Le retour décomplexé des banques à Davos

© Reuters

Fini les excuses. Après s’être fait discrètes ces deux dernières années, les banques réapparaissent en force au Forum économique mondial. Et elles comptent bien obtenir des concessions sur la régulation financière.

Le temps de la discrétion et des remords est passé. Pour Wall Street, le moment est venu de tourner la page et d’affronter les projecteurs des médias au Forum économique mondial de Davos. Au plus fort de la crise en 2009, les dirigeants de Citigroup, Barclays, Morgan Stanley et Bank of America n’avaient pas osé venir à la grande réunion annuelle qui rassemble le gotha des affaires et de la politique. L’année suivante, certains avaient participé, tout en gardant profil pas. Cette année, les dirigeants sont tous là, la tête haute.

Les banques se sont toutes refait une santé en 2010. JPMorgan a vu son bénéfice bondir de 48%. Morgan Stanley est revenue largement dans le vert, de même que Citigroup, ce qui a permis au Trésor de solder sa participation dans la banque.

Boostées par des profits records, elles ne se cachent plus pour mettre en avant leurs revendications. “Les banquiers et lobbies y vont avec de longues listes de règles qu’ils aimeraient édulcorer ou supprimer”, affirme le Wall Street Journal. Car d’après les banquiers, la situation est sous contrôle. Trois PDG de banques interrogés par le Financial Times ont ainsi assuré que la leçon de la crise avait été apprise : leur banque maîtrise la gestion du risque, les gouvernements doivent “passer à autre chose” et de toute façon, les régulateurs, par définition “dépassés”, sont incapables de comprendre les nouveaux produits. Le message est simple : n’essayez même pas de réguler, vous n’y arriverez pas et en plus ce sera nocif pour l’économie.

Edulcorer les nouvelles règles Dans le collimateur des lobbies, les nouvelles exigences de capital de Bâle 3, mais aussi certaines dispositions de la loi américaine Dodd-Franck.

Les arguments sont bien rodés. Si les banques se conforment aux normes prudentielles dites de Bâle 3, elles pourront moins prêter et cela plombera la reprise. Autre variante : un des effets pervers des normes sera d’inciter les banques à accumuler des obligations publiques, alors même que la crise actuelle de la dette européenne nous montre qu’elles peuvent s’avérer risquées…

Les lobbies ont déjà réussi à repousser à 2018 l’application des nouvelles règles. Mais certains pays comme la Suisse demandent à leurs banques de s’y adapter en avance. Le Royaume-Uni envisage même d’adopter des standards encore plus stricts que Bâle. Les lobbies bancaires vont donc tenter de dissuader les gouvernements de faire autant de zèle.

L’un des volets contestés de Bâle 3 est l’établissement d’une liste de banques dites systémiques, préalable à la définition de normes plus strictes. “Cela poussera à différencier celles-ci aux yeux du marché et il y a un risque que cela encourage la concentration”, ce qui aggravera le problème plutôt que le résoudre, a déclaré lundi le PDG de Société Générale Frédéric Oudéa dans une réunion préalable à Davos.

Quant à la réforme de Wall Street, les lobbies vont s’attaquer à la fameuse règle Volcker qui vise à limiter le trading pour compte propre. Selon le Financial Times, les banques vont esssayer de convaincre que cette activité lucrative n’était pas un facteur clé de la crise financière. Elles vont également chercher à démonter l’idée selon laquelle les banques “too big to fail” devraient être démantelées.

Pour Phillip Thorpe, le président de l’autorité de régulation du Qatar qui s’est confié au New York Times, l’attitude désinvolte des banques va inévitablement conduire à une nouvelle crise.

Laura Raim

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