Découvrez BICS, la filiale de Belgacom qui serait visée par la NSA

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D’après le Standaard, le véritable enjeu de l’espionnage de Belgacom se situe au niveau de BICS. Que fait cette filiale internationale du premier opérateur belge ?

Belgacom vient de le confirmer : des traces d’intrusion numérique ont été détectées au niveau de son système informatique. Une plainte a été déposée par l’opérateur pour hacking. Le parquet fédéral affirme se diriger vers une opération d’espionnage étatique. Tous les regards se tournent vers la NSA, l’organisme américain aux oreilles bien pendues.

D’après le quotidien De Standaard, à l’origine des révélations, Belgacom serait espionné depuis 2011. Les conversations téléphoniques internationales vers certains pays seraient particulièrement visées. Le quotidien flamand estime que les hackers seraient surtout intéressés par BICS, une filiale détenue à 57 % par Belgacom.

Pourquoi ? Tout simplement parce que BICS s’occupe de transport international de communications, un business dans lequel l’entreprise basée à Bruxelles est l’un des leaders mondiaux. Elle serait donc une porte d’entrée particulièrement séduisante pour des espions friands de communications internationales. Du côté de BICS, on tempère : ” Nous n’avons aucune indication permettant de dire que notre réseau télécoms, par lequel le trafic de communication est acheminé, a été touché par ces opérations d’espionnage. C’est notre système informatique interne, qui est intégré avec celui de Belgacom, qui est concerné par le hacking “, livre-t-on chez BICS.

Mais que fait BICS ?

Pour bien comprendre le business de BICS et l’impact potentiel d’un éventuel espionnage au sein de cet opérateur télécoms très particulier, responsable de l’acheminement d’un nombre gigantesque de communications téléphoniques et très actif au niveau international, replongeons-nous dans ses comptes. Peu connue grand public, la filiale de Belgacom affiche une croissance insolente depuis son lancement en 1997. BICS, pour Belgacom International Carrier Services, a vu son chiffre d’affaires progresser de 5,3 % en 2012, quand son illustre maison mère, qui détient 57,6 % des parts de l’entreprise, voyait ses revenus stagner (+ 0,007 %). Sur cinq ans, la progression de BICS est encore plus spectaculaire : + 37 %.

Comme les autres opérateurs télécoms, Belgacom est confronté à une diminution du volume des communications vocales, celle-ci n’étant pas encore compensée par la progression de la consommation de données mobiles. BICS, de son côté, est active sur un segment de marché connexe, exclusivement B to B et orienté vers l’international. Le core business de la filiale de Belgacom, c’est le transport de communications (voix ou données) d’un pays à un autre. L’entreprise a déployé un réseau physique de fibre optique afin de connecter les réseaux de la plupart des pays dans le monde. Pour les connexions intercontinentales, BICS a rejoint des consortiums d’opérateurs pour financer des infrastructures sous-marines.

Leader mondial

En tant qu’intermédiaire entre les opérateurs télécoms de différents pays, BICS se situe à une place stratégique pour profiter de l’augmentation du volume des communications vocales internationales et de la consommation de données mobiles (Internet et SMS) à l’étranger. En 15 ans, la filiale de Belgacom est devenue un leader mondial dans son secteur. “En termes de nombre de clients, nous sommes numéro un sur le data mobile, et numéro deux sur les communications vocales”, indique Daniel Kurgan, CEO de BICS. D’après le dernier rapport annuel de Belgacom, BICS a réalisé 1,645 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur les 6,462 milliards générés par le groupe Belgacom. Pas mal pour une structure qui emploie un peu plus de 400 collaborateurs dans le centre de Bruxelles, à deux pas du Sablon.

Si l’entreprise parvient à atteindre un tel chiffre d’affaires, c’est parce que le business de BICS est un business de volume. C’est mécanique : plus les volumes de communications transnationales sont élevés, plus la société voit ses revenus augmenter. Par contre, cette activité génère des marges extrêmement faibles. “Le secteur est très concurrentiel”, avance Daniel Kurgan. Les gros clients, c’est-à-dire les opérateurs comme SFR, Vodafone ou Deutsche Telekom, mettent les intermédiaires comme BICS en compétition constante. Les contrats sont réévalués de mois en mois, voire de semaine en semaine. Cela tire inévitablement les prix vers le bas et restreint considérablement les bénéfices. En 2012, BICS a ainsi dégagé 131 millions d’euros d’Ebitda, ce qui place la marge Ebitda à 7,9 %, quand le groupe Belgacom génère dans son ensemble 27,6 % de marge.

Le boom de l’Internet mobile

Pour poursuivre son ascension, BICS cherche de nouveaux relais de croissance. L’explosion du trafic de l’Internet mobile est une première opportunité. D’après une étude récente de Deloitte, les ventes mondiales de smartphones dépasseront le milliard d’exemplaires en 2013. Et le parc total de terminaux mobiles intelligents approchera les deux milliards d’ici la fin de l’année. Dans le même temps, la consommation de données mobiles sera quasiment multipliée par deux, d’après une étude de Cisco. Cette progression fulgurante du trafic de données se ressent déjà dans les chiffres de BICS. “Les revenus tirés des données mobiles ont augmenté de 20 % en 2012”, atteste Daniel Kurgan.

L’arrivée de la 4G, qui promet des vitesses de connexion équivalentes à l’ADSL fixe, devrait pousser les utilisateurs à consommer toujours plus d’Internet mobile, espèrent les opérateurs. BICS en profitera, dès lors que les clients utilisent leur forfait à l’étranger. Dans ce sens, le plafonnement progressif des tarifs de roaming au niveau européen, qui s’étend désormais aux connexions data, devrait jouer un rôle d’accélérateur.

Des clients inattendus

Une autre source de croissance se situe dans la multiplication des entreprises actives dans les télécommunications, qui auront toutes besoin de l’entreprise pour leurs communications internationales. BICS compte tout d’abord sur le développement des MVNO, ces opérateurs virtuels qui “louent” l’infrastructure mobile des opérateurs établis. C’est ce que fait Telenet avec le réseau Mobistar, avec un certain succès (plus de 500.000 clients). Ce type de client a besoin d’une solution clés en main pour tout ce qui concerne les appels internationaux. Contrairement aux gros opérateurs, qui négocient en direct leurs accords de roaming avec les opérateurs étrangers, les MVNO préfèrent acheter un package complet. C’est la raison pour laquelle BICS a signé un partenariat avec Proximus afin de proposer une offre incluant 400 accords de roaming. “Un MVNO nous achètera un nombre plus important de services qu’un opérateur classique. Nous pouvons ensuite l’accompagner dans sa croissance”, souligne Daniel Kurgan.

D’autres nouveaux clients, plus surprenants, frappent aujourd’hui à la porte de BICS. Il s’agit de géants comme Facebook, Google, ou Amazon, qui s’apprêtent à bousculer le marché des télécoms. Comment ? Tout simplement en offrant le même type de services que Skype. Cette filiale de Microsoft permet au consommateur de passer des appels via une simple connexion Internet, soit vers d’autres comptes Skype, soit vers des numéros fixes ou mobiles. Dans ce dernier cas, les acteurs comme BICS sont des points de passage obligés.

Facebook est déjà un client de BICS. Pour l’instant, le réseau social a besoin de l’entreprise belge pour des services assez mineurs, comme des envois de SMS à certains utilisateurs qui ont accepté d’en recevoir. Mais le potentiel est énorme, vu la position centrale qu’occupent ces multinationales du Web. Google, dont l’écosystème rassemble des millions d’utilisateurs, a déjà lancé Google Voice, un service plus ou moins comparable à Skype. Facebook teste aussi une solution d’appels via connexion wi-fi ou 3G pour les utilisateurs d’iPhone aux Etats-Unis. Apple pourrait même un jour devenir un opérateur mobile virtuel.

Ubiquité

“L’avantage de ces acteurs, c’est leur ubiquité, contrairement aux opérateurs télécoms, dont le business est majoritairement local”, explique le patron de BICS. Ces entreprises high-tech, que l’on appelle OTT (over-the-top), n’ont en effet que des clients internationaux. Toutes les communication émises par un OTT vers un réseau de téléphonie fixe ou mobile nécessitent l’intervention d’un intermédiaire comme BICS. Alors que dans son business “classique”, la filiale de Belgacom n’est active que sur le segment des communications internationales. Si les OTT s’imposent comme de véritables alternatives aux opérateurs télécoms, le business de BICS pourrait exploser.

Mais Daniel Kurgan garde les pieds sur terre. En 2013, le patron table sur une poursuite de la croissance et prévoit plusieurs dizaines de nouveaux engagements.

(Le présent texte contient des extraits d’un article paru le 28 mars 2013 dans Trends-Tendances).

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