Taxe Tobin : l’éternel retour

© REUTERS/Philippe Wojazer

Après la Commission européenne en juin, le couple Merkel-Sarkozy vient de relancer l’idée d’une taxe sur les transactions financières. Un projet régulièrement évoqué depuis 10 ans et tout aussi régulièrement rabattu. A-t-il, cette fois, une chance de passer ?

En Europe, deux faits récents laissent croire que le dossier d’une taxe sur les transactions financières avance. Le premier remonte au 29 juin. La Commission européenne, jusque-là très frileuse, retient une telle idée dans sa programmation budgétaire 2014-2020. C’est que l’UE manque de ressources propres et que le système de financement par contributions des Etats membres a atteint ses limites, vu l’austérité.

En second lieu, le 17 août, alors que la crise de l’endettement reste vive, que la croissance s’essouffle et que le redressement des finances nationales tourne au casse-tête, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se mettent d’accord sur de nouveaux remèdes. Au menu, est évoquée là aussi une Financial Transaction Tax (FTT). Enfin, le duo charge seulement ses ministres des Finances respectifs d’en définir des modalités “pour la fin septembre”.

Alors, l’initiative a-t-elle, aujourd’hui plus qu’hier, des chances de se concrétiser ? Du côté académique, Eric De Keuleneer, professeur à Solvay Brussels School, retient surtout que le couple franco-allemand a voulu occuper le terrain dans un contexte d’une grande nervosité des marchés. Assez maladroitement, d’ailleurs. “Les deux dirigeants n’ont absolument rien avancé de concret sur cette taxe. Or, des propositions, on en a déjà vu fleurir des dizaines. Cette fois, il faut aller plus loin. Dire comment on va la mettre en pratique. Sinon, tout cela se réduit à du pur électoralisme. De la poudre aux yeux.”

C’est que, depuis 2008, les dirigeants internationaux ont beaucoup parlé de “régulation de la finance” sans concrétiser grand chose. De plus, des éléments politiques jouent. Nicolas Sarkozy doit se profiler pour l’élection présidentielle de 2012 et Angela Merkel doit amadouer une opinion qui supporte de moins en moins de voler au secours des pays de la périphérie de l’euro.

Du côté des banques, la déclaration Merkel-Sarkozy est, au contraire, “prise très au sérieux”. “On ne peux pas imaginer qu’un tel projet ait été lancé à la légère, déclare Michel Vermaerke, administrateur délégué de la Febelfin. Pour autant, deux problèmes vont devoir obligatoirement être réglés. “D’abord, définir effectivement les modalités. Quel taux ? Quelle base imposable ? Quels effets sur l’économie ? Quels effets sur les banques ? Ensuite, recueillir un consensus des 27 Etats membres. Une telle taxe n’a de sens que si elle est établie, au minimum, au niveau européen, pour éviter une délocalisation des transactions. Or, des réticences se sont déjà exprimées.” En gros, sont contre : le Royaume-Uni (qui abrite la City), la Suède (qui a déjà mis en place une telle taxe entre 1984 et 1991) et les pays de l’Est (qui sont attachés à leur libéralisme).

Du côté des défenseurs d’une telle taxe, on juge qu’il y a une certaine avancée. “Au Bundestag, la FTT fait l’objet d’un consensus assez large, témoigne Philippe Lamberts, député européen Ecolo. Angela Merkel est donc sincère en la défendant. Nicolas Sarkozy lui a définitivement emboîté le pas. Mais la vraie nouveauté, réside dans le support de la Commission européenne. C’est un vrai revirement. En plus, la Commission est déjà bien avancée sur un projet.”

Mais quid alors de l’objection concernant l’unanimité ? Pour Philippe Lamberts, tout cela pourrait se jouer lors des discussions pour le prochain budget de l’Union à l’automne. “Il est possible que Berlin et Paris proposent à Londres de prolonger son rabais (au financement de l’UE) en échange de la taxe.” Le bras de fer attendu se transformerait alors en marchandage.

JEAN-CHRISTOPHE DE WASSEIGE

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