Trends Tendances

Déjà sept années de crises !

C’est dans une complète indifférence que les premiers tressaillements de ce qu’on appellerait la “crise des subprimes” se firent sentir en août 2006. Voilà donc sept ans que le monde occidental a trébuché sur lui-même.

Sept ans, c’est long. Cela marque la fin d’une époque, celle de l’insouciance d’une mondialisation qu’on croyait heureuse et qu’on avait confondue avec le siècle des colonies. Cela donne le temps de pulvériser les Bourses et les banques fragiles, de voir une économie s’effondrer et d’assister à une lévitation des dettes publiques. Cela permet aussi de s’interroger sur la finitude d’un modèle de croissance par endettement public et d’une monnaie unique qui ne convainc désormais plus la majorité des citoyens.

Sept ans, ça use aussi le verbe de ceux qui avaient jeté l’opprobre sur le système financier, tout en oubliant que les Etats complaisants ont aussi été dépassés par leur propre endettement. C’est aussi un terme suffisant pour attester que certains anciens responsables bancaires se sont égarés, non pas tant dans des stratégies hasardeuses que dans l’oubli de la responsabilité sociétale du bien commun qu’ils gèrent et fabriquent : la monnaie.

Sept ans, c’est aussi la numérologie biblique qui révèle un nouveau monde, celui de la jeunesse au chômage, alors que nos populations vieillissantes s’inquiètent de la protection de leurs avantages. C’est le moment de s’interroger sur la justice de nos sociétés, qui choisissent en Europe de privilégier le symbole monétaire au détriment du travail. Pourtant, n’est-ce pas impudique que de tolérer un chômage massif des jeunes, c’est-à-dire l’annihilation de toute la créativité et de l’entrepreneuriat, tout en imposant une mise à l’emploi des travailleurs âgés malgré l’immense basculement technologique qui, trop souvent, les dépasse ? Et n’y a-t-il pas quelque chose d’indécent, voire de complètement erroné, à imposer dans les pays du Sud, par froide surenchère politique de la Commission européenne, des contextes d’austérité au milieu d’une terrible récession ? Et finalement, est-ce correct de protéger une monnaie forte par un emploi faible, puisque l’austérité budgétaire conduit, dans les pays du Sud, à des taux de chômage supérieurs à ceux des années 1930 ?

Sept ans, c’est le temps de l’introspection. Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle transition qui est celle de l’inventivité technologique et de la libération de la créativité. Cette transition technologique sera celle de la jeunesse. Cette crise ne peut pas finir car elle est devenue elle-même le fil de l’histoire, c’est-à-dire l’interpellation continue du siècle précédent. Et c’est peut-être cela, la terrible leçon du choc de 2006-2013 : nous avons, pendant très longtemps, cru pouvoir nous raccrocher à une époque que seule la croissance d’après-guerre avait autorisée.

Sept ans et une crise qui ne finit pas, c’est le moment de tourner la page du 20e siècle.

Sept ans, c’est peut-être aussi le moment de poser la question des temps nouveaux et de constater qu’un univers moderne se dresse, sans qu’on l’ait pressenti, ni conjuré. Cet univers, qui ne pourra passer que par la jeunesse — à laquelle il faut sacrifier beaucoup — reste à réinventer. Partout, pour son bien-être ou sa liberté de pensée, la jeunesse revendique son autonomie. Nous ne pouvons pas l’ignorer.

BRUNO COLMANT, Prof. Dr. à la Vlerick School of Management et à l’UCLMembre de l’Académie Royale de Belgique

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content