Peter Vanden Houte (ING Belgique): “L’euro faible, c’est de l’histoire ancienne”

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Jozef Vangelder Journaliste chez Trends Magazine

La parité entre l’euro et le dollar est une vieille rengaine. Et cela pourrait même être pire. Le 25 octobre 2000, l’euro est tombé à son niveau le plus bas face au dollar : 0,8287 USD. Il n’y a aucune raison de paniquer aujourd’hui, selon Peter Vanden Houte, économiste en chef d’ING Belgique. Vers le début de l’année prochaine, je vois l’euro se renforcer à nouveau”.

Pourquoi l’euro a-t-il tant dégringolé par rapport au dollar ?

“L’économie américaine est plus forte que l’économie européenne. Par exemple, les chiffres de l’emploi aux États-Unis pour le mois de juin ont été meilleurs que prévu. Cela signifie également que la Fed peut continuer à augmenter sensiblement les taux d’intérêt, avec une hausse annoncée de 75 points de base en juillet. La BCE a aussi annoncé une hausse des taux de 25 points de base pour juillet mais, en même temps, de plus en plus de chiffres indiquent un fort ralentissement de la croissance en Europe. De plus, l’économie européenne est beaucoup plus vulnérable à la guerre en Ukraine. Si, après la fin des travaux de maintenance du gazoduc Nord Stream 1, la Russie continue à livrer moins de gaz naturel vers l’Europe, nous nous dirigerons irrémédiablement vers un rationnement pour cet hiver, avec des prix encore plus élevés. Les États-Unis, en revanche, sont producteur et exportateur de gaz naturel et de pétrole. Les marchés craignent que l’Europe ne sombre dans la récession, alors que les États-Unis continuent de bien se porter. Et vous voyez cette différence se refléter dans le taux de change.”

La faiblesse de l’euro rend l’Europe plus compétitive, mais alimente également l’inflation. Quel est le bon équilibre ?

“La faiblesse de l’euro donne à l’Europe un avantage concurrentiel pour les exportations. Cette faiblesse n’est pas “oubliée”, mais elle est tempérée par des importations dès lors plus coûteuses. Sur ce point-là aussi, l’Europe diffère des États-Unis. L’économie américaine est relativement fermée, tandis que l’économie européenne est beaucoup plus impliquée dans les chaînes de production mondiales. Nous importons plus de matières premières et de composants que les Américains. Ces importations, plus chères, érodent notre avantage concurrentiel.

L’effet inflationniste de l’euro faible exacerbe également le dilemme auquel est confrontée la BCE. L’inflation est trop élevée, mais dans le même temps, l’économie stagne. La BCE peut-elle être alors très agressive ? La BCE devra faire quelque chose, mais elle ne peut guère se lancer à corps perdu en raison du risque de récession.”

Jusqu’où l’euro peut-il aller ?

“Prévoir les taux de change est toujours une affaire délicate, surtout à court terme. Mais l’expérience montre que le marché aime les chiffres ronds. La parité est le chiffre rond, qui attire plus l’attention. Il peut agir comme une sorte de résistance, qui attirera certains acheteurs. Cependant, si l’euro passe le point de parité, il peut rapidement tomber beaucoup plus bas, en raison du déclenchement de la vente automatique. D’autre part, le dollar est très cher aujourd’hui. Les calculs montrent que le taux d’équilibre oscille entre 1,20 et 1,30 dollar pour un euro. La parité signifie donc une sous-évaluation de l’euro d’au moins 20 %. Cela ne durera pas. De plus, si la Fed continue à augmenter les taux d’intérêt, l’économie américaine montrera à un moment donné des signes d’affaiblissement. Le marché anticipera alors la fin des hausses de taux de la Fed, faisant perdre au dollar son attrait face à l’euro. La faiblesse de l’euro est une histoire ancienne. Vers le début de l’année prochaine, je vois l’euro se renforcer à nouveau.”

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