La BCE maintient taux et soutiens monétaires inchangés malgré la poussée d’inflation
La Banque centrale européenne a maintenu jeudi toutes ses mesures de soutien à l’économie malgré la forte poussée de l’inflation en zone euro, ce qui renvoie à décembre la décision concernant une normalisation progressive de la politique monétaire.
Les vingt-cinq membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont, comme attendu, confirmé l’arsenal monétaire en place, pour permettre aux États, ménages et entreprises, de se financer dans de bonnes conditions et ne pas compromettre la reprise.
Les rachats de dette dans le cadre du programme “PEPP”, pour contrer les effets de la pandémie, vont se poursuivre durant l’automne à “un rythme légèrement plus faible” par rapport aux deux précédents trimestres. Le volume du programme, soit 1.850 milliards d’euros, dont près de 80% sont déjà dépensés, n’a pas changé. Ce dispositif exceptionnel expirera fin mars 2022, du moins si la crise liée au Covid-19 est jugée terminée, et les analystes parient sur la mise en place d’un nouveau dispositif pour assurer une transition en douceur.
Les taux directeurs ont, eux, été maintenus à leur plus bas niveau, notamment celui, négatif, de -0,5% qui taxe les dépôts en excès des banques, lorsqu’ils ne sont pas distribués dans l’économie.
La conférence de presse conduite à partir de 12h30 GMT par la présidente de la BCE, Christine Lagarde, sera suivie de près pour comprendre comment la banque centrale va réagir à la remontée des taux à court terme sur le marché, selon Unicredit.
Cette remontée reflète les attentes de nombreux investisseurs d’un resserrement des vannes du crédit par la BCE vers la fin 2022. Essence, services, matériaux… les prix s’envolent, faute d’offre suffisante, et les opinions publiques en Europe sont chauffées à blanc, mettant la pression sur les gardiens de l’euro pour qu’ils réagissent.
Or, Mme Lagarde “s’en tiendra probablement au récit de +l’inflation temporaire+” comme ces derniers mois. L’avant-dernière réunion de l’année lui donne “une bonne occasion” de signaler aux acteurs de marché que leur calendrier de remontée des taux ne colle pas aux anticipations de la banque centrale, selon Unicredit.
– Britanniques en éclaireurs –
La discussion sur un début de normalisation monétaire sera en tout état de cause mené en décembre, avait promis la BCE après l’été. Cet exercice s’annonce délicat sur fond d’opposition grandissante au conseil de la BCE entre “faucons”, favorables à un resserrement monétaire car l’inflation pourrait rester élevée plus longtemps que prévu, et “colombes” la jugeant temporaire et voulant maintenir un cap expansif.
Dans cet exercice d’équilibriste, l’institution de Francfort semble “dans une situation plus confortable” que son équivalent américain, la Fed, car “les pressions inflationnistes sont moins prononcées qu’aux États-Unis”, notamment sur les salaires, note Holger Schmieding, chez Berenberg.
En zone euro, le taux d’inflation a atteint 3,4% en septembre, sur un an, bien au-dessus de l’objectif symétrique de 2% visé par la BCE. La hausse s’annonce encore plus marquée en octobre s’annonce, alors qu’en Allemagne seule, le taux a grimpé à 4,5%, amplifié notamment par un effet TVA, comme annoncé jeudi.
La réunion à Francfort précède de quelques jours celles de la Fed et de la Banque d’Angleterre. La Fed a déjà préparé le terrain pour une annonce de réduction de ses achats d’actifs. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, a affirmé que la banque centrale britannique “devra agir” sur l’inflation, ce qui a déclenché des spéculations sur une hausse prochaine des taux.
– Avenir des achats de dettes –
Pour planifier une éventuelle hausse de taux, la BCE se fonde sur les prévisions d’inflation à l’horizon 2023. Or pour l’instant, la banque s’attend à que l’inflation n’atteigne que 1,5% à cette date. En décembre, munie de nouvelles prévisions, l’institution communiquera sur la fin du “PEPP” qui a permis de financer la politique du “quoi qu’il en coûte” des États durant l’épidémie de Covid-19.
Le souci sera celui d’amortir un potentiel choc sur des marchés habitués désormais à des injections massives de liquidités.
Jens Weidmann, président de la Banque fédérale d’Allemagne et partisan de l’orthodoxie, a, lui, choisi de jeter l’éponge. Il quittera prématurément ses fonctions en fin d’année, laissant le clan des “faucons” à la BCE davantage minoritaire pour peser sur l’avenir de la politique monétaire.
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