Pour Peter Adams, son CEO, “ING Belgique doit être une banque simple”
Ce 13 novembre 2021, ING Belgique, ex-BBL, a fêté ses 150 ans. L’occasion de faire le point sur l’état de santé de la banque et d’évoquer son avenir en compagnie de son nouveau CEO, Peter Adams.
Les origines d’ING Belgique remontent à la création, en 1871, de la Banque de Bruxelles qui, en fusionnant avec la Banque Lambert en 1975, donna naissance à la BBL. Rachetée par le groupe ING à la fin des années 1990, l’enseigne sera rebaptisée ING Belgique en 2003, l’ancien nom disparaissant définitivement du paysage bancaire belge. La maison totalise aujourd’hui près de trois millions de clients, plus de 7.000 employés et pas loin de 450 agences. Quant à son résultat brut, il s’élevait l’an dernier à 349 millions d’euros. De quoi continuer à faire de l’ancienne BBL un actif essentiel au sein du groupe ING, assure son nouveau CEO Peter Adams.
TRENDS-TENDANCES. Après 150 ans d’existence, quel regard jetez-vous sur la banque telle qu’elle est aujourd’hui?
PETER ADAMS. Son histoire et celle du pays sont intimement liées. ING Belgique représente aujourd’hui entre 15% et 20% des revenus du groupe ING. La Belgique est son deuxième marché domestique. Il n’y a pas de raison pour que cela change. Le groupe ne peut pas être successful sans sa filiale belge. Il est impensable pour ING de quitter le pays.
Où en est l’énorme restructuration lancée en 2016, qui prévoyait de supprimer 3.000 postes et qui a valu à vos deux prédécesseurs de démissionner?
Elle est derrière nous. Le chapitre Unite est clos. Tout n’a pas été réalisé, mais le plus important est fait. Nous avons une nouvelle appli, commune aux marchés belge et néerlandais. Certains chantiers, comme la création d’une plateforme unique en matière de crédits hypothécaires, ne se justifiaient pas totalement. Maintenant, nous devons renouer le contact avec le client. Pendant quatre ans, nous avons été trop occupés en interne. Ma priorité pour les années à venir est la satisfaction du client. S’il y a un élément sur lequel je pourrai être évalué dans trois ans, c’est celui-là.
Il est important de prendre de la distance avec l’idée que l’agence est en premier lieu l’endroit où nous devons recevoir les clients.
Comment allez-vous faire?
Nous devons miser sur la simplicité. Qu’elle soit réglementaire ou d’ordre opérationnel, il faut évacuer toute complexité pour le client. Cela veut dire que pour la clientèle retail par exemple, nous devons nous concentrer sur une offre transparente de 20 à 25 produits au maximum, qui doivent à la fois être disponibles sur l’appli et couvrir tous les besoins, qu’il s’agisse du daily banking, des crédits, des produits d’investissement ou des assurances. Pour nos clients business (PME et corporate), simplicité veut dire rapidité: ils doivent par exemple pouvoir obtenir un crédit de 100.000 euros en cinq minutes.
Malgré la levée de certaines mesures sanitaires, toutes vos agences restent fermées: doit-on s’attendre à une nouvelle réduction du nombre d’agences?
Nous aurons toujours un réseau d’agences substantiel. Mais le comportement des clients change et la réduction graduelle du nombre d’agences va se poursuivre. Le tempo dépendra de l’évolution des habitudes de consommation. Il est important de prendre de la distance avec l’idée que l’agence est en premier lieu l’endroit où nous devons recevoir les clients.
La banque sur rendez-vous, et de préférence à distance, est donc votre modèle de demain?
Toutes nos agences sont pour le moment ouvertes sur rendez- vous, et il n’est pas exclu qu’elles le restent. Mais aucune décision n’a été prise à ce sujet. Ce qui est sûr, par contre, c’est que le Covid-19 a accéléré l’utilisation du digital ; nous constatons que les clients qui optent pour le conseil à distance accordent également des notes de satisfaction élevées à cette manière de faire.
Aux clients qui souhaitent un prêt hypothécaire par exemple, nous demandons s’ils veulent discuter avec un conseiller en agence ou à distance, par appel vidéo. Les résultats sont remarquables: 9 demandeurs sur 10 disent préférer le conseil à distance. Pour un rendez-vous qui concerne une question liée à un placement, plus de 8 personnes sur 10 répondent qu’elles préfèrent le conseil à distance. Notre modèle pour l’avenir est celui-là: le client pourra toujours décider de prendre rendez-vous, mais de préférence à distance.
Vous n’êtes toutefois plus à la pointe sur ce terrain-là. Vos concurrents KBC et Belfius figurent parmi les champions du monde de la banque numérique, selon plusieurs études de bureaux de consultance. Votre stratégie suffira-t-elle à combler ce retard?
Je suis convaincu que la simplicité peut faire la différence: ING Belgique doit être une banque simple. Vous ne la verrez pas investir dans des écosystèmes de services non bancaires. Je ne pense pas que le beyond banking soit l’avenir de la banque. Notre priorité est d’être the best possible bank. Après 150 ans, le temps est venu de retourner à l’essentiel: nous ne voulons pas que tout soit dans l’apparence. Je ne pense pas par exemple que les clients attendent de leur banque qu’elle leur propose un abonnement télécom.
ING Belgique a aussi été la première grande banque du pays à appliquer des taux négatifs sur l’épargne de certains de ses grands clients. Allez-vous simplifier le système et l’étendre à tous, quel que soit le montant des avoirs?
La persistance de taux d’intérêt peu élevés est une réalité pour tous les établissements actifs sur le marché belge. Nous devons aussi adapter notre modèle économique. Nous n’avons pas d’autre choix. Nous sommes-nous rendus populaires auprès des clients en appliquant des taux négatifs sur certains dépôts? Non, l’encours sur nos comptes d’épargne s’est contracté, mais pas plus que prévu. Par contre, là où nous avons essayé de faire la différence, c’est dans la manière de communiquer. Nous avons tenté d’être le plus transparent possible, en appliquant un seul et même nouveau pricing à tous. Il n’y a eu aucune annonce individuelle ou au cas par cas. Les clients ont compris le message: ils ont commencé à placer leur argent autrement, pour tenir compte de la réalité économique.
La fin de la gratuité du Lion Account a aussi suscité pas mal de critiques…
A nouveau, à cause des taux d’intérêt négatifs, notre modèle bancaire est sous pression. Il doit évoluer, de manière à générer d’autres sources de revenus. C’est la raison pour laquelle le Lion Account est désormais payant. Un certain nombre de clients l’ont fermé à cause de cela, mais il était pour eux le deuxième, voire le troisième compte. Une fois encore, nous n’avons d’autre choix que de nous adapter à la réalité économique, et les clients le comprennent beaucoup mieux qu’espéré.
Plus largement, comment voyez-vous évoluer le secteur bancaire et en particulier, ING Belgique, dans les années qui viennent?
Ni la big tech, ni les fintechs, ne constituent encore une réelle menace, contrairement à ce que l’on disait il y a 10 ans. Ils ont compris que le métier de banquier est complexe et dégage des marges nettement plus faibles que leur business. En revanche, la taille reste importante. Pourquoi? Parce que les investissements, notamment sur le terrain du digital mais aussi, en matière de compliance, sont conséquents. La consolidation du secteur va donc se poursuivre. Ce n’est pas un must pour ING en Belgique: nous avons cette taille dans tous nos segments d’activité. Mais nous évaluerons toutes les opportunités qui se présenteront.
Profil
? Naissance à Gand, en 1976
? Diplôme d’économie à l’Université de Gand, MBA à l’Insead et MSc Finance and Economics à la London School of Economics
? Rejoint le Boston Consulting Group en 1999 où il participe, pendant 20 ans, à certaines des plus grandes transformations du secteur bancaire européen, en particulier dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni, en France et au Benelux
? Depuis janvier 2021, CEO d’ING Belgique
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