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Votre épargne et le marketing de la peur de l’inflation

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Si vous ne vous occupez pas de l’économie, l’économie s’occupera de vous. C’est d’ailleurs une vérité éternelle qu’ont redécouvert les citoyens avec le retour de l’inflation.

Bien entendu, l’inflation, tout le monde en a peur et cherche à s’en protéger. Les plus motivés sont ceux et celles qui ont de l’argent et qui voient le pouvoir d’achat de leur épargne fondre comme neige au soleil – ce qui, en soi, est déjà une business.

Je suis abonné à une lettre d’information financière française et les auteurs de cette lettre sont des as du marketing. Ils ont compris que l’inflation était corrosive et donc pour inciter les abonnés de cette lettre d’information à s’inscrire à un événement en ligne, censé leur expliquer comme éviter la déconfiture de leur épargne, ils ont mis en place une sorte de compteur en direct.

Ce compteur tourne en boucle sur leur site : il part du principe que vous aviez 100.000 euros sur un compte au 1er janvier 2022, et ce même compteur vous montre qu’avec l’inflation, vous n’aurez plus que 93.311 euros le 16 janvier prochain pour citer une date au hasard. Donc, dans le cas présent, demain, votre épargne aura perdu un bon 7.000 euros. Cela fait mal au coeur et au portefeuille bien entendu. Et encore, en Belgique, le montant perdu serait encore plus élevé car notre inflation est plus élevée qu’en France. Bref, le message subliminal, c’est bougez-vous, faites fructifier votre épargne sans quoi, elle va fondre et sérieusement.

En Belgique, certains épargnants risquent d’être leurrés par les dernières annonces des banques locales. Vous savez qu’en Belgique, la plupart des banques ne donnent que du 0,11% de rendement sur les comptes d’épargne. Et encore, c’est parce que c’est le taux minimum légal, sinon elles n’auraient pas hésité à ne rien donner, vu que pendant des années les rendements sans risque étaient proches de 0%.

Mais voilà, il y a du changement depuis quelques jours, et la plupart des banques belges annoncent des hausses du rendement de leurs comptes d’épargne. Rien de terrible, dans les meilleurs cas, on frôle le 1% de rendement ce qui est risible quand l’inflation flirte avec la barre des 10%. C’est encore plus risible quand on sait que ces hausses de rendement sont assorties de tellement de conditions, qu’en réalité, ce sont des leurres. Dans beaucoup de cas, la hausse est en trompe l’oeil, car c’est la partie prime de fidélité qui a surtout augmenté. Or, comme vous devez le savoir, cette prime de fidélité (qui porte bien son nom) vous ne pouvez l’encaisser que si vous ne touchez pas à votre épargne pendant un an. Autrement dit, si vous sortez ne serait-ce qu’un euro de ce compte durant l’année, vous perdez votre prime de fidélité.

Dans d’autres cas, la hausse du rendement est liée au fait qu’il faut ouvrir un nouveau compte bancaire. Et c’est là où j’en reviens au marketing extraordinaire de cette lettre d’information française. En fait, elle dit quoi ? Que notre épargne est gangrenée par l’inflation, que la France est en phase terminale, mais que grâce à l’économiste qui va prendre la parole durant ce webinaire, on va découvrir un plan en 4 étapes pour sauver ce qui peut encore être sauvé et sans rien changer à notre vie. C’est magnifique ! Ah oui, comme ils ont des milliers d’abonnés, ces as du marketing rappellent qu’il n’y a que 1000 places disponibles…

C’est beau – ça, c’est du marketing – les uns font peur pour vendre leurs solutions, et les autres communiquent sur des comptes bancaires en trompe l’oeil.

Vous voyez, l’inflation est aussi un business : le business de la peur, et la peur fait toujours vendre. C’est un grand classique. D’ailleurs, les investisseurs le savent bien, les marchés baissiers sont une somme de peurs, les marchés haussiers une somme d’erreurs, et tous détestent l’incertitude.

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