La BCE prête pour la seconde mi-temps du tour de vis monétaire
La Banque centrale européenne pourrait décider jeudi de ralentir le rythme des hausses de taux d’intérêt, portée par l’espoir de voir la courbe de l’inflation approcher de son sommet.
La BCE a opéré depuis juillet un tour de vis monétaire sans précédent dans son histoire, relevant ses taux de 2 points de pourcentage au total pour tenter de juguler l’envolée des prix, tirés par les coûts de l’énergie, dans le sillage de la guerre russe en Ukraine. La réunion du Conseil des gouverneurs jeudi devrait siffler la fin de la “première mi-temps de normalisation” de la politique monétaire après plusieurs années de taux exceptionnellement bas, selon le patron de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Ce dernier plaide en faveur d’un relèvement des taux ramené à 0,50 point de pourcentage, après deux hausses “jumbo” de 0,75 point en septembre et octobre qui ont montré la détermination de la BCE à porter le fer contre les prix élevés. L’inflation en zone euro a un peu reculé en novembre, à 10% contre 10,6% le mois précédent, grâce à l’accalmie dans la flambée des prix de l’énergie.
“Il est probable que nous soyons proches du pic d’inflation”, a déclaré avec une infinie précaution le chef économiste de la BCE Philip Lane dans une interview avec le journal italien Milano Finanza. Même si le léger tassement de l’inflation “en dit peu sur l’impact des hausses de taux décidées jusqu’à présent”, cela pourrait “au moins rendre d’autres hausses jumbo moins urgentes“, abonde Carsten Brzeski, économiste chez ING.
Dans un scénario de hausse de 0,5%, qui emporte l’adhésion de la majorité des économistes, le taux sur la facilité de dépôts, qui fait référence, serait porté à 2%.
Comme la Fed ?
La BCE pourrait ainsi imiter la Réserve fédérale américaine, qui se réunit mercredi, et pourrait ralentir la cadence après quatre hausses consécutives de 0,75%. Cependant, certains “faucons” au conseil de la BCE ne cachent pas être favorables à une nouvelle hausse de 0,75%. Membre influente du directoire de la BCE, l’Allemande Isabel Schnabel juge “limitée” “la marge permettant de ralentir le rythme du resserrement monétaire.
La hausse des prix reste encore très éloignée de l’objectif de 2% visé à moyen terme par les gardiens de l’euro. L’institut monétaire veut donc continuer à relever ses taux même en risquant de bloquer encore plus l’économie, au bord d’une récession hivernale. Car le ralentissement de l’activité ne suffira pas à lui seul à faire baisser les prix, selon les experts.
Pour se décider, les vingt-cinq membres du Conseil des gouverneurs disposeront de nouvelles prévisions économiques élargies à 2025. L’inflation “devrait rester très supérieure à 2% en 2023 et 2024”, du fait des hausses de salaires pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat causées par la crise énergétique, prédit Eric Dor, directeur des Études économiques à l’école de commerce IESEG.
Les soutiens budgétaires apportés aux ménages et aux entreprises sont aussi susceptibles d’entretenir une forte demande et donc d’être inflationnistes. Ces aides font aussi que la zone euro “est mieux préparée que prévu pour la saison froide”, selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg, qui prévoit une reprise sensible de l’activité au sortir d’une “récession prononcée” cet hiver.
Réduction du bilan
Lutter contre l’inflation passe aussi par le fait de siphonner les liquidités abondantes dans les comptes des banques. Pour cela la BCE a durci en octobre les conditions d’anciens prêts géants aux banques (TLTRO). Cette politique porte ses fruits car les établissements se sont dits prêts à rembourser près de 750 milliards de prêts par anticipation, sur un encours de 2.100 milliards.
Les marchés attendent aussi de voir comment la BCE va définir son programme dit de “resserrement quantitatif”, soit la réduction du stock de dette à son bilan – plus de 5.000 milliards d’euros – qui démarrera l’année prochaine. La BCE, prévoit Eric Dor, agira ici “de manière très prudente et progressive, pour examiner quel est son impact sur les marchés”, particulièrement sur les taux d’emprunt des pays les plus vulnérables de la zone euro.
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