Cybersécurité: une opportunité à saisir

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Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Les attaques en ligne à l’encontre de nos entreprises se multiplient. Des dangers qui recèlent aussi des opportunités pour les firmes belges spécialisées en cybersécurité. Encore faut-il qu’elles puissent les saisir.

Lorsqu’il s’est imposé pour permettre aux entreprises de continuer leurs activités malgré le confinement lié au covid, le numérique a apporté son lot de soucis supplémentaires. Les pirates s’en sont évidemment donné à coeur joie avec une hausse massive des attaques en tous genres. Voilà pourquoi la cybersecurité doit rester une priorité pour chaque entreprise. Car derrière les piratages ou cyberatta ques, se déclinent potentiellement une série de soucis particulièrement aigus.

De la paralysie des systèmes (et donc une cessation partielle ou totale des activités) à la perte de données, en passant par les pertes financières ou l’atteinte à la réputation, l’impact d’une attaque n’a rien d’anodin pour une entreprise. Pourtant, “trop peu de sociétés sont vraiment prêtes”, estime Jérémy Grandclaudon, project manager à l’Agence du numérique et responsable de CyberWal, coupole wallonne de cybersécurité. “L’hygiène de base en matière de protection n’est pas assez répandue, à savoir la mise en place d’un back-up, d’une politique de sécurité, etc. Même si elle est assez basique, il faut l’avoir et savoir où se trouvent les choses importantes comme les fichiers clients. Il faut aussi être capable de redémarrer si problème il y a. Ce sont les bases.”

Trop souvent, la cybersécurité est considérée comme une question technique compliquée avec un coût élevé, au lieu d’y voir une assurance contre des dangers potentiellement dévastateurs.

Peu d’actions

Selon le spécialiste, trop peu d’entreprises en Belgique ont vraiment pris des actions en matière de cybersécurité. Lionel de Wasseige, COO de la firme spécialisée Approach, confirme et souligne que “beaucoup d’entreprises sont conscientes qu’il y a quelque chose à faire mais ne comprennent pas pleinement le risque ; il faut encore assurer beaucoup de sensibilisation, notamment au niveau des boards“. Il existe d’ailleurs la notion de “ligne de pauvreté en matière de sécurité” en dessous de laquelle se trouvent toutes les entreprises, souvent des PME dont les capacités, les connaissances et services en matière de cybersécurité sont insuffisantes.

“Trop souvent, les managers et les membres du conseil considèrent la cybersécurité comme une question technique compliquée avec un coût élevé, note un rapport récent d’Agoria. Et cela au lieu d’y voir une assurance contre des dangers numériques potentiellement dévastateurs. Ce qui fait que de nombreuses firmes n’intègrent la cybersécurité que de manière minimale dans leur politique de risk management. Voire pas du tout.” Une situation étonnante en 2022 alors que le numérique est omniprésent dans la vie économique. Ce qui n’est pas sans impact sur le marché belge de la cybersécurité.

1,5 milliard

En euros, le poids du marché belge de la cybersécurité en 2021.

Ce créneau spécifique de l’informatique a d’ailleurs pour la première fois fait l’objet d’une étude d’Agoria, tout récemment dévoilée. On y découvre que le marché belge de la cybersécurité était évalué en 2021 autour de 1,5 milliard d’euros ; 441 entreprises y seraient actives, ce qui correspondrait à 6.400 postes.

“Il s’agit d’une industrie de services, précise Jérémy Grandclaudon. Les entreprises font majoritairement de la consultance et de l’intelligence. Peu développent des produits exportables ou de nouveaux standards, ce que l’on peut regretter car c’est un frein à l’exportation du marché. Mais cela peut aussi s’expliquer par la demande intérieure, qui est trop faible.”

La Wallonie en retard

Reste que le marché belge de la cybersecurité est en nette croissance actuellement et devrait continuer son évolution positive: pour la période 2021 à 2025, Agoria prévoit une croissance annuelle de 21,2%. Autant d’opportunités à saisir, même si tout n’est pas encore parfait. L’analyse des chiffres montre ainsi une nette différence entre la Flandre et la Wallonie. Le nord du pays compte 53% des entreprises actives dans le secteur, tandis que la Wallonie ne représente que 24% d’entre elles. Pire pour la Wallonie: 84% du business et des ventes sont réalisés en Flandre…

Pour doper le secteur, le sud du pays applique son dispositif habituel: les chèques entreprise qui participent au financement d’un diagnostic en matière de sécurité, de la mise en place d’un cahier des charges et de la politique de cybersecurité des entreprises. Une mesure d’aide qui cible les PME (moins de 250 personnes) qui font appel à des prestataires labellisés par la Région. Une intervention qui grimpe à 60.000 euros étalés sur trois ans.

Pénurie de talents

Autre gros point noir sur le marché de la cybersécurité: les talents. Comme l’ensemble du créneau du digital et des secteurs innovants, la cybersecurité belge fait face à une sérieuse pénurie de talents. Agoria a chiffré à 1.200 le nombre de profils manquants déjà aujourd’hui. Soit 16% d’emplois vacants que les entreprises peinent à dénicher. Et l’on ne parle que des entreprises actives exclusivement sur le créneau. A cela, il faut ajouter les profils “cybersécurité” demandés par des secteurs gourmands dans le domaine, comme les banques, la défense ou les autorités publiques. D’après Agoria, ce seraient 4.000 postes en attente de talents.

Une problématique à laquelle il faut ajouter celle du genre: comme pour la plupart des métiers technologiques et numériques, les profils actuels sont essentiellement masculins. Peu de femmes s’engagent malheureusement dans la voie de la cybersécurité. Des initiatives sont menées pour remédier à ce manque de profils, par exemple des sensibilisations auprès des étudiants ou des concours comme le récent Capture The Flag, challenge informatique organisé à Charleroi dans le cadre de la Cybernight et qui pousse des jeunes dans des défis de sécurité.

Centre d’excellence

Et l’apparition de créneaux spécifiques dans le domaine de la cybersécurité pourrait avoir un effet porteur. Des thématiques émergent sur ce créneau. Ainsi, le marché a bien accueilli l’annonce du développement d’un centre d’excellence pour la cybersécurité dans l’univers spatial. On apprenait voici un an que l’Agence spatiale européenne ouvrait son Space Cyber Security Centre of Excellence à Redu. Un investissement de l’ordre de 30 millions d’euros d’ici 2025. Cela devrait permettre l’éclosion d’un nouvel écosystème spécialisé et attractif… Surtout que nos politiques ont décidé de mettre le paquet sur la cybersecurité, y compris avec des budgets, que ce soit le secrétaire d’Etat Thomas Dermine via le Plan de relance ou la ministre Ludivine Dedonder pour la Défense qui entend jouer un rôle en la matière et affiche la carte des partenariats avec les entreprises. De bon augure, si l’on trouve des talents…

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