Sabrina Scarna, avocate fiscaliste (Tetra Law): “On renforce l’idée d’une levée du secret bancaire”
Selon la Cour des comptes, il y aurait 44 milliards d’argent noir en Belgique. Un chiffre qui ne veut pas dire grand grand-chose, selon l’avocate fiscaliste, mais qui soutient l’idée d’un accès direct aux comptes bancaires par le fisc.
1. Un récent rapport de la Cour des comptes sur les quatre DLU (déclarations libératoires uniques) mises en place depuis 2004 suscite la polémique. Plus de 40 milliards d’argent noir dormiraient sur les comptes bancaires en Belgique. Info ou intox ?
Mathématiquement, ce chiffre de 44 milliards ne tient pas nécessairement la route. A mon sens, c’est plutôt un ordre de grandeur. Il s’agit d’une extrapolation faite au départ des capitaux régularisés dans le cadre la DLU quater. La Cour estime que pour chaque euro de revenus mobiliers régularisés dans le cadre de cette DLU quater, entre 10 à 12 euros de capitaux sous-jacents fiscalement prescrits ont été régularisés. En rapportant ce levier aux quelque quatre milliards d’euros de revenus mobiliers régularisés à la faveur des trois opérations de régularisation permanentes (DLU bis, DLU ter et DLU quater), elle arrive à un montant de capitaux sous-jacents de 44 milliards d’euros, dont seuls 2,5 milliards ont été régularisés. Mais en soi, ce chiffre n’a pas tellement d’importance. Ce qui compte, c’est de savoir si cet argent est nécessairement noir ou pas. Et là, la réponse est non.
2. Que sont alors ces fameux 40 milliards convoités par l’Etat ?
Avant la DLU ter, il n’était pas possible de régulariser des capitaux prescrits. La Cour des comptes reconnaît que ces capitaux fiscalement prescrits n’étaient pas régularisables mais semble néanmoins plaider pour un rattrapage du passé, c’est-à-dire pouvoir soumettre à un prélèvement les capitaux sous-jacents non régularisés dans le cadre de la DLU ter mais aussi de la DLU bis. Sous-entendu, il est peut-être possible d’aller récupérer de l’argent sur des capitaux qui n’étaient pourtant pas visés. On tente donc de faire rétroagir les choix opérés par le législateur. C’est insupportable ! Un Etat de droit ne peut pas fonctionner de cette manière-là. Cela revient à manger sa parole et à violer la sécurité juridique.
3. Certains contribuables ont-ils du souci à se faire ?
Le rapport pointe du doigt les lacunes de la DLU quater qui ont eu pour effet que les recettes obtenues ont été 50 % inférieures aux recettes attendues. Les contribuables qui ont encore de l’argent non déclaré à l’étranger savent en effet qu’il est aujourd’hui très compliqué de le rapatrier. Quant à ceux qui auraient déjà pu rapatrier les fonds régularisés par le passé ou qui auraient de l’argent noir en Belgique, ils doivent bien comprendre que l’argument de vente sous-jacent du rapport semble bien être de renforcer l’idée d’une levée totale du secret bancaire en Belgique.
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