Stress tests : ne tremblez pas, banquiers

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A l’analyse, l’examen auquel les banques européennes sont soumises n’est pas si sévère. Les régulateurs ont “oublié” d’envisager une entrée de la zone euro en déflation, ou la défaillance d’un Etat.

L’EBA, l’autorité régulatrice de banques européennes, a dévoilé mardi les règles des tests auxquelles les banques se préparent depuis des mois.

Les précédents examens avaient été largement critiqués en raison de leur inefficacité. On se souvient encore que Dexia avait passé largement ces tests de résistance à l’été 2011, au moment même où, dans le secret, les autorités belges et françaises commençaient à négocier le démantèlement d’un groupe qu’elles savaient condamné.

Cette fois, les 128 établissements concernés par l’examen devront, pour le réussir, présenter un ratio de fonds propres “durs” (core equity tier one, dans le jargon) de 8%. Et même soumis à une crise financière mondiale, ils devront pouvoir présenter un ratio de 5,5%. Sur le papier, ce sont des objectifs sévères (le scénario précédent ne réclamait qu’un minimum de 5%). Cependant, dans la réalité, les établissements concernés présentent déjà aujourd’hui, en moyenne, un CET1 de 11%.

Mais pour jauger de la valeur du test, il faut se pencher sur le scénario de crise qui a été envisagé, et au terme duquel, donc, malgré les dépréciations et les pertes, les banques devraient encore conserver des fonds propres représentant 5,5% de leurs engagements.

La crise envisagée est sévère : le gendarme bancaire imagine dans l’Union européenne deux années de récession (-0,7%, puis -1,5%) suivie d’une “non reprise , soit une croissance quasi nulle (0,1%). Il imagine notamment un choc immobilier, avec une chute des prix des logements sur trois années consécutives : – 7,9%, -6,2%, -2,1%. La crise n’épargnerait pas les pays émergents (l’EBA imagine une forte dépréciation des devises turque, indienne, brésilienne, indonésienne…), ni les marchés obligataires (le taux sur 10 ans passerait en moyenne dans la zone euro de 2,8% à 4,3% ). Cette remontée des taux n’épargnerait même pas les obligations allemandes et américaines, hypothèse qui, dans les tests des années précédentes, n’avait même pas été envisagée.

Des “oublis” bizarres

Alors, tremblez banquiers ? Pas si sûr. Car la grande critique, une fois encore, est que ce scénario noir paraît très peu réaliste. D’abord, en cas de crise mondiale, il serait étonnant que les obligations que sont les Bunds allemands ou les treasuries américains subissent une hausse de leur rendement. Ce serait plutôt l’inverse, toutes les liquidités mondiales devraient venir s’y réfugier.

Mais surtout, ce scénario “oublie” les deux risques majeurs qui planent sur les banques. Le premier, c’est la déflation. Le scénario de crise de l’EBA fait encore état d’une inflation positive : sur les trois années de crise économiques sévère qu’il suppose, la hausse des prix serait de 1%, puis 0,6%, puis 0,3%. Rappelons que l’inflation moyenne dans la zone euro n’est que de 0,5% aujourd’hui. Et nous ne sommes pas en récession !

Autre cadeau aux banques européennes : le stress test n’imagine pas un défaut d’un pays européen. Pourtant, comment un pays comme la Grèce pourrait encore rembourser sa dette qui fait 175% de son PIB si ses taux flambent de 400 points de base et si son PIB est en chute libre ?

Au final, donc, ces stress tests, qui font figure d’épouvantail, restent un exercice fort éloigné de la réalité. C’est dommage pour leur crédibilité.

Pierre-Henri Thomas

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