Le récent sommet Europe-Asie (ASEM) s’est clôturé sur des déclarations d’intention, et a certainement permis, à l’abri de l’imposant service de sécurité, de nouer des contacts ou de clarifier certains dossiers. Mais ce sommet s’est également terminé sur un constat d’échec, bien public celui-là : l’Europe et l’Asie n’ont pu s’entendre sur la future gestion des politiques monétaires.
Comme chaque mois, le baromètre mesurant la confiance des consommateurs a été publié par la Banque nationale. Le résultat pour le mois d’octobre est sans équivoque : il s’est affiché en hausse et confirme le regain d’optimisme des ménages observé depuis le début de l’année. Le niveau atteint en octobre dépasse même la moyenne des 20 dernières années et n’avait plus été atteint depuis 2007, avant que la crise financière et économique ne frappe l’économie belge. De plus, le regain de confiance s’appuie sur une base très large : les consommateurs sont davantage optimistes quant à la croissance future, à l’emploi et à leur capacité d’épargne.
Sur le plan macroéconomique, cette hausse de la confiance des ménages est importante. En effet, après une période où la reprise a été portée par le commerce extérieur (les exportations de marchandises sont en hausse de plus de 25 % sur un an), il faudra que la demande intérieure reprenne le relais. Et la consommation des ménages en est l’élément principal. Or, une confiance des ménages en hausse est une condition nécessaire à la croissance de leur consommation. En d’autres termes, lorsque le “Belge moyen” a peur de l’avenir, il épargne davantage (comme en 2009), et lorsqu’il est plus confiant, il se remet à consommer.
Un peu trop confiant, le Belge ?
La hausse actuelle de la confiance des consommateurs suscite pourtant quelques interrogations. La crise politique (certains diront même la crise de régime) que nous vivons en Belgique n’entacherait-elle en rien le moral des ménages ? On aurait pu croire que l’incapacité à former un gouvernement de plein exercice et capable de prendre des décisions fortes de politique économique détériorerait le moral des ménages en leur faisant craindre une situation économique moins rose. Il semble au contraire que cela n’ait aucune influence, un peu comme si la poursuite de la reprise économique ressentie par les ménages ne dépendait en rien du gouvernement fédéral. Un tel raisonnement n’est pas tout à fait faux, mais un peu réducteur…
Ou bien faut-il regarder les choses sous un autre angle ? En effet, l’absence de gouvernement n’a pas encore mis la Belgique sur la voie des économies budgétaires. D’autres pays se sont déjà lancés dans des plans d’assainissement budgétaire, voire de réformes structurelles, qui apparaissent douloureux. On peut aisément imaginer que les remous autour de la réforme des retraites en France impacteront négativement le moral de nos voisins. Au Royaume-Uni, les mesures drastiques d’économie (disons même d’austérité dans ce cas) auront plus que probablement un effet dépressif sur la confiance des ménages. Et que dire du moral des ménages grecs, qui n’ont probablement pas encore vu l’ensemble des mesures qu’ils auront à subir.
Une bombe à retardement
L’absence de gouvernement peut donc aussi avoir des effets bénéfiques… du moins en apparence, car les économies et les réformes structurelles devront être décidées un jour ou l’autre. La croissance retrouvée donne temporairement encore l’illusion que les finances publiques sont sous contrôle. Mais en 2011, les premiers efforts budgétaires seront indispensables. Et à l’horizon de 2015, ce sont entre 22 et 25 milliards d’euros qui devront être trouvés, en réduisant les dépenses ou en augmentant les recettes. Le moral des consommateurs sera-t-il toujours au beau fixe lorsqu’il faudra leur annoncer ces mesures (en supposant qu’un accord politique soit trouvé à ce sujet) ? Et qu’en sera-t-il lorsqu’une vraie réforme du système des pensions sera lancée ?
En conclusion, la tragédie qui se joue à la rue de la Loi (et je ne parle pas du Théâtre du Parc…) nous fait oublier peu à peu les défis qui s’annoncent en 2011 et durant les années suivantes. Il ne faut pas se leurrer sur le fait que ces défis sont du même ordre que dans les autres économies d’Europe occidentale. Ils produiront probablement aussi les mêmes effets : ralentissement de la croissance et baisse du moral des consommateurs. Mais à l’inverse, n’oublions pas que le premier effet de telles réformes, si elles sont bien menées, sera d’assurer l’avenir des générations futures.