Objectif décarbonation

Un dynamisme que le groupe doit notamment à sa structuration. Alco est contrôlé par le management et les cadres de l’entreprise. Son actionnariat a été étendu en 2013 avec la création d’une management company, détenant 10% du groupe, en faveur de 130 de ses principaux collaborateurs. “Partager l’actionnariat avec ses collaborateurs crée un sentiment d’appartenance et un dynamisme exceptionnel qui s’est révélé un atout en tout temps et particulièrement durant la crise que nous avons vécue”, insiste Charles-Albert Peers.

Ce partage d’actionnariat crée par ailleurs également une communauté de valeurs. Et celles d’Alco sont visibles dès la baseline du groupe: sustainable pioneers. Des pionniers du développement durable. Alco entend en effet participer pleinement aux objectifs affichés par la Commission européenne: “parvenir à une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat d’ici à 2050”. Des objectifs que le groupe compte bien atteindre, en ce qui concerne son activité, dès 2030… “L’éthanol est l’un des meilleurs produits pour décarboner le transport et peut contribuer à remplacer aussi une partie de produits issus de la pétrochimie, détaille Charles- Albert Peers. Au départ de maïs européen, nous récupérons l’entièreté des protéines qui sont destinées à l’alimentation animale, réduisant ainsi notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Et l’éthanol que nous produisons se révèle un des carburants les plus durables et les moins chers du marché. Dans un cycle de vie complet, il est aujourd’hui bien meilleur pour le climat que le mix européen actuel de production d’électricité et celle, très énergivore, des batteries…”

“En attendant que la production d’électricité soit principalement renouvelable, la décarbonation des carburants existants (soit un mélange de réduction de l’empreinte carbone de l’essence, d’usage de carburants synthétiques renouvelables et d’éthanol) peut être beaucoup plus rapide et efficace à un coût nettement plus avantageux si l’on veut réduire de plus de 50% les émissions de CO2 des voitures thermiques d’ici 2030”, justifie Charles-Albert Peers. “Pour le moment, cette option n’est pas envisagée sérieusement par le gouvernement belge, ni au programme du Green Deal après 2035”, regrette le CEO. Dans les mois qui viennent, celui-ci entend toutefois bien convaincre les responsables politiques du bien-fondé de cette option alternative et de l’intérêt qu’elle revêt pour répondre aux défis climatiques immédiats.

Nouvelles applications

D’autant qu’Alco développe de nouvelles applications et investit dans les dernières technologies afin de réduire son impact carbone depuis maintenant de nombreuses années. Objectif: capter et utiliser 100% du CO2 émis pour la production d’éthanol d’ici 30 ans, via des filières de captation nette. “On n’arrivera pas à une neutralité carbone en 2050 sans en capter dans l’air ambiant, déclare Charles-Albert Peers. La Commission européenne prévoit, entre autres en raison d’une diminution de la consommation de viande, une libération de quelque 3 millions d’hectares de terres cultivables d’ici 2030. Or la culture de maïs, par exemple, permet de capter des quantités significatives de carbone dans l’air, chaque grain contenant plus ou moins 30% de CO2 capté. Nous travaillons déjà à cette neutralité carbone de nos bioraffineries d’ici 2030. En récupérant le CO2 biogénique issu des plantes comme actuellement, nous projetons de capter plus de carbone que la filière en cycle de vie complet n’en émettra.” Par ailleurs Alco s’intéresse également à l’hydrogène vert qui, combiné au CO2 capté dans ses usines, peut produire du méthanol ou de l’éthanol synthétique, renouvelable pour le transport.

On le constate, le groupe entend bien jouer dans les années qui viennent un rôle d’acteur majeur dans la société en faveur de la lutte contre le changement climatique et le développement d’une économie durable et décarbonée. “Si vous réussissez votre rôle sociétal, vous récolterez aussi des profits, qui pourront être réinvestis”, conclut Charles-Albert Peers.

950 Millions

En litres, production prévue d’éthanol en 2021 par Alcogroup, soit 20% de la capacité européenne.

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