Marc Raisière, CEO de Belfius: “Le premier marketer d’une entreprise, c’est son CEO”
Grand patron du bancassureur Belfius, Marc Raisière endosse cette année le costume de président du jury des Belgian Marketing Awards qui se tiendront à l’automne prochain. Rencontre avec un passionné de marketing.
Après Dominique Leroy (ex-Proximus, aujourd’hui Deutsche Telekom) qui a assuré cette fonction l’année dernière, c’est à nouveau un capitaine d’industrie qui dirigera la deuxième édition des Belgian Marketing Awards le 17 novembre prochain. Marc Raisière, CEO de Belfius, a en effet accepté d’assumer la présidence d’un jury de professionnels qui récompenseront les meilleurs marketers de Belgique lors d’une soirée exceptionnelle (lire “BMA, deuxième!” ci-dessous).
BMA, deuxième!
Le 17 novembre prochain, les gagnants de la deuxième édition des Belgian Marketing Awards (BMA) seront officiellement dévoilés. Le jury présidé par Marc Raisière récompensera des marques et des marketers dans trois catégories: The Belgian Marketing Company of the Year, The Young Belgian Marketing Company of the Year et The Marketing Leader(ship) of the Year.
L’année dernière, six associations professionnelles actives dans le marketing et la communication s’étaient en effet réunies pour lancer ces tout nouveaux prix sur le marché (ACC, BABM, BAM, BMMA, CUBE et UMA), en partenariat avec Trends-Tendances pour cette deuxième édition.
Les candidats aux BMA 2021 peuvent s’inscrire jusqu’au 30 juin sur le site www.belgianmarketingawards.be.
TRENDS-TENDANCES. Que représente pour vous cette nouvelle mission de président du jury des Belgian Marketing Awards?
MARC RAISIERE. Moi, je suis passionné par le marketing au sens pur du terme, c’est-à-dire au sens “360 degrés” du terme. Pour moi, le marketing, c’est une personne qui est capable de comprendre tous les axes différenciants d’une proposition de valeur qui peut être un produit ou un service. C’est une personne qui est également capable de comprendre toutes les contraintes techniques et les contraintes de rentabilité liées à ce produit ou ce service, et qui à partir de là est capable d’en faire une stratégie de communication qui est profondément différenciante. Ça, c’est le marketing pour moi et je trouve que c’est vachement compliqué.
Je veux montrer, en acceptant ce poste de président du jury, que le marketing n’est pas qu’un truc de communication, ni de ‘retail’. C’est beaucoup plus large que ça.
Quelle doit être la mission première d’un marketer?
C’est quelqu’un qui doit être capable de se dire: “Je suis dans tel domaine, mes clients ont tel besoin, je transforme ce besoin en produit, mais je comprends également, si c’est nécessaire, le service qui y est attaché. Je comprends que cela a un prix, je réfléchis sur ma distribution et j’en fais quelque chose de cohérent. A partir de cela, je suis ensuite capable de développer une stratégie de communication qui va donner toute la valeur à mon offre”. Et cette valeur, c’est la différenciation, qu’elle soit technique ou émotionnelle. Je veux montrer, en acceptant ce poste de président du jury, que le marketing n’est pas qu’un truc de communication, ni de retail. C’est beaucoup plus large que ça.
Guy Quaden, l’ancien gouverneur de la Banque Nationale de Belgique, a toujours dit que vous étiez un homme de marketing…
J’ai fait six années d’études universitaires: quatre années de mathématiques et deux années en sciences actuarielles. Donc, je crois pouvoir dire que je possède une certaine structure technique. Ce qui manquait à ces études – qui sont intellectuellement intéressantes – c’est le marketing! Une fois que j’avais compris la technicité et les bases de l’assurance, il fallait quand même que je me rende compte de ce qu’est un client et comment on l’approche. C’est là que j’ai fait l’une ou l’autre formation en marketing. Aujourd’hui, je dis toujours que je suis le patron du marketing en chef de Belfius…
Avant d’être CEO?
Un CEO, c’est ça! C’est être capable de comprendre les contraintes liées à la profitabilité, la rentabilité, la technicité… Et puis, il y a les segments de clients. Quels sont leurs besoins? Ensuite, il y a la distribution. Et enfin, on se dit: “J’ai envie de faire un package cohérent, comment vais-je le communiquer?” Ça, c’est mon job, normalement. Alors, on appelle ça chief executive officer mais je dis toujours que le premier marketer d’une entreprise, c’est son CEO. Si vous avez un CEO qui n’est pas orienté marketing au sens où je le conçois, vous n’aurez pas une boîte marketing.
Mais vous avez quand même une directrice marketing au sein de Belfius…
Nous avons une personne, Mieke Debeerst, qui est en charge de la marque, de la communication et de l’expérience client. Ces domaines sont centralisés et dans ces domaines, c’est la meilleure! C’est l’un de mes mentors. Elle pousse toujours tout le monde ici, chez Belfius, pour dire: “C’est quoi la différenciation?”. Aujourd’hui, tout le monde est branché sur la mission statement des entreprises. Nous aussi. On l’a fait il y a deux ans et demi déjà. Alors, certains disent que c’est un concept marketing. Non! Ce sont les bases d’une entreprise. Quand on se pose la question de savoir ce qu’est le positionnement d’une entreprise, ce n’est pas du marketing de communication. C’est d’abord définir ce qu’on veut être et moi, je mets ces fondements dans toute ma stratégie marketing.
Chez Belfius, chaque fois que l’on fait quelque chose, on se demande si cela fait sens pour l’entreprise et comment on peut être source d’inspiration.
On parle beaucoup du fameux “monde d’après”. Est-ce que cela vaut aussi pour le marketing? En clair, la conception que vous aviez du marketing il y a 20 ans a-t-elle changé aujourd’hui?
Non. Je pense que les fondements sont restés totalement les mêmes. Il y a aujourd’hui une plus grande facilité à comprendre le comportement du consommateur, mais par contre, il y a une plus grande complexité en termes de stratégie de communication et de distribution parce que nos possibilités de communiquer et de distribuer sont devenues nettement plus importantes.
On parle beaucoup aussi, depuis quelques mois, de meaningful marketing, un marketing qui a du sens…
Je suis profondément en désaccord avec ça parce que je pars du principe que, depuis toujours, cela a été ” It’s all about people” (“Tout tourne autour des gens”, Ndlr). Et que demandent les gens? Quand ils travaillent, si l’on donne du sens à ce qu’ils font, ils seront plus heureux, plus engagés, etc. Et ça, ce n’est pas maintenant qu’on le découvre. Cela existe depuis 25 ans! Dire qu’on fait du meaningful marketing maintenant, ça veut dire quoi? Qu’on n’en faisait pas avant et qu’on vendait n’importe quoi à n’importe qui? Il faut être très prudent avec ça! Chez Belfius, chaque fois que l’on fait quelque chose, on se demande si cela fait sens pour l’entreprise et comment on peut être source d’inspiration. C’est la base de notre mission statement.
Oui, mais certaines valeurs comme la durabilité, l’éthique ou l’égalité des genres n’ont pas toujours été présentes au sein des entreprises et donc du marketing…
Oui, mais ça, ce sont les attentes du client aujourd’hui. Pour les collaborateurs, c’est d’abord la mission statement qui est fondamentale. Les valeurs d’une entreprise, son rôle dans la société et ce qu’elle souhaite devenir sont vraiment des piliers. Ce que je veux dire, c’est que le marketing a effectivement évolué dans ses réponses, mais que les fondements, eux, n’ont pas changé.
Même si les outils ont, eux aussi, évolué? L’application mobile de Belfius qui touche 1,6 million d’utilisateurs est un formidable outil marketing…
Oui, c’est un outil incroyable qui bouleverse la manière avec laquelle on fait le marketing, mais pas les fondements du marketing.
Et ces outils technologiques sont aussi les déclencheurs de nouveaux partenariats stratégiques comme celui que vous avez noué avec Proximus, non?
Puisque tout ce qui est technologique est tellement présent aujourd’hui dans nos vies, le fait d’avoir un partenariat avec le numéro un des télécoms en Belgique semble assez évident. On a donc deux marques fortes belges qui vont démontrer que l’on peut être particulièrement innovant. Nous allons quand même participer au lancement d’une banque pour une entreprise, j’adore ça! Cela suscite l’intérêt quasiment partout en Europe: un opérateur télécom développe une offre qui va être intégrée dans notre package et, en parallèle, Belfius développe une offre bancaire qui va être intégrée dans la meilleure application bancaire mobile en matière de fonctionnalité et de durabilité pour les clients Proximus. Et ça, c’est du marketing qui fait sens en termes de prix et de convenience.
Il s’agit surtout de deux entreprises technologiques qui pourront croiser leurs datas, à savoir l’historique bancaire des clients Belfius et la géolocalisation des abonnés Proximus…
Oui, mais avec un statement extrêmement fort que l’on va sans cesse répéter: la vie privée de nos clients est intouchable. On veut être exemplaire à ce sujet.
Pourquoi? Parce que les datas sont une arme à double tranchant?
Nous ne voulons pas être assimilés à des entreprises comme Facebook. Ni Guillaume Boutin (CEO de Proximus, Ndlr), ni moi. Nous voulons être cohérents.
Vous avez aussi développé un partenariat dans l’immobilier avec Immovlan. Vous êtes également au capital de la chaîne d’info LN24. La banque Belfius va-t-elle bientôt devenir un média?
Je le pense fondamentalement, mais je ne suis pas encore parvenu à convaincre mes collègues (rires). Il n’y a aucune raison que notre plateforme ne propose à terme du contenu journalistique financier. Je ne vois pas pourquoi nos 1,6 million de clients n’auraient pas accès un jour à des articles financiers exclusifs payants. C’est une question de temps.
C.V.
- Né le 13 février 1963.
- Licencié en sciences mathématiques et en sciences actuarielles à l’UCL.
- Il débute sa carrière chez Fortis AG et passe chez Axa Belgium en 1999.
- Il y reste sept ans, avant de rejoindre Axa Group à Paris.
- En 2012, il revient en Belgique et devient CEO de Belfius Insurance. Il est nommé deux ans plus tard à la tête du groupe Belfius.
- Honoré du titre de Manager de l’Année 2016.
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