Max Jadot (CEO de BNP Paribas Fortis): “Je ne m’attends pas à une profonde récession”

Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis © Belgaimage
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

En marge de la publication des résultats semestriels de BNP Paribas Fortis, son CEO Max Jadot a répondu à nos questions.

Même si la crise que nous vivons aujourd’hui est un “terrible choc”, dit-il, le premier banquier du pays n’entend pas céder au catastrophisme ambiant. Malgré la forte augmentation du coût de la vie et la flambée des prix de l’énergie, Max Jadot ne s’attend pas à une grave récession et reste confiant dans la capacité du secteur à soutenir les entreprises et les ménages cet hiver, tout en insistant sur l’urgence de la transition.

Avec 500 millions de plus qu’en 2021, vous publiez ce matin un bénéfice semestriel en hausse de 30 % à 1,634 milliard d’euros. Qu’est-ce qui explique cette bonne performance ?

C’est un résultat solide. Mais il faut être prudent dans son interprétation et sa compréhension. Il s’explique par la bonne activité économique mais aussi par deux éléments exceptionnels : l’un est lié à bpost banque et l’autre à notre filiale de leasing auto Arval.

Plus précisément ?

Pour bpost banque, dont nous avons finalisé l’acquisition l’an dernier, cela déclenche un écart d’acquisition comptable avec un impact positif de 245 millions, dont une grande partie compense la perte que nous avions passée en 2020 quand le rachat avait été annoncé. Quant à Arval, elle a profité de l’envolée du marché des véhicules d’occasion dont les prix de revente restent à un niveau très élevé.

Le coeur opérationnel de la banque enregistre du reste de bons chiffres malgré la crise ?

En excluant les deux éléments non-récurrents dont je viens de vous parler, la banque a en effet bien tourné. La production de nouveaux crédits en Belgique, qui comprend les refinancements, a augmenté de 15 % par rapport au premier semestre 2021, qui était déjà une bonne année, pour atteindre 20 milliards d’euros. Au total, notre portefeuille de crédits a progressé de 8 % tandis que les dépôts ont augmenté de 5 %. Outre la belle contribution des métiers spécialisés, dont principalement les très bons résultats d’Arval, un autre élément marquant est la forte diminution du coût du risque.

Le deuxième trimestre s’annonce-t-il moins rose ?

Soyons clairs, la crise que nous vivons aujourd’hui est très grave. C’est un choc terrible. Mais au moment où je vous parle, nous n’avons pas dû acter de provisions importantes. Ceci ne veut pas dire que les entreprises et les ménages les plus fragiles ne souffrent pas. La reprise attendue après la fin de la pandémie est mise à rude épreuve par une successions de chocs. Mais globalement, nous ne voyons pas dans la clientèle de situations à ce point dramatiques.

Plus concrètement, quel est votre scénario économique pour les mois qui viennent ?

En Belgique, mais c’est aussi le cas pour l’Europe, à laquelle le pays est fortement accroché, nous nous attendons à une faible croissance pendant un certain nombre de trimestres. Mais notre scénario central est que cette croissance faible, voire nulle ou légèrement négative, ne conduira pas à une profonde récession. Peut-être une courte récession, de quelques trimestres, mais si je me fie aux prévisions de la banque, il ne faut pas s’attendre à une profonde récession. A nouveau, ceci ne veut pas dire que certains ménages et entreprises ne devront pas être soutenus. Mais d’un point de vue macro-économique nous conservons à long terme une perspective qui reste positive.

De quelle manière pouvez-vous aider les entreprises et les ménages à passer le cap ?

Comme premier acteur bancaire du pays, nous ne sommes pas uniquement actifs dans les métiers classiques de la banque mais aussi dans quasiment tous les autres segments d’activité possibles (Axepta, Nickel, etc.). Nous avons une gamme de produits et de solutions très diversifiée, ce qui devrait être rassurant pour les entreprises et les ménages qui souffrent de la situation actuelle et qui sont à la recherche de solutions pour passer le cap. Par ailleurs, la banque existe depuis 200 ans. Elle a déjà traversé beaucoup de crises. Elle est solide et liquide. Elle connaît très bien le pays et peut aider à trouver des solutions pour traverser cette mauvaise passe. Pas toute seule bien évidemment mais de manière collective, c’est-à-dire avec toutes les parties prenantes : le gouvernement fédéral, les Régions, etc.

Justement, des discussions sont en cours avec le gouvernement. Quelles pistes sont envisagées ?

Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus pour le moment. Les discussions viennent de commencer. Elles portent sur des mesures ciblées à destination des ménages et des entreprises qui en ont besoin pour passer le cap de l’hiver. BNP Paribas Fortis et le secteur bancaire dans son ensemble joueront leur rôle, comme nous l’avons fait pendant la crise du covid.

En plus de ces objectifs à court terme, vous voulez encore accélérer sur le terrain de la transition vers une économie plus durable ?

Atteindre la neutralité carbone ne sera possible que si nous relevons le défi du financement de la transition énergétique qui se chiffre en milliards d’euros : nous devons accélérer et approfondir nos actions afin d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Si les entreprises se sont déjà bien préparées à cette transition, elles font beaucoup d’efforts depuis plusieurs années déjà, il reste par contre beaucoup de travail à faire du côté des particuliers, notamment sur le marché de l’immobilier résidentiel. A peine 18 % des Belges connaissent le PEB (Certificat de Performance Energétique des Bâtiments, ndlr) de leur maison. Les investissements nécessaires pour mettre le parc immobilier résidentiel aux normes d’ici 2050 est estimé à 300 milliards d’euros. C’est un énorme défi et un axe de développement stratégique pour la banque aujourd’hui et dans les années qui viennent. C’est aussi pour cela que nous passons à la vitesse supérieure en matière de ressources humaines. D’ici 2025, nous comptons recruter 2.000 personnes pour nourrir notre croissance en faveur d’une économie plus durable. Derrière la crise énergétique que nous vivons aujourd’hui, il y a donc aussi du positif.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content