La BCE réduit de moitié son soutien à l’économie dès janvier

Mario Draghi © Reuters

La Banque centrale européenne va conserver “un niveau élevé” de soutien à l’économie, a déclaré Mario Draghi ce jeudi, alors que la BCE a entamé un virage monétaire en décidant de la réduction, largement anticipée, de son imposant programme de lutte contre la crise en zone euro, tout en laissant ses taux inchangés.

“Un degré élevé de stimulation monétaire demeure indispensable”, a déclaré à la presse M. Draghi, dans une formule codifiée reflétant la position d’équilibriste du patron de l’institution face à la presse.

D’un côté, a-t-il souligné, l’inflation en zone euro “n’est toujours pas” conforme à l’objectif de la BCE, soit un niveau inférieur mais proche de 2% à moyen terme, justifiant le maintien d’une politique accommodante. Lors de sa précédente réunion en septembre, l’institution de Francfort avait d’ailleurs abaissé ses prévisions d’inflation à 1,2% en 2018 et 1,5% en 2019, après 1,5% en 2017, nettement en dessous de son niveau cible.

Malgré les appels à fermer le robinet de l’argent facile, comme l’avait fait plus tôt et plus nettement la Réserve fédérale américaine, la BCE conserve donc à la fois des taux bas et une politique active de soutien au crédit, donc à l’activité économique.

L’institution restreint certes de moitié le rythme mensuel de ses rachats de dette privée et publique à partir de 2018, mais se ménage la possibilité d’augmenter de nouveau ce programme baptisé “QE”.

“Si les perspectives deviennent moins favorables, (…) nous sommes prêts à accroître le volume et/ou allonger la durée de notre programme d’achats d’actifs”, a réaffirmé M. Draghi, affichant une stratégie flexible et réversible d’abandon du QE.

Mais par ailleurs, le banquier italien a abandonné son plaidoyer habituel pour une orientation “très accommodante” de la politique monétaire, et a insisté sur la “confiance croissante” de l’institution dans les perspectives de croissance et d’inflation.

Adoptant un ton un peu plus optimiste que d’habitude, il a parié sur une “convergence graduelle des taux d’inflation” vers l’objectif de la BCE, poussés par “l’expansion économique de plus en plus solide et large” et la progression des indices de prix hors énergie et alimentation.

30 milliards par mois

Les rachats de dettes publiques et privées effectués au rythme de 60 milliards d’euros par mois, parvenant à échéance fin décembre 2017, vont donc être réduits à 30 milliards d’euros mensuels entre janvier et septembre 2018, conformément au scénario attendu par la majorité des observateurs, a annoncé l’institution.

La BCE réaffirme en revanche se ménager la possibilité d’augmenter ce montant si les perspectives devaient s’assombrir dans la zone euro et qu’elle ne procédera à une remontée de ses taux d’intérêt que “bien après” la fin des rachats d’actifs.

Les taux directeurs n’ont pas évolué jeudi, le principal taux de refinancement des banques, pour se procurer de l’argent frais, a été maintenu à zéro, tandis que les banques vont devoir continuer à payer pour déposer auprès de la BCE des liquidités dont elles n’ont pas d’utilité immédiate (taux de dépôt à -0,40%).

Ces annonces ont fait baisser l’euro, qui cotait 1,1760 dollar, tandis que la Bourse de Francfort a rebondi, l’indice Dax passant de +0,30% à +0,53% juste après le communiqué de la BCE.

Pas de ‘big bang’

L’institut n’a cessé à ce jour de souligner que le programme de rachats de dettes, baptisé “QE” (Quantitative easing), soutient l’offre de crédit des banques et stimule par ricochet à la fois la croissance et l’inflation.

Or, comme l’économie dans la zone euro enchaîne des chiffres encourageants de croissance et comme le risque de déflation a été écarté, cela rend moins impérieux l’emploi d’un lourd arsenal monétaire.

La BCE reste cependant loin de crier victoire sur le terrain de l’inflation dans la région, dont le taux reste éloigné du niveau cible “proche mais inférieur” à 2% en glissement annuel.

La hausse des prix a été de 1,5% sur un an en septembre, comme en août, et elle est appelée à ralentir au creux de l’hiver en raison d’effets de base sur les prix de l’énergie.

Ce contexte requiert aux yeux de la BCE de maintenir un cap expansif de sa politique.

“La décision du jour est un changement de cap mais avec la manière douce, pas un big bang dans la politique monétaire de la BCE”, a réagi Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.

Risque politique

Une raison plus technique a pu forcer la BCE à réduire la voilure, car après avoir acheté pour près de 2.300 milliards d’euros d’obligations entre mars 2015 et fin 2017, l’institut risque d’ici quelques mois de ne plus trouver assez de titres à acheter sur le marché.

Entamé en septembre, le débat sur la stratégie de sortie des mesures de crise revêtait un caractère inédit pour la BCE.

La situation politique dans la zone euro reste tendue, avec la crise en Espagne et des élections à l’issue incertaine en Italie. Un arrêt trop brutal du soutien à l’économie pourrait faire ressurgir les craintes des investisseurs concernant la dette des pays fragiles.

Le taux de change de l’euro joue aussi un rôle important dans la prudence de la Banque centrale européenne, qui contraste avec le tour de vis monétaire plus précoce et plus ferme de la Réserve fédérale américaine.

En septembre, Mario Draghi avait clairement expliqué que le risque d’un euro trop fort le préoccupait, puisque le haut niveau de la monnaie unique pénalise les exportations tout en rendant les importations meilleur marché, ce qui peut finir par peser à la fois sur la croissance et l’inflation.

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