La bataille feutrée des Bourses américaines pour attirer les stars de la tech

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La concurrence entre Uber, à la veille de ses débuts boursiers sur le New York Stock Exchange, et Lyft, lancé sur le Nasdaq il y a un mois, est tout aussi féroce que celle à l’oeuvre entre les deux principales Bourses américaines, à l’affût des nombreux géants réalisant leurs premiers pas sur les marchés.

“Nous sommes en compétition intense sur l’ensemble des introductions en Bourse”, reconnaît Jeff Thomas, responsable des “IPO” (Initial Public Offering) sur le Nasdaq, la place boursière new-yorkaise de Times Square.

Le temps encore récent où cette Bourse, historiquement spécialisée dans la technologie, s’accaparait la plupart des entreprises tech, et où le New York Stock Exchange (NYSE) accueillait les autres, est révolu.

Le NYSE, dont la façade imposante trône à Wall Street au sud de Manhattan, peut depuis quelques années accueillir les entreprises ne réalisant pas de profits, une situation courante dans le monde de la tech, alors que son règlement le lui interdisait auparavant.

Cette révolution interne lui a permis d’héberger plusieurs grosses opérations, à l’instar cette année de Pinterest, et bientôt d’Uber et Slack. A la clé, de généreuses commissions qui ont rapporté près de 10% des revenus de sa maison-mère, ICE, au premier trimestre, un chiffre comparable pour le Nasdaq.

– Failles techniques –

Ces opérations sont devenues plus capitales depuis l’émergence des “dark pools”, des plateformes de courtage privées et moins régulées. Celles-ci ont capté 38% des échanges en avril, selon le cabinet Tabb, et “assèchent les frais de courtage” du Nasdaq et du NYSE, d’après Jay Ritter, spécialiste des IPO à l’Université de Floride.

Outre les groupes tech, le nombre total d’entreprises nouvellement introduites pourrait se rapprocher cette année du grand cru de 2014, qui avait signé le retour des IPO après l’âge d’or de la bulle internet à la fin des années 1990.

De quoi exacerber la course de vitesse entre ces deux places, dominée par le Nasdaq: début mai, 41 IPO y avaient été réalisées sur l’année et 9,8 milliards de dollars levés, contre 13 IPO et 4,7 milliards sur le NYSE, d’après Dealogic.

Dans la conquête de nouveaux clients, à chacun ses points forts.

Le Nasdaq met en avant son coeur de métier, sa technologie, pour mener à bien les introductions. Les débuts catastrophiques de Facebook en 2012, lorsque des failles avaient plongé la cotation dans le noir, sont par ailleurs bien loin, selon Jeff Thomas, les décrivant comme “une opportunité” pour s’améliorer.

La Bourse de Wall Street insiste de son côté sur son signe distinctif, la présence de courtiers humains sur son parquet dont la fonction est de fixer le prix d’introduction le jour J, avec le moins de volatilité possible.

“Nous n’avons jamais connu de faille”, note Alex Ibrahim, responsable des introductions internationales au sein du NYSE. Un pied de nez à son adversaire.

Avec l’émergence des procédures automatisées, ces stratégies tiennent toutefois davantage de l’effet marketing, remarque Jay Ritter.

– Jeans et cloche –

“Les résultats sont assez identiques lors des introductions”, affirme-t-il, tout comme les frais d’introduction, comparables et peu négociables selon lui. Ces places “se font surtout concurrence en coulisses, dans l’organisation de plans de marketing ambitieux et d’événements chics”, affirme-t-il.

Exemple avec la chaîne de vente en gros BJ’s. Avant ses débuts boursiers l’an dernier, l’entreprise avait été courtisée le même jour par les deux compétiteurs, a récemment raconté le Wall Street Journal.

Dans leur besace, une campagne d’affichage à Times Square à l’occasion du Black Friday, des publicités au cours d’une compétition de base-ball de second rang, et l’organisation d’un gala cossu.

Ces propositions concernent aussi les premiers pas boursiers, destinées à capter l’attention des télévisions et des réseaux sociaux à travers le monde.

De Levi’s, qui a vu les courtiers sur le parquet du NYSE troquer l’obligatoire costume contre un jean, au groupe de hifi Sonos, réinventant le son de la cloche du Nasdaq qui ouvre chaque jour les échanges, ces places rivalisent d’imagination.

“Tous ces éléments sont très importants car ils donnent de la visibilité à une entreprise qui veut parler à ses consommateurs à travers le monde”, reconnaît Alex Ibrahim, en pleins préparatifs de l’arrivée d’Uber vendredi à Wall Street.

Bannière, champagne et tapis rouge pourraient être de sortie: Uber devrait être la sixième plus grosse introduction en Bourse de l’histoire mondiale en termes de capitalisation boursière.

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