Une échappatoire à la taxe compte-titres?

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La question se pose : répartir ses avoirs dans plusieurs banques permet-il d’échapper à la nouvelle taxe sur les comptes-titres ?

Alors que le texte du projet instaurant une nouvelle taxe annuelle sur les comptes-titres vient d’être approuvé en commission des Finances, certains se posent la question de savoir s’il n’est pas possible d’éviter la taxe en saucissonnant ses comptes.

Pour répondre aux critiques du Conseil d’Etat et éviter une nouvelle annulation par la Cour constitutionnelle, comme cela avait été le cas pour la précédente taxe mise en place par le gouvernement Michel à partir de 500.000 euros, ce projet de taxe 2.0 concocté par notre grand argentier ne parle plus en effet d’un impôt sur la fortune mais d’une taxe d’abonnement (de 0,15 % visant le compte et non son ou ses titulaires). “Seule la valorisation du compte est déterminante, confirme Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste au cabinet Bloom Law, le nombre de titulaires étant sans importance. Autrement dit, si une même personne détient dans des banques différentes plusieurs comptes-titres dont la valeur est inférieure à un million d’euros, elle ne sera pas redevable de la taxe.” Quand bien même la valeur totale de ces mêmes comptes-titres serait supérieure à un million d’euros.

Scissions de comptes

Pour éviter les abus, et que certains ne passent au travers des mailles du filet en “saucissonnant” systématiquement leurs comptes, le gouvernement a toutefois prévu un garde-fou, ce que les spécialistes comme Denis-Emmanuel Philippe appellent une mesure anti-abus. Un des articles du projet de loi stipule en effet que la scission d’un compte-titres en plusieurs comptes-titres opérée à partir du 30 octobre 2020 est “inopposable au fisc” lorsqu’elle a lieu auprès d’une même banque, voire auprès d’une autre banque. La scission d’un compte ne permettrait donc pas d’échapper à la taxe.

Il est possible de désactiver la mesure anti-abus en justifiant le ‘saucissonnage’ d’un compte-titres par des motifs non fiscaux tels que des donations à ses enfants ou une sortie d’indivision.

Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law)

Faut-il en conclure que toutes les scissions de comptes-titres sont vouées à l’échec ? “Non, estime Denis -Emmanuel Philippe. La nouvelle disposition générale anti-abus vise à contrecarrer les tentatives de détenteurs de comptes-titres cherchant à se placer sciemment en dehors du champ de la taxe, tout en poursuivant le même objectif d’investissement. Il est par contre possible de désactiver la mesure anti-abus en justifiant ce ‘saucissonnage’ par des motifs non fiscaux tels que des donations à ses enfants ou une sortie d’indivision (suite à un décès, une séparation, une mésentente entre co-indivisaires, etc.). La scission d’un compte-titres pourrait aussi être admise, si elle conduit à une diversification dans la gestion des actifs et à une répartition prouvée et sérieuse du risque.”

Plus simple encore, le fait de transférer une partie de ses titres pour mettre deux ou plusieurs banques en concurrence, pour cause par exemple de mauvaise performance ou de tarifs trop élevés, pourrait également être une des raisons autres que fiscales tout à fait valable pour scinder son compte-titres dès lors qu’on en confie la gestion à la banque. Certains contribuables iront-ils dès lors faire quelques infidélités à leur banquier pour se soustraire à la taxe et priver au passage l’Etat d’une partie des quelque 400 millions d’euros de rentrées fiscales qu’il en espère ? L’avenir le dira.

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