Des experts-comptables sous la menace de la mafia?

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Une nouvelle disposition anti-blanchiment en passe d’être votée ne protège plus suffisamment l’anonymat des conseillers fiscaux et experts-comptables. Trois questions à Bart Van Coile, président de l’Institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables.

1. D’où vient ce nouveau projet de loi ?

De la transposition en droit belge d’une modification européenne de la cinquième directive anti-blanchiment. L’objectif de la législation est que le registre UBO, qui recense les bénéficiaires effectifs d’une société ou d’une entité juridique, soit rempli de données de bonne qualité et que les entités assujetties y participent dans l’exercice de leur fonction.

2. Quel problème pourrait se poser à un expert-comptable qui signalerait une anomalie vis-à-vis du registre UBO ?

Dans le cas d’une situation problématique où il y a des indices de fraudes fiscales ou de blanchiment, l’expert-comptable devra effectuer deux déclarations. L’une à la CTIF (la cellule de traitement des informations financières) et une autre à l’administration pour rectifier le registre UBO. Dans la déclaration à la CTIF, l’anonymat est préservé. En revanche, la confidentialité de la personne qui dénoncera à l’administration n’est pas protégée et le déroulement de l’enquête est mis en danger. L’administration prend moins de précaution que la CTIF. En outre, dès qu’il y a une déclaration d’anomalie, l’administration informe le client pour l’inviter à se mettre en ordre. Si la personne suspecte reçoit une telle notification quelques jours après avoir vu son expert-comptable, elle n’aura pas de mal à faire le lien. Et si c’est une personne dangereuse, à menacer l’expert-comptable ou sa famille. Cette personne pourra aussi prendre des dispositions pour entraver une éventuelle enquête.

3. Quelle solution recommandez-vous ?

Nous avions contacté le cabinet des Finances et présenté une solution inspirée par celle en vigueur aux Pays-Bas. Elle prévoit que quand une déclaration pour blanchiment est faite, ce n’est qu’après la clôture du dossier que la CTIF avertit l’entité assujettie qui peut alors informer l’administration que les données du registre UBO ne sont pas correctes. A ce moment-là, le client ne représente plus une menace potentielle.

La majorité a cependant introduit un amendement qui renforce le secret professionnel de l’administration vis-à-vis de tiers et des procureurs mais n’empêche pas que l’administration envoie une requête de correction au client potentiellement dangereux ou à un homme de paille. Ces derniers se douteront d’où vient le signalement.

La majorité a indiqué que l’on ferait une évaluation par la suite. Mais entre-temps, des experts-comptables ou conseillers fiscaux pourront déjà avoir fait l’objet de menaces. Nous craignons que ce projet soit voté comme tel en séance plénière la semaine prochaine.

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