Les bourses euphoriques… avant la catastrophe?

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Séance euphorique sur les marchés ce lundi. La bourse de Bruxelles (4,58 %, au dessus des 2.000 points), de Paris (+5,4%, au dessus des 3.000 points), Francfort (+4,6%), Madrid (+4,6%), et Londres (+2,8%) ont clôturé en très forte hausse. Les taux d’intérêt sur la dette des Etats à dix ans se sont également détendus : l’Italie (7,1%, -14 points de base) et l’Espagne (6,6%, -10 points de base). Quant aux bourses américaines, l’optimisme était également de mise. Le Dow Jones prenait 2,65% et le Nasdaq 3,62%.

A l’origine de cet enthousiasme, de simples rumeurs concernant des mesures permettant à l’Europe de sortir de la crise. Selon la presse allemande, Paris et Berlin seraient en en effet discussion pour créer un second Pacte de stabilité pour les six pays notés triple A en zone euro (Allemagne, France, Pays-Bas, Finlande, Luxembourg et Autriche). Plus contraignant il serait destiné à créer un cercle d’élite susceptible de redonner confiance aux marchés. Dans le même temps, seraient mises en place des euro-obligations (baptisées “obligations d’élite”), souscrites uniquement par ces mêmes pays notés triple A. Enfin, selon La Stampa, le FMI serait en discussion avec l’Italie pour mettre sur pieds un plan d’aide de 400 à 600 milliards d’euros.

Le problème, c’est que ces informations ne reposent sur aucun élément concret. Elles ont même été démenties par les principaux intéressés, Paris, Berlin et le FMI. La Commission européenne à quant à elle montré son hostilité au club des super-Européens. Mais vrais ou faux, ces signaux sont interprêtés par les marchés comme la preuve que des décisions importantes se dessinent à la veille du sommet des ministres des Finances qui se tient mardi et mercredi à Bruxelles et à quelques jours d’un sommet européen le 9 décembre. Lequel est à nouveau présenté comme décisif. Cet optimisme forcé est d’autant plus surprenant que de nombreuses mauvaises nouvelles ont émaillé cette journée. Des informations qui, à un autre moment, auraient probablement mis les marchés au tapis…

Moody’s menace toute l’Europe de dégradation

Les hostilités ont démarré dès dimanche avec Moody’s. Dans un “commentaire spécial sur l’Europe”, l’agence de notation – qui avait déjà menacé la note française lundi dernier – a ainsi déclaré que “l’aggravation ininterrompue de la crise de la dette publique et des banques de la zone euro menace la qualité de crédit de tous les pays européens”. Ce qui signifie qu’aucun pays, même parmi ceux jugés les plus solides, comme les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande, voire l’Allemagne, n’est à l’abri d’un abaissement de note. L’agence a également pointé ” la faiblesse des institutions ” européennes pour lutter contre la crise. En temps normal, une annonce aussi alarmiste aurait de quoi inquiéter les marchés. A titre de comparaison, l’avertissement de Moody’s lundi dernier sur la note française avait fait chuter la bourse de Paris de 3,4%…

La zone euro risque l’éclatement selon l’OCDE

L’Organisation de coopération et de développement économique envisage tous les scénarios sur l’avenir de l’euro dans son rapport semestriel. Y compris les pires. L’OCDE affirme qu’en cas de contagion de la crise de la dette à des Etats vulnérables (Italie ou Espagne notamment) les conséquences seraient “dévastatrices” pour tous les pays riches, du fait de la forte dépendance de leurs banques à la dette des pays en difficultés.

Par ailleurs, l’OCDE a pratiqué un recadrage brutal de ses prévisions de croissance pour 2011. La croissance mondiale (3,8% au lieu de 4,2%), la croissance américaine (1,7% au lieu de 2,6), ainsi que la croissance de la zone euro (1,6% au lieu de 2%), ont été revues en forte baisse. Même constat pour 2012, où la croissance en zone euro devrait être de 0,2% au lieu de 2%. L’institution ajoute que la zone euro semble être entrée “en légère récession” et devrait voir son économie stagner en 2012.

Le FESF va manquer de moyens

Erigé en pare-feu de la crise de la dette en Europe, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) n’aura pas de capacités de prêts aussi élevées que ce qui avait été décidé lors du sommet européen de Bruxelles. C’est le président du Fonds, Klaus Regling qui l’a confié lundi après-midi à la Commission du Budget allemand. Doté de 440 milliards d’euros, le FESF – chargé de racheter de la dette publique des Etats fragiles pour soutenir le niveau des taux d’intérêt – devait voir ses capacités de prêts multipliées par 5, grâce à un mécanisme d’assurance partielle et à la participation d’investisseurs hors de la zone euro.

Seulement voilà, “la situation a nettement empiré” à cause de l’aversion croissante des marchés pour la dette de la zone euro, a affirmé le président du FESF. L’effet de levier se porterait ainsi à trois ou quatre contrairement à cinq. Ainsi, le fonds ne disposera pas des 1.000 milliards d’euros de “maximisation” comme cela était prévu. Ce qui aurait été de toute façon insuffisant pour sauver des Etats comme l’Espagne ou l’Italie. Une donnée déjà anticipée par les marchés qui espèrent qu’avec les négociations en cours, l’Allemagne inflechira sa position sur le rachat d’obligations par la Banque centrale européenne.

Ali Bekhtaoui

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