Les promesses et faux-espoirs des SPAC: comment dépenser 100 pour quelque chose qui vaut 68

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Roland Gillet, professeur de finances à la Sorbonne, a qualifié les SPAC de “super pêche aux canards”. Et au vu de ce qui suit, on comprend pourquoi.

Comment se faire piéger par une SPAC? Thierry Lhoest, directeur chargé auprès de la FSMA du contrôle de l’information des sociétés, du reporting financier des émetteurs et de la surveillance des marchés financiers, l’explique avec un exemple chiffré simplifié. “Imaginons une SPAC constituée par des sponsors qui investissent 25.000 euros et reçoivent en retour 2.500.000 actions et 2.500.000 warrants. Cette mise de fonds relativement symbolique leur permettra de détenir à terme au minimum 20% de l’entité. A ce stade, chaque action représente un centime des fonds propres de la société.”

Le plancher temporaire propre aux SPAC permet à certains “hedge funds” de réaliser une opération intéressante.

Ensuite, les unités (composées d’une action et d’un warrant) sont proposées à des investisseurs institutionnels au prix de 10 euros. Cette opération génère la création de 10.000.000 d’actions nouvelles et de 10.000.000 de warrants. Après cette opération, chaque action représente maintenant 8 euros des fonds propres puisque les “sponsors” avaient acquis 20% de la société pour quasi rien.

Arrive ensuite l’IPO. Les actions et les warrants de la SPAC sont désormais cotés. Le prix d’introduction est de 10 euros, le cours évoluant évidemment ensuite au gré de l’offre et de la demande. Mais les frais d’introduction en Bourse, mettons 3 millions d’euros, viennent manger un peu plus le capital. Chaque action ne représente plus que 7,76 euros des fonds propres. Et à ce stade, la SPAC n’est toujours qu’une coquille vide. La dernière étape consiste justement à remplir cette coquille.

C’est le stade de la business combination, la fusion avec une société cible. Cette opération comporte évidemment des frais (avocats, consultants, actes notariés, etc.). Imaginons qu’ils s’élèvent à 4 millions. Une action ne représente dès lors plus que 7,44 euros des fonds propres. Bien sûr, si la SPAC a mis la main sur une belle société, sa valorisation pourra remonter. Mais pour que l’investisseur lambda retrouve sa mise et que la valeur de l’action remonte de 7,44 à 10 euros, il faudra que la valeur de l’entreprise cible, qui est le seul actif de la SPAC, augmente de plus de 34%.

Rendement de 68.000%…

Mais une des caractéristiques des SPAC est de permettre sous certaines conditions à un investisseur qui n’approuverait pas la business combination d’être remboursé au prix initial de 10 euros. Tant que cette clause peut être activée, le cours de Bourse de la SPAC restera toujours au minimum aux alentours de 10 euros. Pour la petite histoire, ce plancher temporaire propre aux SPAC permet d’ailleurs à certains hedge funds de réaliser une opération intéressante: après avoir participé au tour de table et acheté leurs unités (action et warrant) à 10 euros pièce, ils demanderont à être remboursés et conserveront le warrant, qu’ils auront donc eu pour rien. Mais imaginons qu’un quart des actionnaires n’approuvent pas la business combination. La SPAC devra donc rembourser 2,5 millions de titres. Le nombre de titres passe de 12,5 à 10 millions. Les fondateurs qui ont acheté leur titres 1 centime détiennent désormais 25% de la SPAC et les autres actionnaires sont dilués. La valeur par action tombe à 6,8 euros. Cela reste une très belle opération pour les sponsors qui ont acheté 0,01 euro une action qui en vaut 6,8, ce qui leur procure un joli rendement de 68.000%! Mais dans ce scénario, l’actionnaire lambda qui aura acheté son action 10 euros accuse dès le départ une perte de 32%.

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