L’euro numérique, un chantier boosté par la pandémie

CHRISTINE LAGARDE signant son premier billet en euros au siège de la BCE, le 27 novembre dernier. © GETTY IMAGES

Les Européens s’échangeront-ils un jour des euros numériques ? Pour le décider, la Banque centrale européenne (BCE) lance lundi une consultation publique et une série de tests.

L’idée d’une devise numérique émise par la Banque centrale a connu un coup d’accélérateur avec la pandémie et le développement des paiements dématérialisés.

Porte-monnaie numérique

L’euro “digital” serait une forme électronique de monnaie de banque centrale, existant parallèlement aux espèces.

Particuliers et entreprises pourraient stocker ces devises dans un “porte-monnaie numérique”. Il est envisagé qu’ils puissent déposer directement cette monnaie auprès de la banque centrale, dont l’accès est jusqu’ici réservé aux banques commerciales.

Il “permettrait à tous d’effectuer des paiements quotidiens rapidement, facilement, et en toute sécurité”, explique la BCE dans un récent rapport.

Ses promoteurs font valoir que les transactions seraient beaucoup plus rapides, voire instantanées, car ne nécessitant pas de règlement interbancaire, et donc disponibles 24h/24, 7j/7.

Son mécanisme pourrait reposer sur la technologie blockchain (des chaînes de blocs, un protocole informatique réputé infalsifiable), sur laquelle s’appuient déjà des monnaies virtuelles comme le bitcoin, mais sans la volatilité des crypto-monnaies.

Electrochoc du Libra

La BCE veut accompagner l’explosion des paiements dématérialisés, qui s’est amplifiée avec la pandémie de Covid-19.

Même en Allemagne, pays où le liquide a longtemps été roi, les consommateurs ont, en 2020, pour la première fois dépensé plus d’argent par carte.

La BCE craint que cet engouement ne profite à des monnaies virtuelles privées ou à des devises étrangères.

En 2019, le projet de Facebook de créer une monnaie virtuelle, le Libra, “a précipité la réflexion des banques centrales”, affirme à l’AFP Frederik Ducrozet, expert chez Pictet Wealth Management.

L'euro numérique, un chantier boosté par la pandémie

Par ailleurs, plusieurs pays comme la Chine ou les Etats-Unis ont commencé à réfléchir sérieusement à émettre leur propre crypto-monnaie, poussant la BCE à organiser la riposte.

Le président du groupe de travail, Fabio Panetta, estime ainsi qu’un euro numérique renforcerait la souveraineté financière de l’UE.

Cet euro numérique serait également un nouveau canal pour les politiques monétaires de la banque centrale qui disposerait d’un accès direct aux citoyens et pourrait donc, notamment en fixant un taux de rémunération, “stimuler directement la consommation des ménages ou les investissements des entreprises”, écrit la BCE.

Des garde-fous à définir

Le principal risque est la fuite des épargnants vers cette nouvelle forme de monnaie, qui permet d’éviter les frais d’un compte de dépôt classique, ce qui fragiliserait les banques de la zone euro.

Un risque d’autant plus important “en période de crise”, où les épargnants, défiants vis-à-vis du système bancaire, pourraient convertir leurs comptes courants, selon la BCE.

Pour éviter cet écueil, l’institut propose notamment de limiter le nombre d’euros numériques que chacun pourrait posséder ou échanger.

En outre, “quel est le degré d’anonymat souhaité? On touche à la fois au respect de la vie privée et à la lutte contre le blanchiment, qui sont des objectifs également légitimes de la société. Ce n’est pas aux banques centrales de dire lequel est le plus important. Il faut donc une discussion politique”, estimait dans une récente interview Benoît Coeuré, ancien membre du directoire de la BCE et directeur du pôle d’innovation technologique de la banque des règlements internationaux (BRI).

Bientôt dans le portefeuille ?

La consultation, destinée à connaître les attentes du grand public, du secteur financier et des institutions, va durer trois mois.

Des “tests” seront menés pendant six mois. La BCE décidera ensuite “vers la mi-2021” de mettre en chantier ou pas l’euro numérique.

Mais même en cas de feu vert, il faudra ensuite compter “entre 18 mois et jusqu’à 3 ou 4 années” pour voir l’initiative se concrétiser, selon une source proche du projet.

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