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Quand un éditorialiste du Financial Times avoue qu’il a sciemment occulté une information importante

Dix ans après la faillite de Lehman Brothers, un journaliste du Financial Times a avoué qu’il n’avait pas tout dit de crainte de faire peur aux lecteurs. Le problème, c’est que s’il a occulté certaines informations, il a en revanche mis son épargne à l’abri.

Il paraît qu’une faute avouée est à moitié pardonnée. Mais est-ce le cas, quand un éditorialiste bien connu du Financial Times avoue, dix ans après la crise, qu’il a sciemment occulté une information importante deux jours après la faillite de la fameuse banque Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Ce jour-là (un mercredi), John Authers, l’éditorialiste du Financial Times, apprend que l’assureur américain AIG a été renfloué de 87 milliards de dollars par l’Etat américain. Il valait mieux le faire, car une faillite d’AIG aurait entraîné la faillite de nombreuses banques européennes. La veille, soit le mardi soir, ce même éditorialiste avait appris qu’un fonds monétaire avait subi des pertes énormes suite à la faillite de Lehman Brothers. Là encore, la faillite de ce fonds monétaire était une menace directe pour les grandes banques de Wall Street. A l’époque, deux jours après la faillite de Lehman Brothers, la tension était tellement grande que les obligations d’Etat américaines à 2 ans étaient au plancher. Autrement dit, tout le monde voulait se protéger et achetait donc de la dette américaine même si celle-ci ne rapportait rien. Pendant ce temps, le grand public n’est pas vraiment au courant. Mais les initiés, dont fait évidemment partie cet éditorialiste du Financial Times, savent que le système bancaire mondial est sans doute à deux doigts d’imploser. Et que fait notre éditorialiste ? Il descend durant la pause déjeuner à sa banque, Citi. Son objectif est de retirer une bonne partie de ses dépôts, car il sait que les dépôts bancaires ne sont couverts qu’à hauteur de 100.000 dollars. L’idée est de transférer cet argent dans une autre banque. Mais il n’est pas le seul à faire la queue. D’autres banquiers comme lui font également la queue et pour la même raison que lui. Ils sont calmes, mais eux savent ce qui se passe réellement à ce moment-là. L’employée de banque est visiblement au courant et leur demande poliment de ne pas transférer leur argent dans une autre banque. Elle leur demande s’ils sont mariés et s’ils ont des enfants ? Si c’est le cas, elle fractionne simplement les dépôts au nom du mari, de sa femme et de chacun de ses enfants. Comme l’avoue l’éditorialiste du Financial Times, il n’avait plus à s’inquiéter pour son épargne puisque la barre des 100.000 dollars n’était plus dépassée et que désormais ses dépôts étaient garantis par le gouvernement américain et non plus par sa propre banque.

Le même éditorialiste a avoué qu’il n’avait pas parlé de cette panique bancaire dont seuls les initiés étaient au courant, car il avait eu peur d’aggraver encore plus la situation. Autrement dit, il avait l’impression que s’il publiait sa propre expérience, cela entamerait encore plus la défiance des citoyens envers le secteur bancaire. Sur ce point-là, au moins, il avait raison : le Financial Times n’est pas n’importe quel journal, c’est la bible mondiale des affaires et ses informations sont considérées comme très fiables ! Notre éditorialiste a donc estimé qu’en parler dans son journal revenait à crier au feu dans une salle de cinéma bondée. Bref, que c’était dangereux.

Depuis qu’il a publié cet aveu, ce journaliste qui a 30 ans de maison au Financial Times a été traité de tous les noms par des lecteurs du monde entier. Les uns le comparent au capitaine du Titanic qui voyant le danger sort le bateau de sauvetage et laisse l’équipage et les passagers en plan. D’autres lui ont dit que son attitude était à vomir. D’autres se disent qu’il a certes avoué, mais uniquement parce que depuis lors le système bancaire n’a pas implosé. Mais aurait-il fait le même aveu si les choses s’étaient mal passées ? Aurait-il dit à ses lecteurs que lui avait mis à l’abri son épargne pendant que ses lecteurs voyaient leur épargne partir en fumée ? La question reste posée et elle met en danger la confiance envers les médias y compris les plus sérieux. C’est également un beau débat sur l’éthique de l’information : faut-il tout dire ou au contraire faut-il parfois occulter la vérité pour ne pas aggraver une situation ? Le débat est toujours d’actualité, d’autant qu’avec les réseaux sociaux, l’éthique est aussi épaisse qu’un string, ce qui est encore moins rassurant.

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