“On veut autoriser le fisc à perquisitionner”

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Sabrina Scarna, avocate fiscaliste chez Tetra Law, voit dans le nouveau plan anti-fraude concocté par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem une dérive sur le plan des droits du contribuable.

1. La Vivaldi vient d’approuver un nouveau plan de lutte contre la fraude. Quelle est votre réaction face à ce nouveau train de mesures?

Tout cela me paraît à la fois fort disparate et empreint de beaucoup de sensationnalisme. Suscitant déjà un certain nombre de questions, une récente loi permet aux fonctionnaires de pouvoir participer aux côtés des policiers à des enquêtes judiciaires. Pourquoi, dès lors, venir maintenant avec un nouveau plan de lutte contre la fraude? Comment cela est-il censé s’agencer? Beaucoup de mesures annoncées ne sont en fait que des traductions en droit belge de directives européennes de coopération administrative entre Etats membres (DAC 7 et DAC 8) qui facilitent les échanges de données. Sans oublier une série de mesures apparemment petites mais qui sont fortement inquiétantes.

Sabrina Scarna, avocate fiscaliste chez Tetra Law
Sabrina Scarna, avocate fiscaliste chez Tetra Law© pg

2. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus?

C’est que l’on veuille garantir à l’administration fiscale un quasi-pouvoir de perquisition. Une des mesures prévoit de permettre aux fonctionnaires, lors d’un contrôle sur place, de confisquer les téléphones portables, les ordinateurs, etc. ; d’avoir, en tout cas, des pouvoirs de contrainte. En clair, le fisc veut s’arroger le droit de tout pouvoir copier (agenda, e-mails, etc.) sous prétexte que ces supports électroniques comportent beaucoup d’informations. En réalité, on veut permettre à l’administration de procéder à des contrôles plus musclés, ce qu’elle fait déjà en pratique. Ayant connu dernièrement quelques revers majeurs en la matière, on veut donc changer la loi.

3. Quid du délai d’imposition qui passerait de trois à quatre ans… voire 10 ans?

Le délai d’investigation et d’imposition ordinaire passerait de trois à quatre ans. Cela veut dire que l’administration disposerait désormais de quatre ans pour retourner en arrière et taxer le contribuable. Soit. Ce qui est pire, c’est ce nouveau délai de 10 ans prévu pour les situations complexes mais qui concerne potentiellement tous les contribuables dans la mesure où il s’appliquerait aussi, tout simplement, en cas de non-déclaration de revenus. Imaginez le cas d’une plus-value sur actions que le contribuable estime exonérée d’impôts. Sommes-nous vraiment dans le cas d’une non-déclaration de revenus si le fisc ne devait pas partager cette analyse? Bref, ce plan présente de véritables dérives pour les droits du contribuable.

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