Pourquoi le pétrole bon marché ne booste plus l’économie mondiale

A general view shows a lake of oil at Al-Sheiba oil refinery in the southern Iraq city of Basra, January 26, 2016. © REUTERS
Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Selon la théorie économique, une forte chute du prix du pétrole est une bénédiction pour la croissance mondiale. Ce n’est plus évident aujourd’hui.

Où est le coup de fouet de la forte chute des prix pétroliers ? Pourquoi l’économie mondiale continue-t-elle à peiner malgré le crash de l’or noir ? Selon la théorie économique, une forte diminution du prix du pétrole est pourtant une bénédiction pour la croissance mondiale. Mais alors que le prix du pétrole chutait de 50% l’an dernier, les perspectives de croissance pour 2016 ont uniquement été révisées à la baisse. La combinaison exceptionnelle d’un pétrole bon marché et d’une économie qui s’affaiblit ne s’est produite qu’une seule fois: pendant la Grande Dépression des années trente. Cela en dit long sur ce qui est à l’oeuvre.

Le prix du pétrole ne décide pas seul du destin de l’économie mondiale. Le vieillissement, les maigres bénéfices de production, le surendettement, les préoccupations concernant la Chine et les autres pays émergents, les tensions géopolitiques, l’Union européenne qui se détricote, le déficit en investissements publics et en réformes structurelles, les taux d’intérêt négatifs: la liste des préoccupations est longue. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), l’économie mondiale croît trop lentement pour rester stable. Le pétrole bon marché a probablement empêché le pire, mais il est également devenu une source supplémentaire d’inquiétude et d’instabilité.

Il y a trop peu de confiance en l’avenir pour délier les bourses

Sur papier, le coup de fouet est pourtant impressionnant. Le FMI estime ainsi que la Belgique a vu son pouvoir d’achat grimper d’un bon 1% du produit intérieur brut en 2015 du fait de la diminution de moitié du prix du pétrole. C’est un cadeau d’environ 5 milliards d’euros. Grâce à la baisse de la facture énergétique et aux premiers effets de hausse de la compétitivité, le pays vit à nouveau en conformité avec sa condition, car le léger déficit de la balance commerciale a disparu. Le déficit public de la Belgique, qui vit au-dessus de ses moyens, est financé par le secteur privé belge, qui vit en dessous de sa condition. En fonction de leur consommation nette, la majorité des pays importateurs de pétrole ont un bonus similaire. Cela donne un double coup de pouce à l’économie occidentale. La diminution des coûts de production crée un choc positif de l’offre: pour le même prix de revient, on peut produire plus. Et si ce bonus est dépensé, ces suppléments de dépenses propulsent l’économie en avant.

‘Si’ est ici le mot essentiel. En occident, les consommateurs et les entreprises ont tendance, ces dernières années, à épargner ces petits extra, pour réduire leurs dettes, mettre un peu plus d’argent de côté pour leurs vieux jours, ou simplement pour se constituer des réserves supplémentaires par crainte de la liste des préoccupations détaillée plus haut. Il y a trop peu de confiance en l’avenir pour délier les bourses. Et à cela, les cheikhs du pétrole ne peuvent pas y changer grand-chose. Pour les mêmes raisons, un éventuel ‘helicopter money’ n’aura pas beaucoup d’effet. Les gens ramasseront l’argent pour le mettre sur leur compte. Par extension, c’est pourquoi l’ensemble de la politique expansionniste des banques centrales est relativement impuissante. Elle s’avère utile pour que les choses ne s’écroulent pas, mais c’est peu efficace pour créer une vraie reprise.

En pleine figure

Entre-temps, les pays exportateurs reçoivent les faibles prix pétroliers en pleine figure. Ils perdent le pouvoir d’achat que nous gagnons. Que la diminution du prix du pétrole puisse tout de même être bonne pour l’économie mondiale repose sur la supposition que nous dépensions le bonus des prix plus bas. L’autre hypothèse est que les exportateurs fassent des réserves avec le bonus des prix plus élevés et qu’ils n’adaptent pas leur modèle de dépenses aux prix plus faibles. Ce n’est plus ainsi. Le choc a été si brutal qu’un grand nombre d’exportateurs ont dû sabrer dans leurs dépenses publiques. Dans les pays exportateurs, la demande intérieure a chuté de 15%. Les sociétés énergétiques, en Occident aussi, ont gelé leurs budgets d’investissement ou font face à des problèmes financiers. C’est pourquoi les marchés financiers ont interprété le crash du prix du pétrole de manière très négative.

Un meilleur équilibre semble en cours d’élaboration. A la réunion de l’OPEP du week-end dernier, comme attendu, il ne s’est rien passé d’important, surtout parce que les grands rivaux que sont l’Arabie saoudite et l’Iran cèdent peu l’un à l’autre. L’Agence Internationale de l’Énergie prévoit tout de même que l’offre excédentaire, qui a fait chuter le prix du pétrole, disparaîtra progressivement cette année. Le faible prix du pétrole exige surtout un tribut sur la production américaine de pétrole de schiste, alors que la demande mondiale se raffermit. De plus, l’Iran parle de hausses de production, mais cela exigera du temps dans la pratique. Avec un peu de chance, le marché trouvera un équilibre des prix autour des 40 à 50 dollars le baril. L’avantage d’un pétrole bon marché pourra dans ce cas finalement faire surface, à condition que l’Occident renforce la confiance. Cela constituerait d’ailleurs un coup de fouet bien plus efficace que le faible prix du pétrole lui-même.

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