Les banques accélèrent sur le leasing auto

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Changement dans les habitudes de déplacement, évolution dans les modes de consommation, montée en puissance de la voiture électrique: les grandes banques, qui cherchent à se rendre moins dépendantes du crédit, ne ménagent pas leurs efforts pour répondre à ces nouvelles tendances sur un marché du leasing automobile en croissance.

La location de voiture a le vent en poupe auprès des ban- quiers. La preuve dernièrement avec le rachat pour près de 5 milliards d’euros de la société de leasing néerlandaise LeasePlan par Société Générale. La plus grosse acquisition de l’histoire du groupe bancaire français, laquelle doit conduire à la création d’un géant du leasing automobile avec plus de trois millions de véhicules en gestion. Preuve également de cette accélération des banquiers sur le segment d’activité: BNP Paribas, première banque européenne, dont la filiale Arval, implantée dans 30 pays, a pour ambition de franchir la barre des deux millions de véhicules loués dans le monde d’ici 2025, contre environ un million et demi actuellement. Un objectif qui doit se traduire sur le plan financier par une croissance tout aussi importante du bénéfice brut: de 645 millions à… un milliard d’euros!

Cibler les particuliers

Mais pourquoi, au juste, cette accélération? L’activité qui voit les banques jouer aux loueurs de voiture n’est pas vraiment nouvelle. Moins gourmande en capitaux propres que le métier classique du crédit, elle est depuis longtemps un élément essentiel de la diversification des grands groupes bancaires, au-delà de la fourniture de voitures de société à leurs propres employés. Mais la donne change. La pression sur les revenus due à la persistance de taux d’intérêt peu élevés, la concurrence des nouveaux acteurs issus de la tech et les nouveaux usages en matière de mobilité poussent les institutions financières à explorer de nouvelles frontières. Exemple chez BNP Paribas Fortis où sa filiale Arval Belgique a choisi de s’associer à AG Insurance pour lancer Go4Lease, une formule de leasing privé pour les particuliers, également accessible aux indépendants et PME. Particularité de cette offre distribuée par le réseau de 4.000 courtiers affiliés à AG? Le volet assurance est géré par le courtier tandis que, pour les autres aspects du contrat de leasing, tels que le choix du véhicule et des options, l’entretien et les réparations, le client s’adresse directement à Arval.

“Fin 2020, nous avons lancé Arval Beyond, une nouvelle stratégie qui vise, entre autres, à proposer des formes de mobilité alternatives et à toucher un public plus large grâce à des partenariats avec d’autres entreprises, explique Laurent Loncke, CEO d’Arval Belgique, leader sur le marché chez nous. Le lancement de Go4Lease cadre avec cette stratégie de diversification de nos canaux de distribution et nos segments de clientèle. Quand le client parle assurance auto avec son courtier, il parle forcément voiture. Or dans un marché incertain lié à l’avènement de l’électrique, à l’introduction progressive de normes plus strictes pour les moteurs thermiques dans les villes, à une fiscalité complexe et changeante, beaucoup de personnes ressentent le besoin d’être guidées. Elles se posent beaucoup de questions et ne veulent pas nécessairement posséder une voiture, ce qui rend le leasing privé attractif.”

BNP Paribas Fortis, numéro 1 du leasing auto en Belgique

Le saviez-vous? Derrière la première banque belge se cache la première société de leasing auto du pays. Depuis 2017, Arval est en effet totalement intégrée dans BNP Paribas Fortis, la grosse filiale belge du groupe bancaire français BNP Paribas. L’entité est implantée dans 30 pays, en Europe et en Amérique du Sud, employant 7.200 personnes pour 300.000 clients (particuliers et entreprises).

Malgré la pandémie, elle a vu son parc progresser de plus de 6% en 2020 pour s’élever aujourd’hui à environ un million et demi de véhicules loués. Arval est leader du marché en France, en Italie, en Espagne, en Pologne, au Royaume-Uni et en Belgique. Chez nous, la société détient une part de marché d’environ 20% avec une flotte de 87.500 voitures et 2.600 vélos.

La société se spécialise dans le leasing opérationnel. “Nous achetons nous-mêmes les véhicules afin de les louer à nos clients pour une durée qui tourne en général autour de quatre ans, tout en y ajoutant une palette de services (assurance, entretien, paiement des taxes, etc.). C’est pour cette raison que nous parlons de leasing opérationnel. Notre métier consiste à estimer la valeur de revente résiduelle lors de la récupération de la voiture. Autrement dit, à gérer la valeur de risque en fin de contrat. Aujourd’hui, en raison de la crise, il y a une pénurie de voitures. Le marché de l’occasion est en hausse. Mais rien ne dit que ce sera encore le cas demain, tout cela peut fluctuer”, indique Laurent Loncke, CEO d’Arval Belgique.

Même constat chez Belfius (Auto Lease, 24.000 véhicules) où l’on s’attend à voir apparaître, dans les prochaines années, “un groupe de clients privés qui voudront opter pour l’utilisation d’une voiture en combinaison avec un service ‘sans souci’ plutôt que pour la propriété”, indique la porte-parole Ulrike Pommée.

Le boom de l’électrique

L’alternative gagne du terrain, en effet. Alors qu’il était encore un produit de niche voici quelques années, avec 1.500 véhicules, le marché du leasing privé totalise désormais chez nous plus de 23.500 unités, selon les chiffres avancés par AG. Le nombre de véhicules en leasing privé est encore plus élevé que dans certains pays qui nous entourent: aux Pays-Bas, toujours selon AG, près de 214.000 personnes con- duisaient une voiture en leasing privé en 2020, et le marché néerlandais a connu une multiplication par cinq en cinq ans.

Mais si le marché est en croissance, c’est aussi à cause de la montée en puissance de la voiture électrique. L’an dernier, pour la première fois, la part des véhicules à essence et diesel dans les nouvelles commandes chez Belfius Autolease a été inférieure à celle des voitures électriques ou électrifiées. Même tendance chez Arval où la part des nouvelles immatriculations de voitures électriques a été multipliée par quatre en 2021. Ici aussi: le phénomène s’accompagne de nouvelles perspectives pour les banquiers. “Notre objectif pour l’ensemble du groupe Arval est d’atteindre la barre des 700.000 voitures électrifiées d’ici trois ans, chiffre Laurent Loncke. De plus en plus d’entreprises, plus seulement les grandes mais aussi les PME, se posent des questions sur la manière de construire leur flotte de voitures de société électriques, alors que l’installation d’un nombre suffisant de bornes de recharge est un énorme défi. Une transition dans laquelle nous les aidons également, en cherchant des solutions sur mesure, y compris pour les vélos électriques en leasing.”

Laurent Loncke (ARVAL BELGIQUE):
Laurent Loncke (ARVAL BELGIQUE): “Les usages évoluent rapidement et les alternatives à l’achat d’un véhicule se multiplient.”© PG

“Netflixisation”

La situation est comparable chez Belfius où “les entreprises et leurs employés font appel à nous pour les aider dans le choix de leur voiture de fonction, choix qui n’est pas facile en raison des questions fiscales et des nouvelles technologies”, précise Ulrike Pommée. Des concepts tels que le Total Cost of Ownership sont importants dans ce contexte. Le prix d’achat d’une voiture est une chose, mais il faut aussi tenir compte de tous les autres éléments de coût. Par exemple, une voiture électrique qui semble chère au premier abord peut être beaucoup moins chère qu’une voiture traditionnelle à moteur à combustion interne.

Formatés aux formules d’abonnement à la Netflix, les jeunes cherchent moins à investir dans l’achat d’une voiture.

N’oublions pas non plus, comme le souligne Laurent Loncke, que “les jeunes sont aujourd’hui formatés à l’abonnement mensuel dans plusieurs secteurs dans leur quotidien. Ils sont habitués aux formules Netflix, Spotify ou Basic-Fit. La jeune génération cherche moins que l’ancienne à être propriétaire et à investir dans une voiture. Ils préfèrent mensualiser l’utilisation et l’entretien de leur voiture”. Ou de leur vélo. Une option vers laquelle se tournent en effet de plus en plus de Belges pour aller travailler, comme en témoigne la belle flotte de 23.000 vélos électriques “leasés” par KBC Autolease, selon le chiffre avancé par son CEO Stefan Delaet, parlant également d’une “vraie tendance structurelle”.

“Beyond banking”

Cherchant à se diversifier, les banques se font aussi compétition sur le terrain de la mobilité en jouant une carte de plus en plus à la mode: celle de fournisseur de solutions de mobilité flexible et durable. Exemple chez Belfius avec sa formule Belfius Move by Skipr qui propose une solution digitale permettant de planifier, réserver et payer ses déplacements en combinant différents moyens de transport, tout en choisissant l’itinéraire le plus court et le plus écologique. “Il est important pour Belfius de soutenir le thème de la mobilité et de la durabilité sous tous ses aspects, soutient Ulrike Pommée. Cela signifie que ce n’est pas seulement la voiture qui est importante, mais des solutions de mobilité globales qui contribuent à réduire l’empreinte écologique de nos clients et de nous-mêmes. De son côté, KBC (et CBC) offre sur son appli la possibilité d’acheter un ticket de train ou de bus, de payer sa place de parking, d’avoir accès aux services de Cambio et de Blue-bike, et pour ceux qui ont une voiture de société chez KBC Autolease d’en gérer certains aspects (pneus hiver, etc.).

Quant à BNP Paribas Fortis, la banque est entrée l’an dernier avec AG au capital de la start-up gantoise Optimile, spécialisée dans le développement d’un logiciel qui permet la recharge de véhicules et une application favorisant la mobilité multimodale. Un rapprochement grâce auquel BNP Paribas Fortis renforce elle aussi encore son offre beyond banking afin d’offrir toujours plus de services extra-bancaires liés notamment à la mobilité durable, axe de développement stratégique pour la banque (son tout nouveau siège abrite d’ailleurs 330 emplacements pour vélos et 160 bornes de recharge). “A côté de la voiture, situe Laurent Loncke, nous voulons proposer de plus en plus des solutions de mobilité supplémentaires, afin que nos clients puissent combiner différents moyens de transport. Les usages évoluent rapidement et les alternatives à l’achat d’un véhicule se multiplient. C’est un changement complet de notre business model : nous devenons conseiller et fournisseur en mobilité durable. Cette dernière constitue un écosystème porteur pour les banques. Elle peut être une porte d’entrée pour d’autres aspects du beyond banking: habitat, énergie, etc. Qui sait, un jour peut-être, nous proposerons par exemple aux clients des services qui leur permettent de gérer leur facture d’électricité.” Manière de dire que la mobilité est en train d’entrer de façon durable dans le monde bancaire.

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