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Quand les marchés se rebiffent

Ceux qui estiment qu’il faudrait supprimer les marchés ne feraient que tuer le messager, sans s’occuper du message.

On a beaucoup critiqué les marchés financiers. Ils ont en effet beaucoup à se faire pardonner. Les excès, l’avidité, le cynisme de certains agents ont mené à des chocs dont nous nous serions bien passés. Toutefois, il ne faudrait pas, en raison de ces errements qu’il faut continuer à combattre en menant une guerre régulatoire sans merci, considérer que les marchés sont futiles et leur rôle inutile. Oui, on peut douter que les marchés soient toujours le lieu où l’on alloue le mieux les ressources. Mais tout imparfaits qu’ils sont, ils permettent de récolter l’épargne et de financer des projets, même si ce n’est pas toujours de manière optimale. Et ils émettent des signaux.

Comme celle d’une foule, la réaction des marchés est souvent émotive, parfois irrationnelle, mais il est toujours regrettable de ne pas en tenir compte. Il a fallu quelques heures à la City pour sonner le tocsin contre le mini-budget de Liz Truss et son inanité financière et sociale. Le message a été percutant: effondrement de la livre sterling, chute des cours des entreprises britanniques, taux remontant en flèche nécessitant l’intervention d’urgence de la Banque d’Angleterre, ébranlement du système de retraite. Liz Truss n’aura tenu que 45 jours. On pourrait s’étonner: la City vent debout contre les baisses d’impôts des plus riches et le déplafonnement des bonus? Ce n’est pas si paradoxal: ces mesures ineptes risquaient de mettre à feu et à sang une économie déjà bien affaiblie par le covid et le Brexit.

“Les marchés sont devenus fous”, a-t-on entendu lors de la crise de l’énergie cet été. Oui, les prix s’envolaient, mais ils réagissaient simplement au fait que lorsqu’on a, pendant des décennies, imprudemment construit sa prospérité sur une fourniture de gaz à bon marché en provenance de Russie, on ne peut pas changer de politique industrielle en une semaine. La folie des marchés de l’énergie a sûrement enrichi des spéculateurs mais elle a surtout incité à investir massivement et vite dans d’autres formes d’énergie pour assurer ce qui peut encore l’être de la souveraineté et de la compétitivité industrielle de l’Europe. Ce “signal” a agi avec beaucoup plus d’efficacité ou de force que 100 conseils des ministres européens de l’Economie.

Et aujourd’hui, alors que les banques centrales relèvent leurs taux pour contrer une inflation pourtant en grand partie importée, on voit aussi poindre des signaux de la part des marchés qui estiment cette politique extrêmement dangereuse et commencent à le faire savoir.

Lorsque les marchés se rebiffent, c’est rarement pour rien. Ceux qui estiment qu’il faudrait les supprimer ne feraient que tuer le messager, sans s’occuper du message. Nous avons certes besoin d’investissements de long terme impliquant une meilleure coopération entre entreprises et Etat. Mais une économie en grande partie planifiée, dans les temps compliqués que nous vivons, ne ferait pas mieux qu’une économie de marché (regardez vers Pékin…). La rébellion des marchés, si l’on en tient compte, peut d’ailleurs conduire à de belles réussites.

Prenez la Grèce. Si tout le monde pointe aujourd’hui l’Allemagne du doigt, peu ont la curiosité de regarder ce qui se passe du côté du Péloponnèse. Or, voici quelques jours, la Grèce a pour la première fois réussi à couvrir l’intégralité de ses besoins électriques grâce aux seules énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique). Net zéro! Un tour de force qui est le résultat d’un virage amorcé en 2013, lorsqu’Athènes, exclue des marchés, avait été obligée d’écouter le message et de se retrousser les manches.

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