Pourquoi la Suisse veut un deal fiscal avec la Belgique

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La Confédération nous propose de signer un accord fiscal comparable à celui qu’elle a conclu avec l’Allemagne, l’Autriche et la Grande-Bretagne. Une proposition qui ne doit rien au hasard.

C’est paraît-il la plus grosse récompense jamais donnée à un mouchard aux Etats-Unis ! Bradley Birkenfeld a obtenu quelque 104 millions de dollars de la part des autorités fiscales américaines. Sorti de prison début août après avoir purgé deux ans et demi de peine pour bonne conduite, l’ex-banquier d’UBS vient d’être récompensé pour ses informations sur les activités illégales des clients de la banque suisse aux Etats-Unis. Il aurait ainsi permis au fisc américain (le fameux Internal Revenue Service) de récupérer en tout plus de 5 milliards de dollars.

On s’en souviendra, l’affaire a contribué à intensifier le bras de fer entre les deux pays sur la question du secret bancaire. Depuis la crise financière de 2008, la Suisse a été, à de nombreuses reprises, pointée du doigt pour son manque de collaboration dans la lutte contre la fraude fiscale. A commencer par le fisc américain qui se montre depuis toujours plus agressif à l’égard de ses contribuables ayant éludé l’impôt avec l’aide des banques helvètes. Jusqu’à imposer aux banques étrangères de communiquer l’identité des titulaires de compte, sous la menace de supprimer le droit d’opérer sur le sol américain.

On se souviendra aussi qu’à l’instar d’autres pays comme le Luxembourg et la Belgique, la Confédération s’est retrouvée sur la liste grise des paradis fiscaux. Et pour en sortir, elle n’a eu d’autre choix que de signer une douzaine de conventions fiscales incluant le dispositif standard de l’OCDE en matière d’échange d’informations. Quant à UBS, elle a dû se résoudre à révéler l’identité de plusieurs milliers de titulaires des comptes en Suisse non déclarés pour satisfaire les Etats-Unis.

Elle ne veut plus de l’argent sale

Cette bonne volonté affichée n’a toutefois pas suffi à faire retomber la pression sur la Confédération, jugée trop laxiste dans sa lutte contre la fraude, devenue une priorité depuis le G20 de Londres en 2009. Plusieurs affaires (UBS, HSBC, Crédit Suisse, Vontobel, etc.) ont depuis lors défrayé la chronique. Londres et Berlin n’ont pas hésité à verser plusieurs millions d’euros à des employés de banques suisses ou du Liechtenstein pour mettre la main sur des données de clients, dont des Allemands, des Britanniques… mais aussi des Belges. C’est ainsi que plusieurs centaines de diamantaires anversois se retrouvent aujourd’hui dans le collimateur des autorités judiciaires et fiscales belges suite au vol en 2009 d’une liste de clients de la filiale suisse de la banque HSBC par un de ses employés.

C’est précisément pour mettre un terme à ces vols à répétition de données et préserver son sacro-saint secret bancaire, que le gouvernement suisse propose depuis quelque temps à ses partenaires européens de conclure un accord bilatéral de type “Rubik”. Accord dont l’objectif est de permettre de régulariser la situation des contribuables étrangers ayant placé des avoirs en Suisse et ayant de ce fait échappé au fisc de leurs pays. Ne voulant plus de l’argent sale, Berne a déjà signé pareil accord avec l’Allemagne, l’Autriche et la Grande-Bretagne. Au grand dam de l’Europe et de l’OCDE qui cherchent, au contraire, à convaincre les Suisses d’abandonner leur secret bancaire et d’accepter le principe de l’échange d’informations fiscales. Mais voilà : beaucoup de riches citoyens européens, dont la confiance envers leur banquier helvétique dépend intimement de l’étanchéité du secret bancaire, sont des habitués de Zurich ou Genève. Si bien qu’après Berlin, Vienne et Londres, c’est autour de Rome, Madrid et Athènes de discuter avec les autorités suisses. Empêtré dans l’endettement, Rubik apparaît pour ces trois pays en difficulté comme un moyen plus rapide de renflouer les caisses de l’Etat que les longues procédures de la coopération fiscale internationale. Quant aux avoirs des Belges dissimulés dans les coffres suisses, ils s’élèveraient à plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Sébastien Buron

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