Le désespoir des clients de Celsius, plateforme déchue de cryptomonnaie

Celsius © Belga

Depuis que l’entreprise s’est déclarée en faillite mi-juillet, des centaines de lettres d’anciens utilisateurs sont parvenues au tribunal, chargées de colère, de honte et, souvent, de regrets.

Un Irlandais sur le point de perdre sa ferme, un Américain habité de pensées suicidaires, une veuve de 84 ans qui a perdu toute son épargne: les clients de la plateforme de placements en cryptomonnaies Celsius sont désespérés.

“Je savais qu’il y avait des risques”, déclare par exemple un client, qui n’a pas signé son témoignage. “Cela semblait valoir la peine”. Celsius était l’un des acteurs les plus importants de ce secteur, qui prêtent de l’argent et rémunèrent des dépôts, jouant sur le terrain de banques sans offrir les mêmes garanties. La plateforme proposait des taux d’intérêt à plus de 18% pour les épargnants, mais à 0,1% pour les emprunteurs. Elle comptait 1,7 million de clients en juin.

Mais face à la plongée des cryptomonnaies – le bitcoin a perdu plus de 60% depuis novembre – plusieurs entreprises ont gelé les retraits et/ou se sont placées sous le régime américain des faillites. “De la mère célibataire texane qui travaille dur et peine à payer ses factures, à l’instituteur indien qui avait placé son argent durement gagné sur Celsius – je crois que je m’exprime au nom de tous quand je dis que je me sens trahi, honteux, déprimé et énervé”, a écrit “E.L.”, un client.

Celsius et son patron, Alex Mashinsky, avaient assuré que la plateforme était un lieu sûr pour déposer ses cryptomonnaies. Elle doit désormais 4,7 milliards de dollars à ses clients.

“Effondré”

Leurs lettres, accessibles sur la base de données publique du tribunal, racontent des conséquences souvent dramatiques, que la perte se chiffre en centaines ou en millions de dollars. Elles viennent du monde entier, d’amateurs de crypto peu expérimentés aux évangélistes de ces nouveaux actifs. Ils s’accordent quasiment tous sur un point: leur confiance a été trahie.

“Alex Mashinsky m’a complètement menti”, a déclaré l’un d’entre eux, qui se définit comme “un client fidèle de Celsius depuis 2019”. “Alex disait que Celsius était plus sûr que les banques”, a-t-il ajouté.

Le 7 juin encore, Celsius se vantait “d’avoir l’une des meilleures équipes de gestion du risque au monde”. “Nous avons déjà traversé d’autres baisses des cryptos (c’est notre quatrième!). Celsius est prêt”, indiquait la firme. Elle assurait avoir les réserves pour payer ses obligations. Les retraits fonctionnaient normalement. Mais tout a basculé le 12 juin, quand elle a annoncé le gel.

Sans cela, explique-t-elle alors, les retraits se seraient “accélérés”, permettant “à certains clients – les premiers à agir – d’être entièrement remboursés, laissant les autres derrière à attendre”. Il s’agit, promet-elle, de se restructurer pour “maximiser la valeur pour toutes les parties prenantes”. Certains clients reçoivent alors un message de la société.

“Quand j’ai fini de lire l’e-mail, je me suis effondré par terre, ma tête entre les mains, essayant de retenir mes larmes”, relate un homme qui avait environ 50.000 dollars d’actifs entreposés chez Celsius.

Stress et honte

En tant qu’entreprise privée, dans un secteur non régulé, Celsius avait peu d’obligations à remplir. “La majorité de ces sociétés ont fait des prêts sans garantie ou avec des garanties insuffisantes“, explique Antoni Trenchev, cofondateur de Nexo, une autre plateforme crypto qui, selon lui, s’en est tirée grâce à une politique de prêt plus stricte et une “gestion prudente du risque”.

Des clients qui se disent plus durement touchés, y compris un individu qui affirme avoir placé 525.000 dollars empruntés au gouvernement, avouent avoir envisagé le suicide. D’autres évoquent le stress, la perte de sommeil et leur honte profonde d’avoir risqué leur épargne ou leurs fonds mis de côté pour payer l’université de leurs enfants.

L’une des clientes est une femme de 84 ans, qui s’était décidée à placer ses 30.000 dollars d’économies en cryptomonnaies sur Celsius un mois avant le gel des retraits. Les victimes espèrent que le tribunal qui gère le processus de faillite va les aider à récupérer au moins une partie de leur argent. Cela pourrait prendre des années.

“Evidemment je suis désolé pour tous ceux qui ont perdu leurs fonds de cette manière”, a déclaré à l’AFP Don Coker, un expert juridique en banque et finance. “Mais c’est un domaine où ils doivent être conscients des risques”.

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