Geert Noels (CEO d’Econopolis): “On va vers une autre mondialisation”

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

L’économiste commente les déclarations du patron de BlackRock estimant que la guerre en Ukraine met un terme à 30 années de globalisation.

1. Dans sa dernière lettre aux actionnaires, le patron du géant mondial de la gestion d’actifs BlackRock, Larry Fink, estime que “l’invasion russe met fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des 30 dernières années”. Etes-vous d’accord avec lui?

A mes yeux, ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas la fin de la mondialisation mais plutôt la fin d’une certaine mondialisation. Pour le dire autrement, on va vers une autre mondialisation. Laquelle tient bien évidemment de plus en plus compte du coût environnemental mais qui va devoir aussi de plus en plus tenir compte de la sécurité d’approvisionnement. Nous nous rendons compte aujourd’hui que le global sourcing est en réalité peu robuste, voire même très fragile. Nous avons surestimé les bénéfices à court terme de ce système qui à consiste à planifier la production en cherchant le pays ou le partenaire le moins cher sans tenir compte du coût caché de la sécurité.

2. Dans ce contexte, la position concurrentielle de l’Europe ne se retrouve-t-elle pas fort affaiblie, notamment par rapport aux Etats-Unis?

Comme le dit Warren Buffett, c’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui nagent tout nus. C’est le cas aujourd’hui pour les Européens. Avec la guerre en Ukraine, l’Europe se rend compte qu’elle est très vulnérable à plusieurs niveaux. Elle est vulnérable non seulement sur le plan militaire et énergétique, mais aussi d’un point de vue alimentaire et technologique. C’est tout le contraire pour les Etats-Unis qui sont indépendants, bien sûr, sur le plan militaire mais aussi sur le terrain énergétique et en matière de technologie, et même sur le plan alimentaire puisqu’ils ne dépendent pas du grenier à blé de l’Ukraine. Il faut cependant rester optimiste. Devenir moins dépendant des autres se traduira pour l’Europe par de nombreux investissements supplémentaires. Tout n’est donc pas négatif pour autant.

3. Et la Belgique: en tant que petit pays, ne risquons-nous pas de souffrir encore davantage de cette fin de la globalisation telle que nous l’avons connue jusqu’ici?

Il est difficile de se prononcer sur la fragilité relative de la Belgique. Des opportunités existent notamment sur le plan d’une économie plus durable. Mais notre politique énergétique est notre talon d’Achille. Il faut espérer que le gouvernement, qui est en train de plancher sur sa stratégie énergétique, le fasse en tenant compte non seulement du coût de l’énergie mais aussi du potentiel lié à la relocalisation de certaines activités en Belgique, ce qui nécessite une position énergétique compétitive.

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