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Ukraine, Bourse et mémoire de poisson rouge

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Si vous étiez coupés des médias et que vous ne vous intéressiez qu’à la Bourse, fin de semaine dernière, vous auriez pu penser légitimement que la guerre en Ukraine était terminée.

Bizarre à dire comme ça, mais sinon comment expliquer que la plupart des indices boursiers en Europe ont clôturé la semaine dans le vert ? Les commentateurs les plus réalistes vous diront que la Bourse est irrationnelle surtout dans des moments pareils de forte nervosité. Mais bon, le cerveau humain n’accepte pas ces explications trop simples et donc nous avons eu droit à quelques tentatives d’explication. L’une consiste à dire que le rebond boursier se justifie parce qu’il y a des espoirs d’une issue pacifique à ce conflit. Le président ukrainien a, en effet déclaré qu’il était prêt à ce que son pays ne soit plus candidat à entrer dans l’OTAN. L’autre explication consiste à se focaliser sur la rencontre en haut lieu entre des représentants des deux pays en guerre en Turquie. Pourtant, ces discussions n’ont mené à rien, mais soit. D’autres encore, nous disent que c’est parce que l’OPEP a augmenté sa production pour compenser les embargos sur le pétrole russe, d’où la baisse de 10% du prix du baril. A vous de voir si ces explications sont assez sérieuses pour justifier le rebond boursier en pleine guerre aux portes de l’Europe.

Ce qui est aussi intéressant à noter, c’est que les marchés financiers sont aussi rassurés, car ils ont compris qu’ils n’étaient pas dans une situation inconnue. Alors que le COVID était une situation inédite et que nous y avons répondu avec des armes monétaires inédites, la guerre en Ukraine n’est hélas pas inédite pour les marchés financiers. Au-delà du drame humain intolérable que nous vivons en ce moment, son impact en Europe est surtout économique vu que nous avons décidé de ne pas participer directement à cette guerre. Et son impact, c’est la hausse de l’inflation due à la hausse du prix du gaz et du pétrole. Or, justement, les marchés financiers ont connu des chocs similaires en 1973 avec le premier choc pétrolier, puis un deuxième en 1979 et puis un troisième en 1990 durant l’invasion du Koweït par l’Irak. A l’époque, face à ce choc pétrolier, la circulation automobile avait été interdite le dimanche en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne. Actuellement, nous sommes encore loin de ce scénario notamment parce que nous sommes moins dépendants du pétrole pour la production d’électricité. Mais c’est vrai que si nous avions démarré la transition énergétique plus tôt, nous serions nettement moins dépendants de la Russie, alors qu’aujourd’hui chaque fois que nous faisons le plein ou chauffons nos maisons, nous finançons indirectement la guerre de Vladimir Poutine.

“La vie disait un humoriste américain, c’est ce qui nous arrive quand nous avions prévu autre chose”. Regardons les choses avec recul, et que constate-t-on ? Que le coronavirus a changé notre regard sur le travail, sur l’équilibre vie privée et professionnelle. La guerre en Ukraine va nous permettre d’accélérer notre indépendance énergétique, tout en rappelant aussi aux jeunes que la guerre en Europe, ce n’est pas seulement dans les livres d’histoire et donc un discours de vieux. Les jeunes, et d’ailleurs les autres tranches d’âge également, viennent de comprendre la raison d’être de l’Union européenne. Nous éviter de nouvelles guerres fratricides. Et ce rappel, ce sont malheureusement les citoyens ukrainiens qui en paient le prix fort.

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