À la découverte de Lab Box, le labo de D’Ieteren

Michaël Grandfils et Jonathan Guzy, respectivement manager de Lab Box et fondateur de CarAsap. © PG

Le numéro un de l’importation de voitures a développé un laboratoire qui crée de nouveaux services de mobilité. Lancé il y a deux ans, Lab Box avance vite, multipliant les initiatives. Il vient de racheter une société de voitures avec chauffeur, CarAsap, et compte même lancer un petit service de bus autonomes dans quelques mois.

D’Ieteren Auto avance à marche forcée dans les nouveaux services de mobilité. Sa société Lab Box, qui joue le rôle ” d’accélérateur centré sur le futur de la mobilité ” (dixit son site), vient de prendre le contrôle de CarAsap, un sorte d’Uber pour les entreprises. CarAsap organise un service opéré par 300 chauffeurs indépendants avec leur véhicule à destination d’entreprises comme Solvay ou de cabinets d’avocats, gros consommateurs de trajets vers les aéroports, notamment. La force de cette start-up réside dans sa plateforme numérique et son appli, un peu comme le fait Uber. ” En respectant les licences en vigueur dans les régions “, précise toutefois son fondateur, Jonathan Guzy.

Nous acceptons des pertes pendant, disons, trois ou quatre ans, le temps d’un lancement. ” – Michaël Grandfils

Cette prise de contrôle fait partie de la stratégie développée par D’Ieteren Auto pour proposer des services de mobilité alternative. La maison est le premier importateur de véhicules du pays (VW, Audi, Skoda, Seat, Porsche, Lamborghini, Bentley, Bugatti, Yamaha) mais elle élargit désormais son business model à toute question relative à l’usage de la voiture (pollution, encombrements, etc.) en Belgique.

L'application de mobilité multimodale Pikaway.
L’application de mobilité multimodale Pikaway.© pg

Une certaine autonomie

Ce ne serait pas sa première réorientation. D’Ieteren est né en 1805 en fabriquant des roues pour chariots puis de tilburys, a poursuivi son développement en devenant carrossier dès l’apparition de l’automobile, avant de passer à l’importation dans l’entre-deux-guerres. Normal, dès lors, que la société se soit aussi attaquée au marché naissant de la mobilité partagée et de la multimodalité. Pour ce faire, elle a donc créé un incubateur, Lab Box, installé place Flagey à Bruxelles, y investissant (pour commencer) une petite dizaine de millions d’euros.

” L’incubateur a été fondé il y a deux ans, indique Michaël Grandfils, manager et administrateur de Lab Box. Au départ, l’idée était de disposer d’un service intégré à D’Ieteren Auto, appelé D’Ieteren Mobility. Mais il a paru plus judicieux de créer une structure autonome. ” Notamment pour éviter de risquer de freiner des projets en éventuel conflit avec le coeur de métier du groupe. ” Par exemple, le service de voitures partagées Poppy n’a pas l’obligation d’acheter des véhicules du groupe Volkswagen, explique Denis Gorteman, CEO de D’Ieteren Auto et administrateur de Lab Box. Et il utilise des scooters électriques qui ne sont pas des Yamaha, alors que nous importons aussi cette marque. ” Poppy n’a pas non plus jeté son dévolu sur l’assureur qui travaille avec D’Ieteren Auto. Et CarAsap peut fonctionner avec d’autres véhicules que ceux importés par D’Ieteren.

Le Lab Box reste une structure légère, de moins de 10 personnes. Mais solide en termes de management, grâce à quelques anciens collaborateurs venus du monde du conseil. Michaël Grandfils, le manager de Lab Box, est passé par Bain, comme Valentin Haarscher, associé. Rutger Callewier, autre associé, vient de Roland Berger (et d’Uber, ça peut aider). Tandis que le dernier arrivé, David Millan, chief of staff, a fait ses classes chez McKinsey. ” Chacun d’entre nous suit plus spécifiquement une ou deux entreprises que nous lançons ou dans lesquelles nous investissons “, précise Michaël Grandfils.

La petite équipe n’a pas chômé. En deux ans, elle a mis en place, lancé ou racheté six activités. La première, Poppy, la plus visible, est un service de voitures et de scooters partagés en free floating (véhicules laissé sà destination, réservés et localisés sur smartphone). Il a démarré à Anvers en 2018, avec 350 automobiles ” propres ” (VW électriques ou Audi au gaz naturel), et des scooters électriques. ” Poppy compte maintenant plus de 20.000 utilisateurs, qui ont parcouru plus de 2 millions de kilomètres grâce à ce service “, se réjouit Michaël Grandfils.

Trois de ces minibus autonomes EasyMile devraient bientôt être en circulation à Bruxelles.
Trois de ces minibus autonomes EasyMile devraient bientôt être en circulation à Bruxelles.© pg

Poppy, MyMove, Pikaway, Lizy

Poppy arrive maintenant à Bruxelles, à la faveur de l’arrêt des activités de Zipcar, autre service d’automobiles partagées en free floating. ” Nous avions une opportunité de reprendre les équipes de Zipcar, explique Denis Gorteman. Avis, l’ancien actionnaire de Zipcar, connaissait bien D’Ieteren (qui a contrôlé longtemps Avis Europe), et avait contacté le groupe belge. ” Nous reprenons la base client, le personnel mais pas les véhicules, qui seront remplacés. ” A Bruxelles, Poppy concurrencera DriveNow, le service de voitures partagées en free floating de BMW, lui-même bientôt rebaptisé Share Now pour cause de fusion avec Car2Go, le service concurrent de Daimler. ” Mais Poppy ajoutera aussi des vélos et des trottinettes, tous électriques, à son offre “, indique Michaël Grandfils.

L’expertise acquise avec Poppy a permis à Lab Box de développer une autre société, offrant un service comparable mais à destination spécifique des entreprises, celui-là. Gérant une flotte de véhicules partagés (automobiles, vélos, scooters, etc.), MyMove se présente comme une alternative à la voiture de société. Une application permet aux salariés d’accéder et de débloquer les véhicules, et de les utiliser en accord avec le budget mobilité convenu avec l’employeur. Un type de service qu’une loi récente favorise…

Autre développement important : Pikaway, application de mobilité multimodale. L’utilisateur indique où il veut aller, et le software lui propose les solutions de déplacement les plus adaptées, mais aussi la possibilité de les réserver et de les payer directement. ” On a construit l’application de toutes pièces, continue Michaël Grandfils. Elle fonctionne actuellement pour Anvers, mais on proposera bientôt une autre ville. Elle intègre la SNCB, De Lijn, des véhicules partagés comme Poppy, et fournit les meilleures combinaisons pour arriver à destination. ” Pikaway vise une clientèle B to B et B to C.

L’une des dernières initiatives de Lab Box est Lizy, entreprise proposant en leasing, à destination des entreprises ou des indépendants, des véhicules de seconde main récents. Cette plateforme met également en relation les clients potentiels avec l’offre de Volkswagen D’Ieteren Finances, le bras financier du groupe D’Ieteren.

Lancé à Anvers, débarquant à Bruxelles, Poppy concurrencera le services de voitures partagées DriveNow.
Lancé à Anvers, débarquant à Bruxelles, Poppy concurrencera le services de voitures partagées DriveNow.© pg

Cocher toutes les cases

Avec ces initiatives, Lab Box coche donc presque toutes les cases de la mobilité du futur, celles où l’on retrouve les termes ” partagés “, free floating “, ” multimodal “, ” électrique “, ” propre ” et ” application “. Une case restait toutefois en rade, celle du ” véhicule autonome “. Ce sera à l’ordre du jour dans quelques mois. ” Nous aurons bientôt trois véhicules en circulation à Bruxelles “, annonce Michaël Grandfils. Vraisemblablement des petit bus français EasyMile.

On l’a dit, Lab Box est autonome. La société demeure néanmoins proche du groupe D’Ieteren. La maison de la rue du Mail a donc des représentants à son conseil d’administration : Denis Gorteman et Pierre Laffineur, respectivement CEO et CFO de D’Ieteren Auto. Ils participent aux arbitrages et aux décisions d’investissement. Les autres membres sont des dirigeants de Lab Box. Notons par ailleurs que le développement de cette structure ne devrait pas être affecté par la rupture toute récente entre l’ancien CEO du groupe D’Ieteren, Axel Miller, et le conseil d’administration. Outre un rôle d’incubateur (quasiment toutes les sociétés créées ou rachetées sont hébergées place Flagey), l’approche de Lab Box est celle d’un fonds d’investissement, mais très actif dans la gestion. ” Nous acceptons des pertes pendant, disons, trois ou quatre années, le temps d’un lancement. Mais l’objectif est d’arriver à la rentabilité dans un délai raisonnable, continue Michaël Grandfils. Nous ne sommes pas un fonds de capital risque, prêt à prendre des milliards de pertes pour développer un Uber ! ” Le cas de CarAsap illustre cette approche. Lancée en 2015, l’entreprise a connu des pertes de démarrage (60.982 euros en 2017), ” mais elle devrait arriver à l’équilibre cette année “, assure le manager.

À la découverte de Lab Box, le labo de D'Ieteren

Risque de concurrence avec VW ?

Reste une question fondamentale. Les initiatives de Lab Box dans le domaine de la mobilité partagée ne risquent-elles pas d’entrer en concurrence avec celles du groupe Volkswagen ? ” Ce n’est pas le cas “, garantit Michaël Grandfils. Au contraire. ” Nous avons, par exemple, reçu la visite de représentants de Volkswagen qui comptent lancer un système d’automobiles partagées à Berlin. Nous leur avons livré des informations sur le fonctionnement et les résultats de Poppy. ”

VW a en effet pris du retard dans ce type de services. Plutôt que d’attendre que la concurrence prenne tout le marché, D’Ieteren Auto a donc préféré avancer de son côté. ” Mais le groupe VW est au courant de ce que l’on fait et nous sommes au courant de ce qu’il fait dans ce domaine “, conclut Michaël Grandfils.

Un avocat dans les voitures

Petit dernier de Lab Box, CarAsap, est une start-up active dans le monde des voitures avec chauffeur (VTC), surtout à Bruxelles et sa banlieue. Elle a été lancée en 2015 par Jonathan Guzy. ” J’ai suivi des études de droit à l’ULB, puis suis devenu avocat, avant de recommencer de nouvelles études aux Etats-Unis, raconte le chef d’entreprise. C’est là que j’ai été confronté aux premières nouvelles offres de mobilité alternatives, comme Zipcar. Le domaine m’a passionné : il y avait un nouveau marché à développer. ” De retour en Belgique, Jonathan Guzy a donc créé CarAsap, une plateforme de service de voitures avec chauffeurs de type Uber, mais après avoir utilisé son métier de juriste pour se conformer parfaitement aux réglementations spécifiques en la matière. Les avantages de son modèle ? Une structure légère – l’entreprise ne possède aucune automobile et les chauffeurs sont indépendants – mais surtout sa cible. CarAsap est en effet spécialement adaptée à une clientèle d’entreprises, de cadres et de managers, avec une application pour gérer les courses et un call center.

” Nous proposons des offres personnalisées, continue le fondateur de CarAsap. On nous présente comme un concurrent à Uber, nous sommes surtout celui des taxis. Nous avons 250 clients corporate. ” Pour ce faire, la start-up a par ailleurs dégoté un software de routage en Grande-Bretagne, fournit par Addison Lee, le numéro un londonien des mini cab, ces taxis privés comparables à nos VTC. L’arrivée de Lab Box dans son capital permettra à CarAsap de s’étendre prochainement à d’autres villes du pays.

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