La BCE va donner un coup d’accélérateur à ses rachats de dette

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La Banque centrale européenne a annoncé jeudi qu’elle prévoyait d’accélérer le rythme de rachats de dette dans le cadre de son programme d’urgence contre la pandémie (PEPP), sans en augmenter l’enveloppe totale, afin de calmer la nervosité des marchés face une récente hausse des taux obligataires.

La BCE relève ses prévisions d’inflation pour 2021 et 2022

La Banque centrale européenne a relevé ses prévisions d’inflation à 1,5% pour 2021 et 1,2% pour 2022, en raison de “facteurs temporaires” et de la hausse des prix de l’énergie, a indiqué jeudi la présidente de l’institution Christine Lagarde.

Mme Lagarde a toutefois écarté la perspective d’un retour en force de l’inflation, l’indicateur restant loin de l’objectif proche de 2% visé par l’institution. Les précédentes prévisions de décembre faisait état d’une inflation attendue à 1,0% en 2021 et 1,1% pour 2022. La prévision est inchangée pour 2023 à 1,4%.

A l’issue d’une réunion du conseil des gouverneurs, l’institution a, comme attendu, confirmé dans l’ensemble son imposant dispositif de soutien à l’économie en zone euro alors que la prolongation des mesures anti-Covid dans plusieurs pays a éloigné les perspectives de reprise.

Sa principale arme, le programme de rachats de dette privée et publique (PEPP) lancé en mars face à la première vague d’infections, pour maintenir des conditions de financement favorables, doit toujours porter sur 1.850 milliards d’euros à utiliser d’ici mars 2022.

Mais le Conseil des gouverneurs prévoit que le rythme des achats au titre du PEPP sera “nettement augmenté au cours du trimestre à venir par rapport aux premiers mois de l’année”, selon le communiqué.

Une décision prise “dans le but d’éviter un resserrement des conditions de financement incompatible avec la lutte contre les effets à la baisse de la pandémie sur la trajectoire projetée de l’inflation”, explique l’institut.

Le volume du programme pourra aussi être “recalibré” en cas de “choc négatif” lié à la pandémie sur le niveau d’inflation qui est le principal objectif poursuivi par l’institution.

A contrario, l’enveloppe pourra ne pas être entièrement utilisée si la BCE juge que les achats déjà effectués suffisent à maintenir de bonnes conditions, ajoute le communiqué.

L’autre programme plus ancien, dénommé “QE” (“Quantitative Easing” ou “Assouplissement quantitatif”), a lui été maintenu à son rythme actuel de 20 milliards d’euros par mois, sans donner d’horizon de temps.

Les établissements qui prêteront assez d’argent aux acteurs économiques pourront emprunter à la BCE à un taux jusqu’à 50 points de base inférieur à celui du taux de dépôt, maintenu jeudi à -0,50%, son plus bas historique.

Ce dernier continuera à s’appliquer aux liquidités bancaires dormant au guichet de la BCE, faute d’être distribuées sous forme de crédits.

La BCE maintient ses taux directeurs inchangés

La Banque centrale européenne (BCE) a, comme attendu, maintenu jeudi ses taux directeurs à leur plus bas historique, avant une conférence de presse où toute déclaration sera guettée après les tensions sur les taux obligataires et les craintes d’un retour de l’inflation.

Le taux directeur servant dans le refinancement des banques à court terme a lui été maintenu à zéro, niveau auquel il campe depuis 2016.

Cet arsenal doit permettre aux Etats, entreprises et ménages d’emprunter à bas coût pour stimuler l’investissement et l’emploi, et in fine les prix.

Le conseil des gouverneurs reste prêt à “ajuster ses instruments, de façon adéquate” pour gagner son pari sur l’inflation, a encore affirmé l’institution.

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, commentera ces décisions à partir de 13H30 GMT, un exercice durant lequel ses propos sur la remontée des taux obligataires et craintes d’un retour de l’inflation seront scrutés de près.

Plainte en Allemagne contre les aides de la BCE

Un groupe de seize hommes d’affaires et universitaires a indiqué jeudi avoir saisi la Cour constitutionnelle allemande contre le programme d’urgence lancé en mars 2020 par la Banque centrale européenne en réponse à la pandémie de Covid-19.

Ces aides, prenant la forme de rachats massifs de dette, principalement publique, sous le nom de “PEPP”, est “un cas flagrant de financement public” illégal des Etats, déclare Markus Kerber, professeur d’économie à l’Université TU de Berlin et à la tête du groupe de requérants, dans un communiqué. Les traités européens interdisent à la BCE d’aider au financement direct des gouvernements de la zone euro en recourant à la “planche à billets”.

Ce programme de soutien à l’économie doit être confirmé jeudi par la BCE à l’issue de sa réunion de politique monétaire, en portant sur une enveloppe de 1.850 milliards d’euros à engager d’ici mars 2022.

La requête contre le programme PEPP a été déposée le 8 mars devant la Cour de Karlsruhe, a confirmé un porte-parole à l’AFP.

En décidant il y a un an d’utiliser cette arme destinée à juguler l’impact négatif sur les économies lié à la pandémie, la BCE est “sortie définitivement de son cadre de compétences”, ajoute M. Kerber.

Ce dernier avait déjà traîné l’institution gardienne de l’euro devant le juge suprême allemand dans deux affaires similaires déjà jugées et liées aux rachats illimités de dette (OMT) lancés en 2012 face à la crise de la dette, puis l’an dernier sur l’assouplissement quantitatif ou “QE” datant de 2015 pour éloigner le spectre de la déflation en zone euro.

La Cour suprême allemande va désormais se pencher sur la recevabilité de cette requête, sans donner d’horizon de temps.

Dans l’arrêt sur le “QE” de mai 2020, qui laissait de côté le “PEPP” démarrant à peine, les juges avaient fait sensation en donnant trois mois à la BCE pour justifier ses rachats de dette publique par milliards, puisqu’ils sortaient de son strict rôle de pilotage des taux.

Ce coup de semonce, réglé depuis, avait fait peser temporairement une menace sur les programmes de soutien de la BCE à la zone euro et sur l’avenir de la monnaie unique dans son ensemble.

Dans ce même arrêt, les juges ont affirmé que les rachats de dette dans le cadre de tout programme devaient comporter des limites, ne concerner que des titres avec des notations financières minimales et respecter la clé de répartition des pays dans le capital de la BCE.

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