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Dexia : indignez-vous ! Vraiment ?

Après Belgacom et bpost, Dexia est la troisième entreprise détenue par l’Etat à s’inviter en peu de temps dans le débat politique. Les entreprises changent, le sujet reste : la rémunération des dirigeants.

Par le passé, le groupe bancaire franco-belge avait alimenté le débat en la matière plus souvent qu’à son tour. Souvenez-vous de la jolie retraite chapeau de Pierre Richard, ancien président et un des grands responsables du désastre. Lorsqu’il fut poussé brusquement à la pension, en octobre 2008, il se mit à toucher un complément de retraite de 583.000 euros par an ! En mars 2013, magnanime, il décidait d’en abandonner la moitié…

Souvenez-vous de la prime d’arrivée (un “golden hello”) de 500.000 euros perçue en 2009 par le directeur financier Philippe Rucheton. Un bonus pour le remercier d’avoir rejoint le nouveau management censé remettre la banque sur les rails.

Rappelez-vous aussi de cette fameuse “prime de fonction”, nouveauté sortie du chapeau d’un DRH particulièrement créatif. Elle désignait le surcroît de rémunération qui avait été octroyé aux membres du comité de direction fin 2010. Cette trouvaille avait permis au patron de l’époque, Pierre Mariani, de bénéficier d’une prime de 200.000 euros qui, en venant s’additionner à son salaire fixe de 600.000 euros, lui permettait de conserver le même salaire que l’année précédente…

Souvenez-vous enfin du tollé provoqué un an plus tard à l’annonce du versement d’un coquet bonus (entre 25.000 à 45.000 euros) aux cadres de Dexia, alors qu’au même moment, il était demandé à leurs anciens collègues de Dexia Banque (aujourd’hui Belfius) de se serrer la ceinture.

Oui, Dexia, il faut le reconnaître, a un mauvais dossier ! Mais aujourd’hui, à l’image du roman de Balzac, le sujet d’indignation se réduit comme peau de chagrin. Le rappel par un journal français d’une information déjà parue un mois plus tôt n’aurait dû casser les pattes d’aucun canard. Trois personnes, dont certains étaient déjà membres de la haute direction de Dexia, Johan Bohets, Pierre Vergnes et Marc Brugière, sont nommées respectivement secrétaire général, directeur financier et responsable des risques. Ils rejoignent le comité de direction et voient leur salaire augmenté. Ils abandonnent leur statut de salarié et leur rémunération est fixée à 450.000 euros. C’est une augmentation, mais pas de 30 % comme on a pu le lire. C’est bien moins.

Deux questions dès lors. Un, l’augmentation est-elle justifiée ? Deux, le niveau de salaire est-il indécent ?

L’augmentation tout d’abord. Faut-il pousser de hauts cris lorsqu’un cadre perçoit un salaire plus élevé parce qu’il franchit un niveau supérieur et qu’il est, par exemple, nommé directeur financier d’un groupe dont le bilan atteint encore 230 milliards d’euros ? Contrairement à ce qu’on a pu dire, la gestion de la liquidation de Dexia n’est pas une sinécure. La comparer à celle de Royal Park Investments, la bad bank de Fortis, frise la mauvaise foi : RPI avait acquis ses actifs, des titres liés au marché immobilier, avec une forte décote. Il suffisait d’attendre un retour de l’immobilier à meilleure fortune pour dégager automatiquement des bénéfices…

La hauteur du salaire ensuite. Le montant évoqué de 450.000 euros bruts (une trentaine de pour cent de moins que ses prédécesseurs aux mêmes fonctions) est certes coquet, mais pas scandaleux. En Allemagne les managers de banques en défaisance peuvent aller jusqu’à 500.000 euros. L’indignation est d’autant moins pertinente qu’entre le moment où, à l’été 2012, Karel De Boeck a pris les rênes de Dexia et aujourd’hui, le haut management de Dexia est passé de 20 à six membres. Certes, on peut se demander pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour effacer les doublons et regrouper les fonctions. Mais la restructuration a permis de faire chuter la facture du management de 5,5 à 2,85 millions d’euros. Evidemment, cette nouvelle-là a moins d’allure. Quel est le journal qui se permettrait de faire sa une sur la réduction de 49 % du coût de management de Dexia ?

PIERRE-HENRI THOMAS

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