Les superviseurs européens envoient des signaux d’alarme aux banques

Christine Lagarde

L’avertissement date d’il y a un mois, mais il énerve certains banquiers : le comité européen des risques systémiques (CERS), présidé par Christine Lagarde, qui est aussi la présidente de la Banque centrale européenne, a lancé un avertissement général au système financier : “Les risques sur la stabilité financière dans l’Union et la probabilité que des scénarios de risques extrêmes se matérialisent se sont accrus”.

Cela n’a l’air de rien, mais dans le monde feutré de la banque, c’est le genre de petites phrases explosives, car il peut vouloir signifier le début de nouvelles mesures pour renforcer le capital des banques. Pour le comprendre, il faut savoir que le CERS est composé des superviseurs et les banques centrales de l’Union européenne. C’est un “machin” qui a été mis en place en 2010, afin d’éviter aux autorités d’être pris au dépourvu comme elle l’ont été par la crise de 2008.

Si le CERS s’inquiète, c’est parce que “les tensions géopolitiques croissantes ont conduit à la hausse des prix de l’énergie, entraînant des difficultés financières pour les entreprises et les ménages qui sont encore en train de se rétablir des conséquences économiques du Covid”. Et des tensions, dans le langage des banquiers, cela signifie des risques de pertes accrus pour les banques.

A cela s’ajoute un autre avertissement, qui date d’il y a quelques jours, sur le risque climatique. Il a été lancé par la BCE qui avait là aussi coiffé pour l’occasion sa casquette de gendarme des grandes banques de la zone euro. “Les banques continuent à sous-estimer de manière significative l’ampleur et la magnitude de ces risques, et presque toutes les banques (96 %) ont des angles morts pour les identifier”, observe la BCE. Ici aussi, plus de risques, cela signifie que certaines banques devront peut-être renforcer leur capital. Le Néerlandais Frank Elderson, membre du directoire de la BCE et plus spécialement chargé de la supervision financière, ajoute que, sur ce risque climatique, “trop de banques continuent d’espérer le meilleur sans se préparer au pire”.

Crédits toxiques

Avant le début de l’année 2024, les banques européennes devront avoir intégré le risque climatique dans leur gestion de risque et leur stratégie, avertit la BCE. Ce n’est pas rien. Selon l’ONG Finance Watch, les financements d’activité d’exploration et de commercialisation des énergies fossiles des 60 principales banques du monde (dont 22 européennes) représentent plus de 1.300 milliards d’euros. Ces crédits constituent dans le portefeuille des banques des actifs potentiellement toxiques si les activités qu’ils financent deviennent non rentables ou doivent être amorties de manière accélérée dans le cadre de la transition énergétique. Il suffit de se rappeler la perte historique de 40 milliards d’euros affichée par l’énergéticien allemand Uniper voici quelques jours.

Mais l’actionnement de ces signaux énervent certains banquiers. En Italie, Unicredit voudrait distribuer 16 milliards aux actionnaires en, notamment, rachetant ses titres, mais pour cela, le groupe doit recevoir l’aval de la BCE, qui rechigne. En France, le président de la Société générale, Lorenzo Bini Smaghi, s’inquiète dans une lettre publiée par Bloomberg des pratiques potentiellement intrusives de la BCE qui a la possibilité d’assister au conseil d’administration des grandes banques. Et un peu partout, les grandes banques, qui ont réalisé en général de bons résultats au terme des neuf premiers mois de cette année, ne voudraient pas être trop limitées par les superviseurs dans leur politique de rémunération des actionnaires.

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