Joachim Nagel, un économiste “maison”, va diriger la Bundesbank
L’économiste Joachim Nagel va devenir, sur proposition du gouvernement allemand, le prochain dirigeant de la Bundesbank incarnant un choix de la “continuité” pour l’institution qui doit rassurer l’Allemagne dans un contexte d’envolée des prix.
Il s’agit d’une des premières nominations de poids du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, arrivé au pouvoir en décembre à la tête d’une coalition avec les Verts et les libéraux du FDP. Sa candidature a été proposée lundi en remplacement de l’actuel président démissionnaire Jens Weidmann, une figure de l’orthodoxie monétaire. “C’est une personnalité expérimentée qui assure la continuité” à la Bundesbank, a indiqué le ministre des Finances Christian Lindner dans un tweet.
Joachim Nagel, 55 ans, connaît bien la banque centrale où il a travaillé durant dix-sept ans. Proche du parti social-démocrate (SPD), il est considéré comme un candidat de compromis pour la “Buba” dont M. Weidmann quittera la direction au 31 décembre.
La nomination de M. Nagel, qui sera présentée mercredi en conseil des ministres, intervient à un moment tendu pour la Bundesbank, alors que l’inflation s’envole en Allemagne, à plus de 5% sur un an en novembre, au-dessus de la moyenne observée en zone euro, et bien au-delà de l’objectif de 2% visé par la Banque centrale européenne (BCE).
– Opinion inquiète –
“Nous sommes dans une période d’attention accrue concernant l’inflation et la stabilité de la politique monétaire dans la tradition de la Bundesbank est importante”, a souligné devant la presse M. Lindner, chef du parti libéral et partisan de l’orthodoxie budgétaire et monétaire. En ce sens, la nomination de M. Nagel est “un bon signal pour la population allemande, comme pour l’Europe”, a-t-il ajouté.
Dans un pays obsédé par la stabilité des prix, où la “Bundesbank” était vénérée jadis pour son combat acharné contre l’inflation, la politique plus accommodante de la Banque centrale européenne passe mal auprès d’une partie de la population.
Jens Weidmann, influent membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, avait régulièrement été mis en minorité ces derniers temps par les “colombes” de l’institution, réticentes à resserrer trop vite la vis du crédit. Son mandat, le second depuis 2011, n’aurait dû s’achever qu’en 2027, mais il avait annoncé son départ en octobre, invoquant des raisons personnelles.
M. Weidmann, ancien conseiller d’Angela Merkel, avait souvent exprimé son malaise avec le cap généreux de la BCE qui rachète de grandes quantités d’obligations publiques sur le marché pour réduire les coûts d’emprunts des pays de la zone euro, craignant que cela freine la discipline budgétaire des pays les plus endettés.
– “Formé en interne” –
Titulaire d’un doctorat en économie de l’institut de technologie de Karlsruhe, Joachim Nagel est membre du parti social-démocrate, selon plusieurs médias. Il est depuis 2020 chef-adjoint de la division bancaire à la Banque des règlements internationaux, l’organe chapeautant les banques centrales dans le monde, après avoir passé la plus grande partie de sa carrière à la Bundesbank. Pendant ces années passées au sein de la “Buba”, jusqu’en 2016, il a piloté les opérations de marché et le domaine des technologies de l’information.
M. Weidmann avait loué sa “détermination”, ses “compétences en communication” et sa “connaissance approfondie des marchés financiers” au moment de son départ de la banque centrale pour rejoindre le directoire de la banque publique de développement KfW, qu’il occupera pendant 4 années.
Le quotidien économique “Handelsblatt” parle de lui comme d'”un ordo-libéral défenseur de l’économie de marché”. La Bundesbank gagne avec Joachim Nagel un successeur “quasi naturel et formé en interne”, qui devrait “reprendre la position de M. Weidmann en tant que gardien d’une politique monétaire plus conservatrice”, commente Carsten Brzeski, économiste chez ING.
Il “partage l’opinion traditionnelle allemande du rôle de la banque centrale, qui doit se focaliser strictement sur la mission d’assurer la stabilité des prix, et surtout éviter de financer le déficit public”, estime Eric Dor, directeur de recherche à l’Institut d’économie scientifique et de gestion (IESEG), qui classe toutefois M. Nagel parmi les “pragmatiques”.
Félicitant le futur gouverneur, la présidente de la BCE Christine Lagarde s’est dite, dans un tweet en allemand, “impatiente de travailler avec un banquier central aussi expérimenté”.
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