La Chine déverrouille l’accès à son gigantesque marché de la dette

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La Chine a déverrouillé lundi son gigantesque marché obligataire pour offrir aux investisseurs étrangers un large accès à la dette libellée en yuans: un nouvel effort de libéralisation de la part de Pékin, soucieux d’attirer des capitaux extérieurs.

Le mécanisme “Bond Connect”, inauguré lundi à Hong Kong, permet désormais aux investisseurs du monde entier d’acheter plus aisément, via l’ex-colonie britannique, des obligations en yuans émises en Chine continentale par des autorités ou des entreprises.

Le dispositif entend faciliter l’accès au troisième marché obligataire du monde, évalué à 10.000 milliards de dollars, mais dont les investisseurs étrangers ne contrôlent qu’à peine 1,5%.

“Cela consolidera l’ouverture des marchés financiers chinois”, a martelé lundi la banque centrale (PBOC).

Le régime communiste avait déjà entrouvert ses marchés d’actions, en lançant en 2014 et 2016 deux plateformes connectant les Bourses de Shanghai et Shenzhen à la place hongkongaise. Par ailleurs, Pékin promeut activement l’internationalisation du yuan, que ce “Bond Connect” devrait conforter.

L’ouverture reste néanmoins limitée: les autorités continuent de contrôler étroitement les flux de capitaux transfrontaliers et d’encadrer la convertibilité de la devise.

“En facilitant les investissements, le Bond Connect va attirer plus de fonds étrangers, et générer une base d’investisseurs élargie”, a cependant réagi Helen Wong, directrice de HSBC en Chine.

La banque britannique a assuré dans un communiqué avoir bénéficié dès lundi du dispositif pour souscrire à une émission de l’établissement public Agricultural Development Bank of China.

Les efforts de Pékin pour assouplir ses réglementations avaient déjà convaincu la société américaine de services financiers MSCI d’inclure le mois dernier dans ses influents indices les titres cotés sur les Bourses chinoises.

Désormais, “la voie est (également) ouverte à l’inclusion d’obligations chinoises dans de grands indices mondiaux”, avance Mme Wong.

Accès facilité

Hong Kong, territoire chinois au cadre juridique autonome, conserve un système financier grand ouvert à l’international.

De quoi en faire une porte d’accès idéale pour rassurer “les investisseurs qualifiés” visés par le Bond Connect — fonds souverains, mais aussi banques commerciales, assureurs, sociétés de courtage et fonds d’investissements.

Jusqu’alors, seule une poignée d’investisseurs institutionnels avaient été autorisés à accéder au marché obligataire chinois, et 85% de leurs placements étaient limités aux obligations souveraines et émissions des banques publiques.

Ce nouveau mécanisme “correspond aux besoins des petites firmes financières étrangères, qui étaient désarçonnées par les obstacles réglementaires”, se réjouit Ba Shusong, professeur de finance à l’Université de Pékin, dans une tribune au journal Diyi Caijing.

D’après Standard Chartered, le programme pourrait attirer jusqu’à 100 milliards de yuans de capitaux (14,7 milliards de dollars) au deuxième semestre 2017.

Et les volumes devraient s’étoffer avec le temps, estime dans une note Dariusz Kowalczyk, stratégiste du Crédit Agricole: selon lui, sur les seules obligations souveraines et émissions de banques de politique publique, les placements étrangers “pourraient être multipliés par neuf d’ici 2021 pour dépasser 900 milliards de dollars”.

Prudence

La Chine, engagée dans un douloureux rééquilibrage de son modèle économique, a tout intérêt à encourager le recours aux investisseurs étrangers pour répondre aux besoins de liquidités de ses entreprises privées.

Négligées par les banques étatiques, ces dernières se tournent fréquemment vers une tentaculaire “finance de l’ombre” non régulée que les autorités cherchent justement à endiguer.

Pour autant, certains analystes observaient le “Bond Connect” avec circonspection.

“Il y a un effet d’annonce, mais on peut douter que cela fera une grosse différence à court terme. Après tout, le marché des obligations était ouvert aux institutions étrangères (qualifiées) depuis début 2016” avec un succès extrêmement limité, prévenait-on chez Capital Economics.

Par ailleurs, le dispositif intervient à l’heure où Pékin s’efforce de dégonfler la folle envolée de la dette publique et privée dans le pays (250% du PIB) en durcissant sa politique monétaire.

Fruit de ce serrage de vis: en l’espace d’un an, des entreprises ont annulé ou reporté des émissions obligataires pour un total atteignant 340 milliards de yuans (50 milliards de dollars) selon l’agence Bloomberg. Au point qu’en mai, le volume des obligations d’entreprises arrivant à maturité excédait celui des nouvelles émissions.

Sur fond d’accélération des défauts de paiement d’entreprises dans le pays, ce contexte pourrait donc tempérer l’enthousiasme des investisseurs: or, les émissions d’entreprises constituent 15% du marché.

Le taux des obligations souveraines chinoises, en revanche, demeure très attractif: 3,6% pour l’emprunt à 10 ans.

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