Philippe Ledent

La tempête se calme

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Si la plupart des analystes prévoient un reflux de l’inflation en 2022, peu considèrent qu’elle reviendra à son niveau très faible des années précédentes.

L’année 2021 restera exceptionnelle à plus d’un titre. Rarement dans le passé a-t-on, par exemple, assisté à des hausses aussi considérables des prix des matières premières et de l’énergie. Ces hausses ont été largement commentées, tant sur leurs causes que sur leurs conséquences. Ceci étant, même si les prix des matières premières ont (malheureusement) à nouveau laissé la place au covid en tête d’affiche médiatique, leur situation évolue rapidement.

On observe en effet que les prix d’importantes matières premières ont commencé à diminuer, et ceci depuis plusieurs semaines. On peut donc bien parler de correction. La baisse est particulièrement visible dans le cas du minerai de fer, dont le prix avait été multiplié par trois entre mi-2020 et août 2021. D’autres métaux semblent avoir touché leur maximum, sans pour autant être revenus au niveau pré-crise. On pense ici à l’aluminium (même si dans ce cas, la correction est très récente donc probablement encore trop fragile) ou au cuivre. Dans un autre domaine, le prix du bois semble aussi revenir à la raison alors qu’il avait été multiplié par cinq depuis le coeur de la crise du covid.

Si la plupart des analystes prévoient un reflux de l’inflation en 2022, peu considèrent qu’elle reviendra à son niveau très faible des années précédentes.

Sur les marchés tant médiatisés de l’énergie, les nouvelles sont aussi plutôt rassurantes. Le prix du gaz, qui avait en intraday dépassé le prix de 150 euros/MWh, a baissé de moitié par rapport à ce niveau exceptionnel. Il en va de même pour le prix de l’électricité. Rappelons enfin que même si le prix du baril de pétrole se maintient largement au-dessus des 80 dollars, on est dans ce cas très loin des records de 2008 (140 dollars) ou de 2011 (126 dollars).

Ces évolutions récentes sont une bonne nouvelle pour l’inflation. Même s’il faudra attendre un peu, cela démontre au moins qu’elle ne va pas indéfiniment grimper. Ceci étant, il faut aussi avouer que jusqu’à présent, seul l’effet direct de la hausse des prix de l’énergie s’est fait ressentir sur l’inflation. A l’inverse, la hausse des prix des matériaux, donc de ce qui compose tous nos biens de consommation courante, a eu jusqu’à présent peu d’effet sur les prix des biens finis. Or, toute la question est de savoir si justement ces hausses percoleront, un peu, beaucoup ou même entièrement jusqu’à ceux-ci. Si c’est le cas, la baisse attendue de l’inflation grâce à la stabilisation des prix de l’énergie, même à un niveau élevé, pourrait être compensée par des hausses de prix de biens et services courants. De même, il faudra rester attentif à la hausse des salaires qui résulte justement de la forte inflation actuelle. Car cela correspond aussi à des hausses de coûts pour les entreprises que certaines d’entre elles seront en mesure de reporter sur leur prix de vente.

Il faut donc retenir deux choses de ce qui précède: d’une part, dans une situation de reprise, mais aussi de désordre logistique et d’approvisionnement, les évolutions de prix de l’énergie et des matières premières sont très volatiles. Les corrections peuvent donc être tout aussi violentes que les hausses qui les précèdent. D’autre part, si la plupart des analystes prévoient un reflux de l’inflation dans le courant de l’année prochaine, peu considèrent qu’elle reviendra à son niveau très faible des années précédentes, en raison des effets retardés et de second tour.

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