La banque privée Nagelmackers se remet en selle

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Nouveau siège social, nouvelle plateforme IT, nouveau management, nouvelle stratégie: la plus vieille banque du pays se repositionne sur son “core business” de la gestion de fortune.

Fondée en 1747, Nagelmackers fête cette année son 275e anniversaire. Un anniversaire qui s’accompagnera d’un déménagement dans le quartier européen de Bruxelles. A l’automne, les équipes de la plus vieille banque du pays quitteront en effet son siège social actuel, logé avenue de l’Astronomie, à Saint-Josse, pour s’installer dans un tout nouvel immeuble de bureaux situé à l’angle des rues Montoyer et de l’Industrie. Un nouveau quartier général tout en bois et entièrement passif dont le caractère durable colle parfaitement avec l’ambition de la banque de contribuer activement à la transition énergétique, tant en interne qu’au travers des investissements “verts” proposés à ses clients.

Recentrage sur le haut de gamme

Mais si Nagelmackers a choisi de déménager dans un tout nouvel écrin, ce n’est pas uniquement pour se donner l’image d’une banque moderne et tournée vers l’avenir. L’initiative cadre aussi avec un nouveau départ. On se souviendra en effet de l’absorption de la banque en 2005 par le bancassureur néerlandais Delta Lloyd, voulant à l’époque croître fortement dans le retail.

L’emblématique nom de la famille Nagelmackers, qui a entre autres participé à la création de la Compagnie internationale des wagons-lits, avait alors disparu du paysage bancaire, avant de réapparaître en 2015 à l’occasion de l’entrée dans son capital du groupe chinois Anbang (aujourd’hui Dajia). Résultat des courses: plusieurs années d’errements qui n’ont pas facilité la vie de la banque. Au contraire, puisque Nagelmackers a même accusé une perte de plus de 5 millions d’euros en 2018, ce qui a valu à l’ancienne direction de devoir faire place à une nouvelle équipe, “principalement constituée de Belges”, précise le chief commercial officer Yves Van Laecke.

Objectif pour ce nouveau management: implémenter un tout nouveau plan stratégique visant à se recentrer sur le core business de la maison, à savoir ses activités de banque privée. “Nous ne visons plus que deux catégories de clients, explique Yves Van Laecke. Ceux qui disposent d’une épargne investie de minimum 75.000 euros et ceux dont le patrimoine est supérieur à 500.000 euros. C’est un bon choix: 2021 était notre première année et nous avons fait des pas dans la bonne direction.”

Grâce à ce recentrage sur le personal et le private banking, ajoute Yves Van Laecke, “nous avons réussi à augmenter nos revenus et à réduire nos coûts, ce qui nous permet cette année encore de dégager un résultat net positif.” Un an après la mise en route de ce nouveau plan stratégique, le bilan est en effet plutôt encourageant. La banque totalise à présent quelque 13 milliards d’avoirs, dont environ 5 milliards de fonds sous gestion, lesquels ont progressé l’an dernier de 14% (pour moitié hors effet de marché) tandis que les coûts ont fortement diminué, de 9%.

Modèle hybride

Sur le terrain, cette compression des coûts se traduit d’abord par une réduction du personnel. En un an, le staff a été réduit d’un peu plus de 40 personnes pour passer de 408 à 366 employés. Elle s’explique aussi par une rationalisation du réseau d’agences, qui sera redimensionné dans les années à venir. Sur les 36 agences en propre que Nagelmackers possède encore, n’en restera en effet plus qu’une grosse vingtaine. Des agences qui seront moins nombreuses certes, mais plus grosses. Quant aux 14 autres, elles seront transformées en de petits “centres d’affaires, indique Yves Van Laecke. Ceux-ci seront situés dans les villes de moindre importance et accessibles uniquement sur rendez-vous.” Autrement dit, poursuit le responsable commercial, “nous évoluons vers un modèle de flagship stores qui seront plus grands que certaines de nos agences actuelles, complété par un réseau de plus petites agences. Ces flagship stores regrouperont l’ensemble des employés actuels. Il n’y aura aucune conséquence sociale et donc pas d’impact sur le nombre d’employés actifs dans notre réseau.”

Yves Van Laecke
Yves Van Laecke© PG
Nous évoluons vers un modèle de ‘flagship stores’ complété par un réseau de plus petites agences.” – YVES VAN LAECKE, DIRECTEUR COMMERCIAL

Clairement, la banque a opté pour un modèle hybride. “Le client peut en effet choisir la manière dont il veut être servi, poursuit Yves Van Laecke. Il est bienvenu en agence, mais nos conseillers peuvent également se rendre à son domicile, ou s’entretenir avec lui par videocall, ou en mélangeant toutes ces options, en fonction de ses préférences. Les besoins et les attentes de nos clients ont changé ces dernières années, notamment suite à la pandémie, et continueront à évoluer dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de remplacer notre plateforme IT. Il s’agit d’un gros chantier qui durera trois ans et qui nous permettra d’implémenter de manière plus flexible les changements demandés non seulement par les clients, principalement en termes de digitalisation, mais aussi ceux exigés par les régulateurs.”

Cibler les familles

Dans ce contexte et pour se démarquer de la concurrence, Nagelmackers entend se positionner désormais aussi comme l’interlocuteur des familles. “L’idée est de s’affirmer comme une sorte de family wealth office, situe Yves Van Laecke. Nous voulons fidéliser les parents mais aussi les enfants et les petits-enfants. Et être perçus comme une banque où l’individu compte, qui a une human touch. C’est sur ce terrain que nous désirons nous différencier.” A cet effet, la maison a lancé un programme de sponsoring intitulé NextGen Talent Program qui soutient financièrement 10 jeunes talents sportifs et artistiques entre 12 et 20 ans. Le jeune golfeur prodige Hugo Duquaine fait partie de ces ambassadeurs, mais aussi l’athlète Jente Hauttekeete, très prometteur spécialiste des épreuves combinées comme l’heptathlon et le décathlon.

Les autres clients sont-ils du coup moins chouchoutés? “Nous respecterons nos engagements, assure Yves Van Laecke. Nous continuerons à servir tout le monde de manière correcte mais les anciens clients retail qui ne disposent pas de 75.000 euros investis sont plutôt dirigés vers nos canaux digitaux.” Ils y reçoivent un conseil et une gestion davantage standardisés, disons-le, alors que 97% des autres clients de la banque possèdent suffisamment d’avoirs pour bénéficier d’une gestion de portefeuille discrétionnaire s’appuyant sur une gamme de fonds maison, de fonds de tiers ainsi que la possibilité de détenir des titres en ligne directe.

Habiller la mariée?

Reste bien sûr “la” question: les rumeurs qui circulent depuis plusieurs années selon lesquelles Nagelmackers serait à vendre appartiennent-elles désormais au passé? Autrement dit, la réorganisation ne vise-t-elle pas à habiller la mariée? “Non, affirme Yves Van Laecke. Les investissements consentis pour se concentrer sur le personal et le private banking et remplacer complètement les systèmes informatiques de la banque afin d’augmenter encore son efficacité, ainsi que la qualité de ses services et produits, témoignent de ses ambitions pour dégager une croissance saine et continue. L’actionnaire a clairement donné son engagement pour développer cette stratégie, confirmant ainsi que la banque n’était pas à vendre.” Pour le moment, du moins.

13 milliards

En euros, le montant des avoirs de la banque, dont environ 5 milliards de fonds sous gestion.

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